Lumbrileto :: Ripozejo :: Rps terminés
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IRL
INRP
STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
L'odeur de la terre s'accrochait à sa peau, et l'humidité pendait au bout de ses longs cils noirs. Dans le calme du matin, Forsaken sentait ses vieilles bottes s'enfoncer dans la boue, tandis qu'il constatait la pluie qui avait eu lieu cette nuit. Dans le silence de la forêt, il ne percevait que le bruit de sa propre respiration, et celui de ses pas. Il ne s'y enfonçait pas pourtant, assoiffé comme il était de sa solitude, pour approcher les animaux. Au loin, un oiseau quitta une branche, et les feuilles chuintèrent dans son oreille.
Il était facile de connaître les habitudes de Forsaken. Si attaché par les règles qu'il s'imposait, il n'en dérogeait pas. Il se levait de bonne heure, sans petit-déjeuner et sans saluer les autres. Un seul regard, lourd de silence, lui suffisait. L'air de dire : j'ai remarqué votre présence, c'est bon.
À Espéro, l'homme n'aspirait qu'à la tranquillité qu'il avait acquise. Aux longues promenades avoisinant la forêt, au non-bruit qui l'empêchait d'être surpris. Bref instant de relâchement, où son esprit vagabondait dans les fourrées, parfois se heurtait à une fougère que sa main rencontrait. Ses paumes étaient rêches, usées, son touché aussi désagréable que de l'ardoise. Mais au contact des troncs d'arbre, ou des feuilles, il devenait plus doux.
Au petit matin, tandis que le soleil se levait péniblement, loin, très loin, derrière les arbres, Forsaken savourait ces instants. Seul. Toujours. À hésiter de défaire les pièges que certains chasseurs mettaient en place. Une part de lui détestait cela, mais il admettait que la survie des gens était plus importante que ses principes et son mépris. Alors il y jetait quelques regards, estimait s'ils étaient utiles, ou s'agenouillaient pour examiner des restes de poils ou de plumes. Un animal blessé par un piège à loups avait peu de chances de survivre.
C'était rare, pourtant, lorsque Forsaken hésitait.
L'arme dans son dos était lourde, mais sa présence était réconfortante. Un instant, il enfouit ses doigts dans la boue, à étudier les traces qu'il avait trouvées. Curieux, presque, de savoir où la bête avait pu s'enfuir. Un peu de sang se mêlait à l'humidité du sol. Forsaken ne bougea pas. Il resta impassible, immobile, pendant une longue minute.
Enfant, il s'enfonçait dans la forêt pendant les périodes de chasse. De nuit. Un jeu dangereux, où il pariait sa vie avec celle des animaux. Il servait un but précis (et noble ?), qui était de défaire les pièges. Un jour, il avait failli perdre un doigt. Et son père n'avait jamais été mis au courant de ses aventures nocturnes. Tant mieux.
Ce bref souvenir lui gratta la poitrine, puis Forsaken décida de ne pas lui accorder plus de temps. Le froid du matin griffait ses joues, le vent s'engouffrait à travers ses vêtements usés, et descendait le long de sa nuque. Des doigts glacés, seul contact qu'il aurait de la journée. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas être touché, c'était qu'il ne laissait personne l'approcher. Et puis, il affectionnait le froid. Sentiment de nostalgie, enrobant son coeur, jusqu'à endormir le reste.
L'homme se redressa alors, ses genoux craquèrent sous son poids. Il essuya sa main sur sa cuisse, avant de reprendre sa ronde. Il prenait connaissance de l'environnement, il notait mentalement les anomalies, sans s'engouffrer encore dans les bois - et ce n'était pas l'envie qui en manquait !
Au loin, Forsaken voyait les silhouettes des habitations s'ériger en points de couleurs. Bientôt, il serait rentré. Il ferait son rapport à son supérieur, de sa voix monocorde, avant de faire le tour des commerçants. On ne savait jamais si quelque chose pouvait arriver. Les habitants étaient comme des moutons, et lui, le chien qui surveillait leur enclos.
Forsaken inspira, il coupa un instant sa respiration. Il savoura le non-bruit, là, où il ne pouvait jamais être surpris de rien. Une branche craqua, et quand il se tourna, il ne remarqua rien. Alors il mit cela sur la présence d'un écureuil.
Puis il reprit sa marche.
Rien d'anormal.
Il pouvait être tranquille. Le matin était levé, la lumière projetait ses ombres sur la terre. Celles des arbres se transformaient, jouaient avec l'esprit. Et de nouveau, le sentiment de nostalgie regagna sa poitrine. Il fronça les sourcils, puis il ralentit son pas. Il fouilla dans ce qu'il se rappelait de sa vie d'autrefois, de son père qui lui avait balancé une arme dans les mains alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années. De l'homme qu'il avait emmené avec lui en promenade.
Et de son exécution pure et dure.
Deux balles dans le dos. Pour ne pas risquer qu'il s'enfuie.
Forsaken fixa ses pieds, pensif alors. Le coeur lourd d'un remord, non pas du meurtre, mais d'avoir fait couler le sang dans la forêt. Il ferma les yeux.
Peut-être que c'était par instinct que les gens ne l'aimaient pas. Peut-être que cela n'avait rien à voir avec son caractère rude et son silence. Peut-être qu'on sentait qu'il avait du sang sur les mains. La question restait, malgré tout ce temps passé à Espéro : pourquoi avoir tué quelqu'un ?
Forsaken croyait en la justice, mais sa justice n'avait rien d'équitable. Elle était absolue ; un jour, il payerait sa dette. Il devait payer le prix de son acte.
Et le sentiment de vide grossissait dans sa poitrine, comme si la balle qui avait atteint son coeur avait creusé un énorme trou. Et celui-ci ne faisait que grandir. Encore, et encorps.
La tension raidissait ses muscles, pourtant [Tyler] Forsaken relâcha sa vigilance. Une seconde, voire deux. Ses épaules se levèrent, et se baissèrent dans un long soupir, un peu triste.
Sa véritable prison, c'était ce silence. Ce non-bruit où rien ne pouvait (plus) le surprendre.
Il était facile de connaître les habitudes de Forsaken. Si attaché par les règles qu'il s'imposait, il n'en dérogeait pas. Il se levait de bonne heure, sans petit-déjeuner et sans saluer les autres. Un seul regard, lourd de silence, lui suffisait. L'air de dire : j'ai remarqué votre présence, c'est bon.
À Espéro, l'homme n'aspirait qu'à la tranquillité qu'il avait acquise. Aux longues promenades avoisinant la forêt, au non-bruit qui l'empêchait d'être surpris. Bref instant de relâchement, où son esprit vagabondait dans les fourrées, parfois se heurtait à une fougère que sa main rencontrait. Ses paumes étaient rêches, usées, son touché aussi désagréable que de l'ardoise. Mais au contact des troncs d'arbre, ou des feuilles, il devenait plus doux.
Au petit matin, tandis que le soleil se levait péniblement, loin, très loin, derrière les arbres, Forsaken savourait ces instants. Seul. Toujours. À hésiter de défaire les pièges que certains chasseurs mettaient en place. Une part de lui détestait cela, mais il admettait que la survie des gens était plus importante que ses principes et son mépris. Alors il y jetait quelques regards, estimait s'ils étaient utiles, ou s'agenouillaient pour examiner des restes de poils ou de plumes. Un animal blessé par un piège à loups avait peu de chances de survivre.
C'était rare, pourtant, lorsque Forsaken hésitait.
L'arme dans son dos était lourde, mais sa présence était réconfortante. Un instant, il enfouit ses doigts dans la boue, à étudier les traces qu'il avait trouvées. Curieux, presque, de savoir où la bête avait pu s'enfuir. Un peu de sang se mêlait à l'humidité du sol. Forsaken ne bougea pas. Il resta impassible, immobile, pendant une longue minute.
Enfant, il s'enfonçait dans la forêt pendant les périodes de chasse. De nuit. Un jeu dangereux, où il pariait sa vie avec celle des animaux. Il servait un but précis (et noble ?), qui était de défaire les pièges. Un jour, il avait failli perdre un doigt. Et son père n'avait jamais été mis au courant de ses aventures nocturnes. Tant mieux.
Ce bref souvenir lui gratta la poitrine, puis Forsaken décida de ne pas lui accorder plus de temps. Le froid du matin griffait ses joues, le vent s'engouffrait à travers ses vêtements usés, et descendait le long de sa nuque. Des doigts glacés, seul contact qu'il aurait de la journée. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas être touché, c'était qu'il ne laissait personne l'approcher. Et puis, il affectionnait le froid. Sentiment de nostalgie, enrobant son coeur, jusqu'à endormir le reste.
L'homme se redressa alors, ses genoux craquèrent sous son poids. Il essuya sa main sur sa cuisse, avant de reprendre sa ronde. Il prenait connaissance de l'environnement, il notait mentalement les anomalies, sans s'engouffrer encore dans les bois - et ce n'était pas l'envie qui en manquait !
Au loin, Forsaken voyait les silhouettes des habitations s'ériger en points de couleurs. Bientôt, il serait rentré. Il ferait son rapport à son supérieur, de sa voix monocorde, avant de faire le tour des commerçants. On ne savait jamais si quelque chose pouvait arriver. Les habitants étaient comme des moutons, et lui, le chien qui surveillait leur enclos.
Forsaken inspira, il coupa un instant sa respiration. Il savoura le non-bruit, là, où il ne pouvait jamais être surpris de rien. Une branche craqua, et quand il se tourna, il ne remarqua rien. Alors il mit cela sur la présence d'un écureuil.
Puis il reprit sa marche.
Rien d'anormal.
Il pouvait être tranquille. Le matin était levé, la lumière projetait ses ombres sur la terre. Celles des arbres se transformaient, jouaient avec l'esprit. Et de nouveau, le sentiment de nostalgie regagna sa poitrine. Il fronça les sourcils, puis il ralentit son pas. Il fouilla dans ce qu'il se rappelait de sa vie d'autrefois, de son père qui lui avait balancé une arme dans les mains alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années. De l'homme qu'il avait emmené avec lui en promenade.
Et de son exécution pure et dure.
Deux balles dans le dos. Pour ne pas risquer qu'il s'enfuie.
Forsaken fixa ses pieds, pensif alors. Le coeur lourd d'un remord, non pas du meurtre, mais d'avoir fait couler le sang dans la forêt. Il ferma les yeux.
Peut-être que c'était par instinct que les gens ne l'aimaient pas. Peut-être que cela n'avait rien à voir avec son caractère rude et son silence. Peut-être qu'on sentait qu'il avait du sang sur les mains. La question restait, malgré tout ce temps passé à Espéro : pourquoi avoir tué quelqu'un ?
Forsaken croyait en la justice, mais sa justice n'avait rien d'équitable. Elle était absolue ; un jour, il payerait sa dette. Il devait payer le prix de son acte.
Et le sentiment de vide grossissait dans sa poitrine, comme si la balle qui avait atteint son coeur avait creusé un énorme trou. Et celui-ci ne faisait que grandir. Encore, et encorps.
La tension raidissait ses muscles, pourtant [Tyler] Forsaken relâcha sa vigilance. Une seconde, voire deux. Ses épaules se levèrent, et se baissèrent dans un long soupir, un peu triste.
Sa véritable prison, c'était ce silence. Ce non-bruit où rien ne pouvait (plus) le surprendre.
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
C’était devenu un jeu comme les autres.
Plus que de l’obsession, c’était de l’entêtement; l’envie irrépressible de recommencer parce qu’on lui avait bien dit de ne plus le faire. Depuis ce jour où, lors d’une énième tentative, plutôt que de simplement le fixer sans un mot, Forsaken l’avait attrapé et la seconde d’après, il s’était intimement acoquiné avec le parquet.
Pas de sursaut,
pas de cri,
mais une réaction,
qui même si elle avait laissé des marques sur ses poignets
-qu’est-ce qui n’en laisse pas sur cette peau blême ?-
avait suffi à nourrir sa détermination à persister.
Forsaken n’était pas imperturbable.
La difficulté de la tâche l’aurait lassé si ce n’était pas arrivé; à la place, à chaque fois qu’il apercevait sa silhouette longiligne, il tentait sa chance. Calmait sa respiration, courbait le dos et se mettait à avancer sur la pointe des pieds. Et à chaque fois, il le remarquait avant qu’il ne puisse frapper, inéluctablement.
Alors Neniu a cherché à faire mieux,
à apprendre à se faire plus petit et plus silencieux.
(une aubaine pour les autres)(si ce n’était pour le fait qu’il pris la sale manie de s’entraîner sur eux)
(il fallait bien qu’il se remonte le moral après un énième échec)
Ce matin, il y croit. Il s’est préparé la veille, est même allé se coucher sans souper avec les autres pour être sûr de se réveiller aux aurores. Un morceau de pain subtilisé à la cuisine en bouche, il avait fouillé sa commode à la recherche des vêtements qui se fondrait au mieux dans le paysage; il avait même, la veille, ramassé des feuilles qu’il glissa soigneusement entre les mailles de son cardigan -et pas celles que l’on trouve autour du Nesto, non: il avait pris le soin d’aller les chercher en forêt pour qu’elles ne jurent pas avec la flore.
Dans son petit manteau de feuilles, le miroir poussiéreux lui dit qu’il a tout d’un vrai petit chasseur.
Prenant une longueur d'avance, il se glisse hors de sa chambre, ignorant à la manière de sa proie les habitants encore endormis de la maison. A force de l’importuner, ses habitudes ont fini par rentrer; il a une bonne idée d’où l’attendre, tapi dans les fourrées, pour commencer à le filer.
Pour piéger Forsaken, il doit penser comme Forsaken,
devenir Forsaken.
(sauf que Forsaken, lui, ne se risquerait pas à chopper la mort pour des enfantillages)
Il évite au possible de marcher dans les chemins découverts, préfère ceux où l’herbe cachera ses traces de pas; et lorsqu’il ne peut l’empêcher, il prend le temps de les effacer. Très vite, ses chaussettes, qu’il avait préférées à ses bottes de pluie dont le chouinement l’aurait certainement trahi, se retrouvent si alourdie d’eau et de boue qu’il préfère s’en débarrasser, les fourrant dans ses poches malgré la tentation de les abandonner derrière lui. Immédiatement, le froid impitoyable vient lui mordre les orteils; mais la mauvaise humeur n’a pas le temps de s’installer, car il l’aperçoit enfin, au loin.
C’est une vraie épreuve de patience, il faut l’admettre. Il n’a qu’envie de courir et de bondir immédiatement sur lui en hurlant, mais ce serait gâcher ses efforts, alors il s’applique à avancer en rythme avec sa cible, à bonne distance, pour ne causer aucun bruissement traître. A un tel point que c’est lui qui sursaute à chaque fois que la nature se manifeste, lui faisant plaquer ses mains congelées sur sa bouche pour y étouffer la surprise.
Mais le regard de Forsaken ne s’est pas encore arrêté sur sa silhouette.
Alors, c’est que la chasse n’est pas finie.
C’est idiot, vraiment. Cette matinée qu’il pourrait passer au chaud au fond de son lit ou à profiter de la quiétude, il la passe à faire une des activités qu’il abhorre le plus: attendre. Et pourtant, l’appréhension mêlée à l’adrénaline fait palpiter son cœur plus fort que n’importe quel jeu.
Il le sent, dans l’air,
que cette fois, c’est la bonne,
même quand la branche craque sous son pied et que son cœur rate un battement,
il ne l’a toujours pas remarqué.
(quelle excitation, de voir ses efforts payer)(dommage que soit pour une chose si futile)
Là tout de suite, il ne se dit même pas que cette routine est ennuyeuse,
il ne juge pas la lenteur et la sérénité,
les gestes étranges mais qui semblent empli d’un sens qui lui échappe,
tout ce qu’il critiquerait devant lui, il l’observe avec une fascination silencieuse,
s’il n’était pas si concentré sur sa tâche, il se demanderait presque ce qui peut bien lui passer par la tête.
Les rayons du soleil commencent à percer à travers le feuillage. Neniu le sent au fond de ses entrailles: il doit agir avant d’être découvert.
Forsaken s’est arrêté, il l’a peut-être déjà remarqué.
Il compte les secondes dans sa tête,
au bout de 10, l’homme ne s’est toujours pas retourné, ne lui a pas même adressé un mot pour lui dire de sortir de sa cachette.
C’est le moment.
Chaque pas le rapprochant de lui fait grimper la tension.
Il ne sent même plus le froid, ni l’humidité qui s’accroche à sa capuche et à ses cils pâles,
les yeux rivés sur le noiraud qui devient de plus en plus net.
Il remplit ses poumons, doucement, sans un bruit,
lève ses bras en évitant de faire bruisser les feuilles sur ses vêtements,
et lorsqu’il arrive enfin à sa hauteur, il ne peut s’empêcher de sourire en abattant ses paumes maculées de boue contre son dos,
poussant le seul cri convenable à cette situation.
Plus que de l’obsession, c’était de l’entêtement; l’envie irrépressible de recommencer parce qu’on lui avait bien dit de ne plus le faire. Depuis ce jour où, lors d’une énième tentative, plutôt que de simplement le fixer sans un mot, Forsaken l’avait attrapé et la seconde d’après, il s’était intimement acoquiné avec le parquet.
Pas de sursaut,
pas de cri,
mais une réaction,
qui même si elle avait laissé des marques sur ses poignets
-qu’est-ce qui n’en laisse pas sur cette peau blême ?-
avait suffi à nourrir sa détermination à persister.
Forsaken n’était pas imperturbable.
La difficulté de la tâche l’aurait lassé si ce n’était pas arrivé; à la place, à chaque fois qu’il apercevait sa silhouette longiligne, il tentait sa chance. Calmait sa respiration, courbait le dos et se mettait à avancer sur la pointe des pieds. Et à chaque fois, il le remarquait avant qu’il ne puisse frapper, inéluctablement.
Alors Neniu a cherché à faire mieux,
à apprendre à se faire plus petit et plus silencieux.
(une aubaine pour les autres)(si ce n’était pour le fait qu’il pris la sale manie de s’entraîner sur eux)
(il fallait bien qu’il se remonte le moral après un énième échec)
Ce matin, il y croit. Il s’est préparé la veille, est même allé se coucher sans souper avec les autres pour être sûr de se réveiller aux aurores. Un morceau de pain subtilisé à la cuisine en bouche, il avait fouillé sa commode à la recherche des vêtements qui se fondrait au mieux dans le paysage; il avait même, la veille, ramassé des feuilles qu’il glissa soigneusement entre les mailles de son cardigan -et pas celles que l’on trouve autour du Nesto, non: il avait pris le soin d’aller les chercher en forêt pour qu’elles ne jurent pas avec la flore.
Dans son petit manteau de feuilles, le miroir poussiéreux lui dit qu’il a tout d’un vrai petit chasseur.
Prenant une longueur d'avance, il se glisse hors de sa chambre, ignorant à la manière de sa proie les habitants encore endormis de la maison. A force de l’importuner, ses habitudes ont fini par rentrer; il a une bonne idée d’où l’attendre, tapi dans les fourrées, pour commencer à le filer.
Pour piéger Forsaken, il doit penser comme Forsaken,
devenir Forsaken.
(sauf que Forsaken, lui, ne se risquerait pas à chopper la mort pour des enfantillages)
Il évite au possible de marcher dans les chemins découverts, préfère ceux où l’herbe cachera ses traces de pas; et lorsqu’il ne peut l’empêcher, il prend le temps de les effacer. Très vite, ses chaussettes, qu’il avait préférées à ses bottes de pluie dont le chouinement l’aurait certainement trahi, se retrouvent si alourdie d’eau et de boue qu’il préfère s’en débarrasser, les fourrant dans ses poches malgré la tentation de les abandonner derrière lui. Immédiatement, le froid impitoyable vient lui mordre les orteils; mais la mauvaise humeur n’a pas le temps de s’installer, car il l’aperçoit enfin, au loin.
C’est une vraie épreuve de patience, il faut l’admettre. Il n’a qu’envie de courir et de bondir immédiatement sur lui en hurlant, mais ce serait gâcher ses efforts, alors il s’applique à avancer en rythme avec sa cible, à bonne distance, pour ne causer aucun bruissement traître. A un tel point que c’est lui qui sursaute à chaque fois que la nature se manifeste, lui faisant plaquer ses mains congelées sur sa bouche pour y étouffer la surprise.
Mais le regard de Forsaken ne s’est pas encore arrêté sur sa silhouette.
Alors, c’est que la chasse n’est pas finie.
C’est idiot, vraiment. Cette matinée qu’il pourrait passer au chaud au fond de son lit ou à profiter de la quiétude, il la passe à faire une des activités qu’il abhorre le plus: attendre. Et pourtant, l’appréhension mêlée à l’adrénaline fait palpiter son cœur plus fort que n’importe quel jeu.
Il le sent, dans l’air,
que cette fois, c’est la bonne,
même quand la branche craque sous son pied et que son cœur rate un battement,
il ne l’a toujours pas remarqué.
(quelle excitation, de voir ses efforts payer)(dommage que soit pour une chose si futile)
Là tout de suite, il ne se dit même pas que cette routine est ennuyeuse,
il ne juge pas la lenteur et la sérénité,
les gestes étranges mais qui semblent empli d’un sens qui lui échappe,
tout ce qu’il critiquerait devant lui, il l’observe avec une fascination silencieuse,
s’il n’était pas si concentré sur sa tâche, il se demanderait presque ce qui peut bien lui passer par la tête.
Les rayons du soleil commencent à percer à travers le feuillage. Neniu le sent au fond de ses entrailles: il doit agir avant d’être découvert.
Forsaken s’est arrêté, il l’a peut-être déjà remarqué.
Il compte les secondes dans sa tête,
au bout de 10, l’homme ne s’est toujours pas retourné, ne lui a pas même adressé un mot pour lui dire de sortir de sa cachette.
C’est le moment.
Chaque pas le rapprochant de lui fait grimper la tension.
Il ne sent même plus le froid, ni l’humidité qui s’accroche à sa capuche et à ses cils pâles,
les yeux rivés sur le noiraud qui devient de plus en plus net.
Il remplit ses poumons, doucement, sans un bruit,
lève ses bras en évitant de faire bruisser les feuilles sur ses vêtements,
et lorsqu’il arrive enfin à sa hauteur, il ne peut s’empêcher de sourire en abattant ses paumes maculées de boue contre son dos,
poussant le seul cri convenable à cette situation.
“BOUH-”
IRL
INRP
STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Pourtant, Forsaken était bien, là. Il était dans son élément, parmi le rien. Il y avait le souffle du vent dans les feuillages, le sien qui résonnait à travers sa cage thoracique. La quiétude d'une matinée humide, où le soleil se levait à travers la bruine. Il n'avait aucune raison de s'abandonner à une telle émotivité.
Peut-être un vague sentiment de fatigue, dû à ses courtes nuits.
L'homme avala lentement sa salive, sa gorge était sèche. Puis, il se redressa. Il fronça soudain les sourcils, avant de tourner la tête en direction d'un arbre sur la droite. Il venait de percevoir des battements d'ailes, des plumes qui se détachaient dans le ventre de la forêt. Quelques oiseaux venaient de s'envoler, laissant dans ses oreilles que la plainte des branches.
Un bruit emplit toute sa tête.
Et Forsaken, ailleurs, à s'efforcer d'avorter la mélancolie qui lui serrait la poitrine, manqua de vigilance.
Il ne perçut que trop tard. Les pas, le souffle saccadé.
Mais il sentit la force avec laquelle on le poussa, suivi d'un cri.
Son corps bougea à peine, tandis que dans son crâne, quelque chose se ralluma. Son coeur était pareil à une balle, craché par une carabine avec la puissance du vent. Il partit vite. Réflexe d'une enfance passée à encaisser les coups d'un père violent, à pressentir quand on arrivait dans son dos. À courber l'échine et à enfouir la tête dans ses bras pour ne pas être touché.
Un instant, Forsaken cessa de respirer. Il ferma le poing, l'adrénaline lança le long de ses membres des vagues d'électrochocs. Et avant même qu'il ne puisse se rendre compte, avant même que son cerveau ne le ramène à la raison, son corps obéit.
À l'instinct.
Aussitôt, l'ancien garde-chasse se tourna. Le poing levé à hauteur de son épaule, il l'envoya en plein milieu du nez de la menace. Ses phalanges brûlèrent à peine, tandis qu'à ses oreilles, sonnait la musique caractéristique des os qui craquent
(tu sais, comme quand il t'a un jour pété le bras)
Puis plus rien.
Au loin, dans les entrailles de la forêt, un oiseau roucoula. Et Forsaken réalisa.
Sa haute silhouette, tout en longueur, pic de roche battu par le froid, ne bougea pas. Le silence s'étendit jusqu'à dans son crâne, des fourmis coururent le long de sa nuque et dans ses épaules. Alors que ses yeux sombres étaient grands ouverts sur la frêle silhouette du gamin.
Les cheveux d'un blond clairs, presque blancs comme de la neige. Le "Bouh" d'une voix qui passait son temps à essayer. Et qui avait singulièrement réussi.
Putain de merde.
Vraiment : putain de merde.
Même sa respiration n'était plus contrôlée, elle sifflait depuis sa poitrine. Et Forsaken ne décrocha pas un mot.
Il aurait dû reconnaître le contact, puis l'exclamation.
Il aurait dû sentir sa présence.
Pour la première fois de sa vie, Forsaken venait de frapper un enfant.
Putain de merde.
Peut-être un vague sentiment de fatigue, dû à ses courtes nuits.
L'homme avala lentement sa salive, sa gorge était sèche. Puis, il se redressa. Il fronça soudain les sourcils, avant de tourner la tête en direction d'un arbre sur la droite. Il venait de percevoir des battements d'ailes, des plumes qui se détachaient dans le ventre de la forêt. Quelques oiseaux venaient de s'envoler, laissant dans ses oreilles que la plainte des branches.
Un bruit emplit toute sa tête.
Et Forsaken, ailleurs, à s'efforcer d'avorter la mélancolie qui lui serrait la poitrine, manqua de vigilance.
Il ne perçut que trop tard. Les pas, le souffle saccadé.
Mais il sentit la force avec laquelle on le poussa, suivi d'un cri.
Son corps bougea à peine, tandis que dans son crâne, quelque chose se ralluma. Son coeur était pareil à une balle, craché par une carabine avec la puissance du vent. Il partit vite. Réflexe d'une enfance passée à encaisser les coups d'un père violent, à pressentir quand on arrivait dans son dos. À courber l'échine et à enfouir la tête dans ses bras pour ne pas être touché.
Un instant, Forsaken cessa de respirer. Il ferma le poing, l'adrénaline lança le long de ses membres des vagues d'électrochocs. Et avant même qu'il ne puisse se rendre compte, avant même que son cerveau ne le ramène à la raison, son corps obéit.
À l'instinct.
Aussitôt, l'ancien garde-chasse se tourna. Le poing levé à hauteur de son épaule, il l'envoya en plein milieu du nez de la menace. Ses phalanges brûlèrent à peine, tandis qu'à ses oreilles, sonnait la musique caractéristique des os qui craquent
(tu sais, comme quand il t'a un jour pété le bras)
Puis plus rien.
Au loin, dans les entrailles de la forêt, un oiseau roucoula. Et Forsaken réalisa.
Sa haute silhouette, tout en longueur, pic de roche battu par le froid, ne bougea pas. Le silence s'étendit jusqu'à dans son crâne, des fourmis coururent le long de sa nuque et dans ses épaules. Alors que ses yeux sombres étaient grands ouverts sur la frêle silhouette du gamin.
Les cheveux d'un blond clairs, presque blancs comme de la neige. Le "Bouh" d'une voix qui passait son temps à essayer. Et qui avait singulièrement réussi.
Putain de merde.
Vraiment : putain de merde.
Même sa respiration n'était plus contrôlée, elle sifflait depuis sa poitrine. Et Forsaken ne décrocha pas un mot.
Il aurait dû reconnaître le contact, puis l'exclamation.
Il aurait dû sentir sa présence.
Pour la première fois de sa vie, Forsaken venait de frapper un enfant.
Putain de merde.
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
Tout devait se cumuler dans cette réaction.
Toutes les frousses imposées à ses colocataires.
Toutes les tentatives qu’il s’était mis à analyser.
Toutes les heures où il s’entraînait au lieu de faire ses corvées,
sans se cacher quand Forsaken venait le ramener à l’ordre.
“T’as intérêt à rester sur tes gardes.”
Qu’il lui avait dit, comme si l’homme ne passait pas sa vie aux aguets.
Ça doit être fatiguant, de toujours être à l’affût de tous les dangers,
il se sentirait presque mal d’avoir troublé ce qui semblait être un instant de relâchement, le premier qu’il a eu l’occasion de voir,
mais des opportunités comme ça, il n’y allait pas en avoir mille.
Et réaction, il y avait eu.
Si rapide que le rire n’eut jamais le temps de s’échapper de sa gorge.
Pourtant le temps semblait s’être arrêté, une seconde à peine, juste avant que le poing n’éclipse le reste du monde de son champ de vision. Gelé sur place avant même que l’hiver n’ait tout à fait repris ses droits.
Dans son ombre, il n’est plus sûr de qui se trouve au bout de ce bras.
Tout se bouscule au moment de l'impact
-les étoiles la douleur le craquement le froid le sol
Son petit corps se heurte à la boue et reste inerte, tout désarticulé.
Quelque part, tout au fond de sa tête, on lui hurle de se recroqueviller, mais ses membres n'obéissent pas, paralysé par un choc plus profond encore que le coup -il n’est pas sûr même de ne pas avoir glissé dans l’inconscient un instant, depuis combien de temps il est resté allongé comme ça, mais quand enfin la douleur réussit à s'immiscer sous l'engourdissement, elle s’accompagne d’une familiarité frappante.
Arrête
Ça suffit
Calme-toi
Je t’en prie-
Elle laisse une traînée chaude et humide sur la peau en ébullition et enfin, son corps obéit, essaie de se rouler en boule, se protéger, geste gravé dans sa mémoire auquel il n’a pas envie de penser. Il crache, tousse, oublie ce qu’il fait ici, pourquoi tout fait mal, ne sent même pas les larmes qui se mêlent au sang ruisselant de son nez et à la bave sur son menton. Le petit garçon à la langue bien pendue n’est réduit qu’à de pathétiques gémissements haletants, une petite bête prise dans un piège qui aurait dû l'achever.
Et cette insupportable sensation de déjà vu qui s’agrippe à son cerveau, essaie désespérément de profiter de l’étourdissement pour réveiller quelque chose. “já ne-” Le crachat sanguinolent se mêle à la boue, le goût métallique du sang envahissant sa bouche. “‘nejsem já… !” Il faut qu’il lui dise -il faut qu’il lui dise sinon ça ne s’arrêtera jamais.
Je te jure, c’est pas moi.
C’est pas moi.
C’est pas moi… ?
Toutes les frousses imposées à ses colocataires.
Toutes les tentatives qu’il s’était mis à analyser.
Toutes les heures où il s’entraînait au lieu de faire ses corvées,
sans se cacher quand Forsaken venait le ramener à l’ordre.
“T’as intérêt à rester sur tes gardes.”
Qu’il lui avait dit, comme si l’homme ne passait pas sa vie aux aguets.
Ça doit être fatiguant, de toujours être à l’affût de tous les dangers,
il se sentirait presque mal d’avoir troublé ce qui semblait être un instant de relâchement, le premier qu’il a eu l’occasion de voir,
mais des opportunités comme ça, il n’y allait pas en avoir mille.
Et réaction, il y avait eu.
Si rapide que le rire n’eut jamais le temps de s’échapper de sa gorge.
Pourtant le temps semblait s’être arrêté, une seconde à peine, juste avant que le poing n’éclipse le reste du monde de son champ de vision. Gelé sur place avant même que l’hiver n’ait tout à fait repris ses droits.
Dans son ombre, il n’est plus sûr de qui se trouve au bout de ce bras.
Tout se bouscule au moment de l'impact
-les étoiles la douleur le craquement le froid le sol
Son petit corps se heurte à la boue et reste inerte, tout désarticulé.
Quelque part, tout au fond de sa tête, on lui hurle de se recroqueviller, mais ses membres n'obéissent pas, paralysé par un choc plus profond encore que le coup -il n’est pas sûr même de ne pas avoir glissé dans l’inconscient un instant, depuis combien de temps il est resté allongé comme ça, mais quand enfin la douleur réussit à s'immiscer sous l'engourdissement, elle s’accompagne d’une familiarité frappante.
Arrête
Ça suffit
Calme-toi
Je t’en prie-
Elle laisse une traînée chaude et humide sur la peau en ébullition et enfin, son corps obéit, essaie de se rouler en boule, se protéger, geste gravé dans sa mémoire auquel il n’a pas envie de penser. Il crache, tousse, oublie ce qu’il fait ici, pourquoi tout fait mal, ne sent même pas les larmes qui se mêlent au sang ruisselant de son nez et à la bave sur son menton. Le petit garçon à la langue bien pendue n’est réduit qu’à de pathétiques gémissements haletants, une petite bête prise dans un piège qui aurait dû l'achever.
Et cette insupportable sensation de déjà vu qui s’agrippe à son cerveau, essaie désespérément de profiter de l’étourdissement pour réveiller quelque chose. “já ne-” Le crachat sanguinolent se mêle à la boue, le goût métallique du sang envahissant sa bouche. “‘nejsem já… !” Il faut qu’il lui dise -il faut qu’il lui dise sinon ça ne s’arrêtera jamais.
Je te jure, c’est pas moi.
C’est pas moi.
C’est pas moi… ?
IRL
INRP
STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Sous l'impact, il recula.
Sous l'impact, il sentit la tension déchirer ses muscles, engourdir toutes ses pensées. Et sous l'impact, de son poing lancé en plein milieu du visage enfantin, Forsaken laissa une émotion percer les ténèbres de ses yeux. Son coeur cognait sa poitrine avec une virulence si lointaine, qu'il se rappelait peu à peu de ce qu'il avait déjà ressenti. Sa mémoire hissait encore ses murs, pourtant, ce sentiment de culpabilité ne lui était pas inconnu. Un instant, il se souvint de tous les coups qu'il n'avait pas esquivés à temps. Et de tous ceux qu'il avait donnés, quand ses camarades de classe jouaient à le surprendre. Quand on n'écoutait pas ses mises en garde, et que l'on se retrouvait, la face contre le sol pour l'avoir provoqué.
Mais ici ce n'était pas qu'une provocation. C'était le jeu d'un enfant de dix ans, qui testait ses limites et celles des adultes. Et qui pour une fois, avait poussé l'homme debout face à lui, à franchir celles qu'il s'imposait. Forsaken avait le souffle court, l'esprit vide. Un son aigu se diffusait dans ses tympans, tandis qu'il prenait pleine conscience de son acte.
Sa vision était claire. Il constatait les détails ; le déguisement de feuille que Neniu s'était fait, ses pieds salis de gadoue. Le sang qui se mêlait à la terre, et sa voix éteinte entre deux excuses. Il savait que c'en étaient, même si la langue lui était inconnue. Il y a des langages qu'un homme tel que lui reconnaissait. Lui aussi, il s'était déjà excusé en se recroquevillant sur lui-même. Forsaken serra la mâchoire, et pour une fois, il était face à sa propre inutilité.
Que faire quand on frappait un gamin ?
C'était donc ça qu'on ressentait ? S'il n'y avait aucune gloire à retirer, si la peur et la douleur étaient ce qu'il gagnait, pourquoi avoir levé autant la main sur lui ?
Dans le silence, la pluie revenait, et charriait avec elle, le parfum du sang et de la sueur. Il manquait quelque chose dans sa poitrine. Une méthode, une liste à remplir pour réparer ce qu'il venait de faire. Parce que Forsaken ne pouvait pas gérer.
Non.
Il devait gérer.
Ce n'était pas lui la victime.
L'homme ouvrit la bouche, il serrait si fort les poings qu'il sentait des fourmis dans ses doigts. Il était toujours en position de combat, son poids appuyé sur sa jambe arrière. Puis, il prit sur lui pour parler. Après un silence interminable, alors que ses pensées formaient un essaim. Un bourdonnement continu de traumatisme et de regrets. Forsaken inspira.
Il avala péniblement sa salive, puis il fit un pas.
Il garda le contrôle de sa voix, il ravala les tremblements qui abîmèrent son harmonie habituelle. Cependant, on sentait que quelque chose clochait :
« Neniu, regarde-m... regardez-moi. Tout va b... »
L'hésitation, dans celui qui était raide comme sa justice.
Devait-il s'autoriser à l'approcher ? Après ce qu'il venait de faire ?
Forsaken ferma les yeux, puis il mit simplement genou à terre. À la hauteur du petit, il redressa le col de sa veste, puis il réessaya :
« Neniu, je suis... je suis... »
Le mot se coinça dans sa gorge.
Forsaken resta Forsaken. Il intériorisa la brusque explosion d'émotions, il ravala le raz-de-marée de rage - c'était de sa faute. Il reprit une autre respiration, plus profonde et moins sifflante. Il décida que ce qu'il ressentait n'était pas important. Pas maintenant. Jamais.
Parce que ce n'était pas lui qui avait été blessé.
« Je ne voulais pas vous blesser, reprit-il d'un ton plus détaché. Montrez-moi votre visage, s'il vous plait. Tout va bien (non)(menteur), je ne recommencerai plus (tu sais bien que c'est faux), promis. Il faut que vous me laissiez regarder. »
Sous l'impact, il sentit la tension déchirer ses muscles, engourdir toutes ses pensées. Et sous l'impact, de son poing lancé en plein milieu du visage enfantin, Forsaken laissa une émotion percer les ténèbres de ses yeux. Son coeur cognait sa poitrine avec une virulence si lointaine, qu'il se rappelait peu à peu de ce qu'il avait déjà ressenti. Sa mémoire hissait encore ses murs, pourtant, ce sentiment de culpabilité ne lui était pas inconnu. Un instant, il se souvint de tous les coups qu'il n'avait pas esquivés à temps. Et de tous ceux qu'il avait donnés, quand ses camarades de classe jouaient à le surprendre. Quand on n'écoutait pas ses mises en garde, et que l'on se retrouvait, la face contre le sol pour l'avoir provoqué.
Mais ici ce n'était pas qu'une provocation. C'était le jeu d'un enfant de dix ans, qui testait ses limites et celles des adultes. Et qui pour une fois, avait poussé l'homme debout face à lui, à franchir celles qu'il s'imposait. Forsaken avait le souffle court, l'esprit vide. Un son aigu se diffusait dans ses tympans, tandis qu'il prenait pleine conscience de son acte.
Sa vision était claire. Il constatait les détails ; le déguisement de feuille que Neniu s'était fait, ses pieds salis de gadoue. Le sang qui se mêlait à la terre, et sa voix éteinte entre deux excuses. Il savait que c'en étaient, même si la langue lui était inconnue. Il y a des langages qu'un homme tel que lui reconnaissait. Lui aussi, il s'était déjà excusé en se recroquevillant sur lui-même. Forsaken serra la mâchoire, et pour une fois, il était face à sa propre inutilité.
Que faire quand on frappait un gamin ?
C'était donc ça qu'on ressentait ? S'il n'y avait aucune gloire à retirer, si la peur et la douleur étaient ce qu'il gagnait, pourquoi avoir levé autant la main sur lui ?
Dans le silence, la pluie revenait, et charriait avec elle, le parfum du sang et de la sueur. Il manquait quelque chose dans sa poitrine. Une méthode, une liste à remplir pour réparer ce qu'il venait de faire. Parce que Forsaken ne pouvait pas gérer.
Non.
Il devait gérer.
Ce n'était pas lui la victime.
L'homme ouvrit la bouche, il serrait si fort les poings qu'il sentait des fourmis dans ses doigts. Il était toujours en position de combat, son poids appuyé sur sa jambe arrière. Puis, il prit sur lui pour parler. Après un silence interminable, alors que ses pensées formaient un essaim. Un bourdonnement continu de traumatisme et de regrets. Forsaken inspira.
Il avala péniblement sa salive, puis il fit un pas.
Il garda le contrôle de sa voix, il ravala les tremblements qui abîmèrent son harmonie habituelle. Cependant, on sentait que quelque chose clochait :
« Neniu, regarde-m... regardez-moi. Tout va b... »
L'hésitation, dans celui qui était raide comme sa justice.
Devait-il s'autoriser à l'approcher ? Après ce qu'il venait de faire ?
Forsaken ferma les yeux, puis il mit simplement genou à terre. À la hauteur du petit, il redressa le col de sa veste, puis il réessaya :
« Neniu, je suis... je suis... »
Le mot se coinça dans sa gorge.
Forsaken resta Forsaken. Il intériorisa la brusque explosion d'émotions, il ravala le raz-de-marée de rage - c'était de sa faute. Il reprit une autre respiration, plus profonde et moins sifflante. Il décida que ce qu'il ressentait n'était pas important. Pas maintenant. Jamais.
Parce que ce n'était pas lui qui avait été blessé.
« Je ne voulais pas vous blesser, reprit-il d'un ton plus détaché. Montrez-moi votre visage, s'il vous plait. Tout va bien (non)(menteur), je ne recommencerai plus (tu sais bien que c'est faux), promis. Il faut que vous me laissiez regarder. »
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
La voix qui perce la quiétude à peine perturbée par ses geignements n’est pas celle à laquelle il s’attend.
Mais à qui est-ce qu’il s’attendait ?
Qui était supposé lui adresser la parole ?
Non, non. Il ne veut pas chercher, pas creuser plus loin. Il préfère se perdre dans l’étourdissement, cacher son visage dans l’herbe marée de boue, sa fraîcheur ne faisant rien pour soulager la douleur brûlante enserrant son visage. Il veut l’ignorer, comme la voix, comme le reste du monde.
Mais la voix insiste, même en se cachant, elle continue de l’appeler par son nom.
Son nom ?
Oui, oui. Son nom. Neniu. Personne. C’est son nom, à lui, ici. A Espero.
Ce qui se cache dans cette horrible familiarité ne peut pas l’atteindre, ici.
Alors, il se bat contre l’angoisse qui lui coupe le souffle, tente d’inspirer par le nez pour ne se retrouver qu’avec plus de sang dans le fond de la gorge qu’il crache en prenant appui sur ses petites mains. Le sol semble onduler sous elles, la boue traîtresse l’empêchant de trouver bon appui. Il glisse, se cogne le nez contre son avant-bras, un couinement plein de larmes lui échappant.
Qu’est-ce qu’il a fait, pour mériter ça ?
Il s’est levé ce matin, a enfilé ses vêtements avant de se glisser sans un mot, l’a suivi…
Le reste ne devient que plus clair en se tournant enfin vers la voix dont il ne reconnaît le timbre que lorsqu’elle se fait plus froide, plus détachée. Celle qu’il a pris l’habitude d’entendre, presque quotidiennement.
C’est qu’il a réussi, alors ?
Mais la jubilation n’arrive pas à se faufiler à travers la confusion et la douleur, tout son visage se froissant à la place. Les mots refusent de sortir, les syllabes rendues incompréhensibles par les sanglots hachés qui ne font qu’empirer la brûlure irradiant de son nez meurtri. Son arrogante fierté a été détruite dans l’impacte, et Neniu qui se vante si souvent de ne plus être un enfant se retrouve saisi par le besoin inné de réconfort; puis écrasé par l’horrible réalisation qu’il n'en trouvera nulle part, ici, et encore moins dans les bras de Forsaken. Alors il se crispe, fait le contraire de ce qu’on lui dit, comme toujours, et baisse la tête, essayant de s'assoir et de reprendre son calme, tout seul, comme un grand.
Sans y parvenir.
Ça fait trop mal,
il n'arrive pas à reprendre le contrôle de son souffle et le sang continue de couler à flot, le force à lever la tête vers le ciel pour essayer de le stopper,
comme si ça suffirait.
Peut-être qu’il retiendra la leçon, cette fois.
On récolte ce que l’on sème.
Mais à qui est-ce qu’il s’attendait ?
Qui était supposé lui adresser la parole ?
Non, non. Il ne veut pas chercher, pas creuser plus loin. Il préfère se perdre dans l’étourdissement, cacher son visage dans l’herbe marée de boue, sa fraîcheur ne faisant rien pour soulager la douleur brûlante enserrant son visage. Il veut l’ignorer, comme la voix, comme le reste du monde.
Mais la voix insiste, même en se cachant, elle continue de l’appeler par son nom.
Son nom ?
Oui, oui. Son nom. Neniu. Personne. C’est son nom, à lui, ici. A Espero.
Ce qui se cache dans cette horrible familiarité ne peut pas l’atteindre, ici.
Alors, il se bat contre l’angoisse qui lui coupe le souffle, tente d’inspirer par le nez pour ne se retrouver qu’avec plus de sang dans le fond de la gorge qu’il crache en prenant appui sur ses petites mains. Le sol semble onduler sous elles, la boue traîtresse l’empêchant de trouver bon appui. Il glisse, se cogne le nez contre son avant-bras, un couinement plein de larmes lui échappant.
Qu’est-ce qu’il a fait, pour mériter ça ?
Il s’est levé ce matin, a enfilé ses vêtements avant de se glisser sans un mot, l’a suivi…
Le reste ne devient que plus clair en se tournant enfin vers la voix dont il ne reconnaît le timbre que lorsqu’elle se fait plus froide, plus détachée. Celle qu’il a pris l’habitude d’entendre, presque quotidiennement.
C’est qu’il a réussi, alors ?
Mais la jubilation n’arrive pas à se faufiler à travers la confusion et la douleur, tout son visage se froissant à la place. Les mots refusent de sortir, les syllabes rendues incompréhensibles par les sanglots hachés qui ne font qu’empirer la brûlure irradiant de son nez meurtri. Son arrogante fierté a été détruite dans l’impacte, et Neniu qui se vante si souvent de ne plus être un enfant se retrouve saisi par le besoin inné de réconfort; puis écrasé par l’horrible réalisation qu’il n'en trouvera nulle part, ici, et encore moins dans les bras de Forsaken. Alors il se crispe, fait le contraire de ce qu’on lui dit, comme toujours, et baisse la tête, essayant de s'assoir et de reprendre son calme, tout seul, comme un grand.
Sans y parvenir.
Ça fait trop mal,
il n'arrive pas à reprendre le contrôle de son souffle et le sang continue de couler à flot, le force à lever la tête vers le ciel pour essayer de le stopper,
comme si ça suffirait.
Peut-être qu’il retiendra la leçon, cette fois.
On récolte ce que l’on sème.
IRL
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
L'on disait que Forsaken ne ressentait pas d'empathie. Il était là, immobile, à juger dans son silence, alors qu'il observait les émotions des autres exploser dans un millier de couleurs. Mais elles ne l'atteignaient jamais, et son univers restait gris.
La vérité était ailleurs ; il comprenait parfaitement les autres. Seulement, il décidait de ne pas se laisser atteindre. Un homme, qui abandonnait face à la colère ou la peur, n'était pas quelqu'un de fiable. À chaque instant, son rôle était de prendre la meilleure décision. Non pas pour lui, mais pour celui des autres.
Pourtant, les pleurs et les gémissements du gamin blessés vrillaient dans ses tympans. Le vent ne suffisait pas à les couvrir. Un grésillement constant, en train d'envahir son crâne. Tandis qu'une petite voix, située dans l'arrière de sa tête, lui répétait qu'il l'avait frappé. Putain de merde. Il ne valait pas mieux que les autres. Oh. Il ne s'était jamais cru si supérieur, mais il se croyait suffisamment solide pour ne jamais lever la main sur un enfant. Et là, l'homme serrait la mâchoire jusqu'à faire grincer ses dents. Il contracta la gorge, en tempérant sa respiration. Rester impassible.
Pour ne pas laisser les pleurs de Neniu l'atteindre.
Il se concentra sur l'air, se faufilant entre les branches, et qui se couchaient contre ses jambes. Forsaken s'emmurait dans son silence. Il se protégeait férocement. Ce n'était pas le moment de penser à ce qu'il ressentait. Et s'il devait des excuses à Neniu, il ne parvenait pas à les formuler. Ça restait coincé dans sa gorge.
Et puis, ceux qui s'excusaient cherchaient le pardon. Lui, il assumait la brutalité de son acte. Neniu n'avait pas à l'excuser.
Dans une impasse, l'homme attendit encore. Le silence ne faisait que se renforcer, érigeant encore et encore des murs entre eux. C'était ce qu'il ne fallait pas faire ; dissimuler plutôt que de communiquer. Ce qu'il ressentait, et ce que le petit vivait.
Forsaken remarquait les pieds sales, la tenue ; il s'était préparé à sa petite plaisanterie. Depuis combien de temps apprenait-il de lui ? Pourquoi n'avait-il pas écouté ? Il l'avait prévenu de ne jamais faire cela ! Alors ! Pourquoi ?
Parce que c'était un enfant.
Forsaken bougea, ses os craquèrent, ses articulations grincèrent. La statue à la peau brune remua, et il fouilla dans la poche de son pantalon. Il tendit alors à Neniu un simple mouchoir, avant de reprendre la parole. La voix toujours calme, douce, mais qui ne portait plus la lourdeur de son indifférence coutumière.
« Il faut que vous vous mouchiez pour dégager le sang, ne mettez pas la tête en arrière. Tenez. Inspirez, expirez, comme ça. »
Et l'homme gonfla la poitrine. Sa respiration sifflante pénétra ses poumons, puis il expira par la bouche. Il ne savait pas quoi faire. Il n'était pas habitué à consoler un enfant ; il n'avait pas le souvenir qu'un jour son père a pris la peine de le consoler. Même quand il avait manqué de lui faire perdre un oeil.
« Il faut que vous me laissiez voir, c'est important, insista-t-il. Il marqua une pause, il leva les yeux vers le ciel. Puis il remarqua : il va se remettre à pleuvoir. »
Et l'enfant était pieds nus.
Forsaken referma la bouche, il se contenta d'enlever sa veste. Une main avec le mouchoir tendue vers Neniu, l'autre avec le vêtement, il attendait.
« Vous allez prendre froid. »
La vérité était ailleurs ; il comprenait parfaitement les autres. Seulement, il décidait de ne pas se laisser atteindre. Un homme, qui abandonnait face à la colère ou la peur, n'était pas quelqu'un de fiable. À chaque instant, son rôle était de prendre la meilleure décision. Non pas pour lui, mais pour celui des autres.
Pourtant, les pleurs et les gémissements du gamin blessés vrillaient dans ses tympans. Le vent ne suffisait pas à les couvrir. Un grésillement constant, en train d'envahir son crâne. Tandis qu'une petite voix, située dans l'arrière de sa tête, lui répétait qu'il l'avait frappé. Putain de merde. Il ne valait pas mieux que les autres. Oh. Il ne s'était jamais cru si supérieur, mais il se croyait suffisamment solide pour ne jamais lever la main sur un enfant. Et là, l'homme serrait la mâchoire jusqu'à faire grincer ses dents. Il contracta la gorge, en tempérant sa respiration. Rester impassible.
Pour ne pas laisser les pleurs de Neniu l'atteindre.
Il se concentra sur l'air, se faufilant entre les branches, et qui se couchaient contre ses jambes. Forsaken s'emmurait dans son silence. Il se protégeait férocement. Ce n'était pas le moment de penser à ce qu'il ressentait. Et s'il devait des excuses à Neniu, il ne parvenait pas à les formuler. Ça restait coincé dans sa gorge.
Et puis, ceux qui s'excusaient cherchaient le pardon. Lui, il assumait la brutalité de son acte. Neniu n'avait pas à l'excuser.
Dans une impasse, l'homme attendit encore. Le silence ne faisait que se renforcer, érigeant encore et encore des murs entre eux. C'était ce qu'il ne fallait pas faire ; dissimuler plutôt que de communiquer. Ce qu'il ressentait, et ce que le petit vivait.
Forsaken remarquait les pieds sales, la tenue ; il s'était préparé à sa petite plaisanterie. Depuis combien de temps apprenait-il de lui ? Pourquoi n'avait-il pas écouté ? Il l'avait prévenu de ne jamais faire cela ! Alors ! Pourquoi ?
Parce que c'était un enfant.
Forsaken bougea, ses os craquèrent, ses articulations grincèrent. La statue à la peau brune remua, et il fouilla dans la poche de son pantalon. Il tendit alors à Neniu un simple mouchoir, avant de reprendre la parole. La voix toujours calme, douce, mais qui ne portait plus la lourdeur de son indifférence coutumière.
« Il faut que vous vous mouchiez pour dégager le sang, ne mettez pas la tête en arrière. Tenez. Inspirez, expirez, comme ça. »
Et l'homme gonfla la poitrine. Sa respiration sifflante pénétra ses poumons, puis il expira par la bouche. Il ne savait pas quoi faire. Il n'était pas habitué à consoler un enfant ; il n'avait pas le souvenir qu'un jour son père a pris la peine de le consoler. Même quand il avait manqué de lui faire perdre un oeil.
« Il faut que vous me laissiez voir, c'est important, insista-t-il. Il marqua une pause, il leva les yeux vers le ciel. Puis il remarqua : il va se remettre à pleuvoir. »
Et l'enfant était pieds nus.
Forsaken referma la bouche, il se contenta d'enlever sa veste. Une main avec le mouchoir tendue vers Neniu, l'autre avec le vêtement, il attendait.
« Vous allez prendre froid. »
IRL
INRP
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Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
Après la punition, ce sera le tour des représailles. Il le sent, tout au fond de lui; l’a bien assez souvent vécu depuis qu’il est arrivé ici pour le savoir. Ce silence stoïque, c’est un prélude à la morale; comme la dernière fois, quand il lui avait foutu la tête contre le parquet.
Il ne faut pas s’étonner de se brûler quand on t’as dit de pas jouer avec le feu.
(alors qu’il ne voudrait que qu’on panse ses plaies avant de l’engueuler)
(mensonge de l’enfant indigné)
(la vérité, c’est que l’animal blessé se remettrait à mordre si on lui tendait la main)
Mais c’est pas une main,
c’est juste un mouchoir.
Banal,
pragmatique,
comme toujours.
Neniu regarde stupidement ce que lui tend le noiraud, le souffle court, les pensées prises dans l’étaux qui enserre ses tempes. Puis son regard glisse sur Forsaken, sa démonstration rendue floue par les larmes brûlant ses yeux. Sans même s’en rendre compte, il a obéi; baissé la tête et gonflé la poitrine, bien que son inspiration soit plus tremblotante que celle de son aîné. Puis l’air siffle entre ses dents, sans réaliser que ses mâchoires serrées n’aident pas à détendre ses muscles.
Il essaie d’en reprendre une, interrompue par un hoquet, un peu courte mais moins effrénée qu’avant, le fixant alors qu’il enlève sa veste, la lui tend au moment d’expirer.
Il la regarde tout aussi stupidement, la douleur pulsant sourdement au centre de son visage, les idées trop secouées pour protester. Les mêmes mains qui l’avaient frappé un peu plus tôt viennent d’abord attraper le vêtement. Ses gestes sont maladroits, la veste mal ajustée sur ses épaules commence déjà à glisser quand il prend le mouchoir pour faire ce qu’il lui dit, docilement. Il souffle dedans, couine enfin quelque chose de compréhensible. “ ‘a ‘ait mal-” Les sourcils froncés, il a l’impression de s’être fait avoir, que Forsaken se moque de lui.
Mais il n’y a aucune hilarité sur son visage, au contraire.
A quatre pattes, il s’approche un petit peu, se rattrape à sa manche quand le sol le trahi une fois de plus. Piteusement, il relève le nez vers lui, les iris tremblantes se plantant dans les yeux sombres. Il ne croit pas avoir déjà vu le visage de Forsaken si net; qu’il ait eu l’occasion de l’approcher à ce point. Et de là, il peut vraiment l’affirmer: il n’est pas en train de rire, pas du tout.
Ce doit être les inspirations qui se veulent profondes, ou peut-être la bruine fraîche, mais si le monde continue de tourner et la douleur refuse de s’estomper, il a recouvré un peu de calme, attendant presque sagement le verdict. “ … ‘est cahé…?” Sa voix est minuscule, à peine un soupir. Il renifle, plisse le nez quand cela ravive la douleur, ce qui ne fait qu’empirer la chose, décrochant une petite larme qui roule le long de sa joue sale, vite évanouie dans l'humidité.
Il ne faut pas s’étonner de se brûler quand on t’as dit de pas jouer avec le feu.
(alors qu’il ne voudrait que qu’on panse ses plaies avant de l’engueuler)
(mensonge de l’enfant indigné)
(la vérité, c’est que l’animal blessé se remettrait à mordre si on lui tendait la main)
Mais c’est pas une main,
c’est juste un mouchoir.
Banal,
pragmatique,
comme toujours.
Neniu regarde stupidement ce que lui tend le noiraud, le souffle court, les pensées prises dans l’étaux qui enserre ses tempes. Puis son regard glisse sur Forsaken, sa démonstration rendue floue par les larmes brûlant ses yeux. Sans même s’en rendre compte, il a obéi; baissé la tête et gonflé la poitrine, bien que son inspiration soit plus tremblotante que celle de son aîné. Puis l’air siffle entre ses dents, sans réaliser que ses mâchoires serrées n’aident pas à détendre ses muscles.
Il essaie d’en reprendre une, interrompue par un hoquet, un peu courte mais moins effrénée qu’avant, le fixant alors qu’il enlève sa veste, la lui tend au moment d’expirer.
Il la regarde tout aussi stupidement, la douleur pulsant sourdement au centre de son visage, les idées trop secouées pour protester. Les mêmes mains qui l’avaient frappé un peu plus tôt viennent d’abord attraper le vêtement. Ses gestes sont maladroits, la veste mal ajustée sur ses épaules commence déjà à glisser quand il prend le mouchoir pour faire ce qu’il lui dit, docilement. Il souffle dedans, couine enfin quelque chose de compréhensible. “ ‘a ‘ait mal-” Les sourcils froncés, il a l’impression de s’être fait avoir, que Forsaken se moque de lui.
Mais il n’y a aucune hilarité sur son visage, au contraire.
A quatre pattes, il s’approche un petit peu, se rattrape à sa manche quand le sol le trahi une fois de plus. Piteusement, il relève le nez vers lui, les iris tremblantes se plantant dans les yeux sombres. Il ne croit pas avoir déjà vu le visage de Forsaken si net; qu’il ait eu l’occasion de l’approcher à ce point. Et de là, il peut vraiment l’affirmer: il n’est pas en train de rire, pas du tout.
Ce doit être les inspirations qui se veulent profondes, ou peut-être la bruine fraîche, mais si le monde continue de tourner et la douleur refuse de s’estomper, il a recouvré un peu de calme, attendant presque sagement le verdict. “ … ‘est cahé…?” Sa voix est minuscule, à peine un soupir. Il renifle, plisse le nez quand cela ravive la douleur, ce qui ne fait qu’empirer la chose, décrochant une petite larme qui roule le long de sa joue sale, vite évanouie dans l'humidité.
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
Il y avait la raideur dans son bras, la tension nouait les muscles, et pourtant, Forsaken ne bougeait pas.
Il clignait peu des paupières, un œil fixé sur Neniu. Il attendait. Semblable à un lynx, étudiant les faits et gestes de l'enfant. Sans se brusquer. Sans le brusquer. Alors quand la veste quitta ses doigts, lourdement, il le fixa en train de la déposer sur ses frêles épaules. Les gestes anarchiques, lourds de douleur. Et le sang qui coulait sur sa peau blême, maculant la boue en quelques gouttes ; des larmes rouges sur la terre. Forsaken continuait de respirer profondément, tranquille. De l'extérieur, seulement.
Égoïstement, il gardait pour lui ce qu'il ressentait vraiment. Neniu n'avait pas besoin de savoir qu'il avait devant lui, un peu de sa vulnérabilité. Elle s'exprimait pourtant, un bruit blanc, pareil à un sifflet pour chien. Dans ses yeux, un peu moins durs, et dans son souffle.
Heureusement qu'il avait un mouchoir sur lui.
L'instant d'angoisse semblait passer, il s'effilochait de seconde en seconde. Forsaken continuait d'attendre, un mot, un éclat de rage, une demande. Une autorisation. Voilà, c'était donc cela. L'homme se pencha vers l'enfant, il montra d'abord ses mains pour ne pas le surprendre. Puis il lista ses actions, une à une, afin que Neniu ne soit pas pris aux dépourvus.
« Je vais me rapprocher, et je vais devoir toucher. »
Oui, il avait mal.
Parce que Forsaken avait frappé pour se défendre. Lorsqu'il se battait, ce n'était jamais pour nuire. C'était pour maîtriser autrui — le visage qu'il avait collé au sol, les gestes calculés de l'armée. Mais là, l'instinct avait dépassé sa raison. Alors il l'avait cogné, trop fort.
« Je vais palper au niveau des ailes de votre nez, il désigna le sien — de nez —, tapotant autour de son index pour montrer ce qu'il ferait. Cela risque de faire mal. »
Un peu plus, pensa-t-il.
De ceux qui ont toujours surmonté des choses difficiles, qui ont toujours encaissé sans rien dire les coups qui pleuvaient sur leurs faces, Forsaken conservait cette petite pensée mesquine. Ce n'est rien. On ne va pas pleurer pour si peu. Toutefois, il la rejetait en admettant que Neniu était un enfant. Et que dans tous les cas, il n'avait pas eu à lever la main sur lui.
(Et toi, alors ?)
Forsaken vérifia, silencieux, avec délicatesse. Son contact était désagréable, froid et humide. Il avait de la corne sur les doigts, des coupures sur les paumes, et les ongles cassés.
Oui, il savait combien un coup de poing, lancé par un homme adulte, était douloureux.
L'Inuit se racla la gorge, puis il suspendit ses gestes. Un instant de battement, la bruine collée à leurs peaux, et le temps en train de décliner. Il sentit une goutte tomber sur le sommet de son crâne, et s'engouffrer dans sa nuque. Sous sa veste, il ne portait qu'un vieux pull noir, dont le col laissait voir ses clavicules, la dureté de sa peau.
« Je pense que ce n'est pas cassé, mais un médecin pour mieux le déterminer que moi. »
Forsaken ne mentait pas — ou si peu —, et il reconnaissait quand il n'avait pas les compétences. Il retint un soupir, il laissa ses mains retomber. Un autre coup d’œil sur les pieds du garçon, il se demanda comment avait-il fait pour ne pas se blesser (avant d'être frappé). Des vêtements mouillés allaient le rendre malade, et les pieds pleins de boue n'y aideraient pas. Forsaken avala sa salive, avant d'attraper le col de sa veste. Il le remonta, puis il s'assura qu'elle tenait bien sur les épaules de Neniu.
« On va rentrer, décida l'adulte, et soigner votre nez. Un autre instant de battement, puis il demanda : vous pouvez marcher ? »
Il clignait peu des paupières, un œil fixé sur Neniu. Il attendait. Semblable à un lynx, étudiant les faits et gestes de l'enfant. Sans se brusquer. Sans le brusquer. Alors quand la veste quitta ses doigts, lourdement, il le fixa en train de la déposer sur ses frêles épaules. Les gestes anarchiques, lourds de douleur. Et le sang qui coulait sur sa peau blême, maculant la boue en quelques gouttes ; des larmes rouges sur la terre. Forsaken continuait de respirer profondément, tranquille. De l'extérieur, seulement.
Égoïstement, il gardait pour lui ce qu'il ressentait vraiment. Neniu n'avait pas besoin de savoir qu'il avait devant lui, un peu de sa vulnérabilité. Elle s'exprimait pourtant, un bruit blanc, pareil à un sifflet pour chien. Dans ses yeux, un peu moins durs, et dans son souffle.
Heureusement qu'il avait un mouchoir sur lui.
L'instant d'angoisse semblait passer, il s'effilochait de seconde en seconde. Forsaken continuait d'attendre, un mot, un éclat de rage, une demande. Une autorisation. Voilà, c'était donc cela. L'homme se pencha vers l'enfant, il montra d'abord ses mains pour ne pas le surprendre. Puis il lista ses actions, une à une, afin que Neniu ne soit pas pris aux dépourvus.
« Je vais me rapprocher, et je vais devoir toucher. »
Oui, il avait mal.
Parce que Forsaken avait frappé pour se défendre. Lorsqu'il se battait, ce n'était jamais pour nuire. C'était pour maîtriser autrui — le visage qu'il avait collé au sol, les gestes calculés de l'armée. Mais là, l'instinct avait dépassé sa raison. Alors il l'avait cogné, trop fort.
« Je vais palper au niveau des ailes de votre nez, il désigna le sien — de nez —, tapotant autour de son index pour montrer ce qu'il ferait. Cela risque de faire mal. »
Un peu plus, pensa-t-il.
De ceux qui ont toujours surmonté des choses difficiles, qui ont toujours encaissé sans rien dire les coups qui pleuvaient sur leurs faces, Forsaken conservait cette petite pensée mesquine. Ce n'est rien. On ne va pas pleurer pour si peu. Toutefois, il la rejetait en admettant que Neniu était un enfant. Et que dans tous les cas, il n'avait pas eu à lever la main sur lui.
(Et toi, alors ?)
Forsaken vérifia, silencieux, avec délicatesse. Son contact était désagréable, froid et humide. Il avait de la corne sur les doigts, des coupures sur les paumes, et les ongles cassés.
Oui, il savait combien un coup de poing, lancé par un homme adulte, était douloureux.
L'Inuit se racla la gorge, puis il suspendit ses gestes. Un instant de battement, la bruine collée à leurs peaux, et le temps en train de décliner. Il sentit une goutte tomber sur le sommet de son crâne, et s'engouffrer dans sa nuque. Sous sa veste, il ne portait qu'un vieux pull noir, dont le col laissait voir ses clavicules, la dureté de sa peau.
« Je pense que ce n'est pas cassé, mais un médecin pour mieux le déterminer que moi. »
Forsaken ne mentait pas — ou si peu —, et il reconnaissait quand il n'avait pas les compétences. Il retint un soupir, il laissa ses mains retomber. Un autre coup d’œil sur les pieds du garçon, il se demanda comment avait-il fait pour ne pas se blesser (avant d'être frappé). Des vêtements mouillés allaient le rendre malade, et les pieds pleins de boue n'y aideraient pas. Forsaken avala sa salive, avant d'attraper le col de sa veste. Il le remonta, puis il s'assura qu'elle tenait bien sur les épaules de Neniu.
« On va rentrer, décida l'adulte, et soigner votre nez. Un autre instant de battement, puis il demanda : vous pouvez marcher ? »
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
L’ouragan d’émotion et de sensation anesthésie l’agacement qui essaie de se faufiler à travers la fatigue, sans succès. Plutôt que de s’indigner, il ne fait que hocher bêtement la tête face aux explications, le mouvement à peine perceptible. Il ne s’énerve pas que son aîné prenne toutes ces précautions, quand bien même il a l’impression, pour la toute première fois, qu’il s’adresse à lui comme on le ferait avec un enfant, malgré le vouvoiement guindé.
Oh, il n’a pas envie que ça fasse plus mal, il a déjà l’impression d’avoir atteint son paroxysme, mais doucement, Neniu reprend un peu de sa hardiesse habituelle, articule quelques syllabes rendues nasales par son nez plein de sang. “ ‘ai ‘habidude…” Une permission, comme si Forsaken en avait besoin. Il ne parlait pas que des visites chez le médecin, non. Souvenirs perdus ou non, elle était gravée dans son être, un fait immuable.
Tu peux me faire mal.
Tu peux être brusque.
J’ai l’habitude.
Et il a l’impression de ne pas être tout à fait seul, là-dedans; mais sa réflexion est coupée par la douleur pour laquelle il ne s’était visiblement pas si bien préparé, les doigts rugueux pourtant infiniment plus consciencieux que ceux dont il ne souvient qu’en bribe. Les siens cherchèrent presque instinctivement la manche qu’ils avaient déjà agrippé, serrant le tissu noir le temps que ça passe.
Car toute douleur avait une fin. Même quand le monde semblait s’effondrer et que l’esprit ne pouvait même plus la percevoir, elle n’était que passagère.
Son nez guérira, et quand l'hématome aura disparu, ce ne sera plus qu’un autre mauvais souvenir.
Ils pourront prétendre qu’il ne s’est rien passé.
La sensation étreignant son visage semble presque sourde lorsque l’inspection prend fin, et les autres éléments sautent sur l'occasion pour se rappeler à lui, un frisson venant mordre ses frêles épaules. Ses vêtements sont sales et trempés, les feuilles soigneusement enfilées dans les mailles plus qu’un patchwork plein de trous; il ressemble à un pauvre caneton déplumé qui se laisse emmitoufler dans l’immense veste. Le geste le fait soupirer, le peu de chaleur trouvé maigre réconfort contre lequel il se cramponne, tirant un peu plus proche de lui le vêtement réajusté pour l’empêcher de s’échapper.
Fini de jouer, c’est l’heure de rentrer. Soudainement, la Kolonio lui manque, l’envie de s’assoupir dans un bain chaud prenant des aires de rêve en sachant ce qui l’attend, car il ne peut décemment pas se réfugier dans son lit couvert de boue sanguinolente. Alors, c’est peut-être bien un caprice qui lui fait secouer la tête, doucement. Un mensonge qui pour une fois n’est pas motivé par la malice et qui pourtant lui fait cacher son visage dans le grand col.
Oh, il n’a pas envie que ça fasse plus mal, il a déjà l’impression d’avoir atteint son paroxysme, mais doucement, Neniu reprend un peu de sa hardiesse habituelle, articule quelques syllabes rendues nasales par son nez plein de sang. “ ‘ai ‘habidude…” Une permission, comme si Forsaken en avait besoin. Il ne parlait pas que des visites chez le médecin, non. Souvenirs perdus ou non, elle était gravée dans son être, un fait immuable.
Tu peux me faire mal.
Tu peux être brusque.
J’ai l’habitude.
Et il a l’impression de ne pas être tout à fait seul, là-dedans; mais sa réflexion est coupée par la douleur pour laquelle il ne s’était visiblement pas si bien préparé, les doigts rugueux pourtant infiniment plus consciencieux que ceux dont il ne souvient qu’en bribe. Les siens cherchèrent presque instinctivement la manche qu’ils avaient déjà agrippé, serrant le tissu noir le temps que ça passe.
Car toute douleur avait une fin. Même quand le monde semblait s’effondrer et que l’esprit ne pouvait même plus la percevoir, elle n’était que passagère.
Son nez guérira, et quand l'hématome aura disparu, ce ne sera plus qu’un autre mauvais souvenir.
Ils pourront prétendre qu’il ne s’est rien passé.
La sensation étreignant son visage semble presque sourde lorsque l’inspection prend fin, et les autres éléments sautent sur l'occasion pour se rappeler à lui, un frisson venant mordre ses frêles épaules. Ses vêtements sont sales et trempés, les feuilles soigneusement enfilées dans les mailles plus qu’un patchwork plein de trous; il ressemble à un pauvre caneton déplumé qui se laisse emmitoufler dans l’immense veste. Le geste le fait soupirer, le peu de chaleur trouvé maigre réconfort contre lequel il se cramponne, tirant un peu plus proche de lui le vêtement réajusté pour l’empêcher de s’échapper.
Fini de jouer, c’est l’heure de rentrer. Soudainement, la Kolonio lui manque, l’envie de s’assoupir dans un bain chaud prenant des aires de rêve en sachant ce qui l’attend, car il ne peut décemment pas se réfugier dans son lit couvert de boue sanguinolente. Alors, c’est peut-être bien un caprice qui lui fait secouer la tête, doucement. Un mensonge qui pour une fois n’est pas motivé par la malice et qui pourtant lui fait cacher son visage dans le grand col.
IRL
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STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Non ? Non.
Forsaken n'était pas très sûr. Un rapide examen le fit arriver à la conclusion suivante : bien sûr qu'il pouvait marcher. Il ne l'avait frappé qu'au visage, après tout. Cependant, le gamin restait pieds nus, à patauger dans ses larmes et dans la boue. Son père l'aurait poussé pour moins que cela.
Mais Forsaken n'était pas son père.
Alors il se contenta de hocher la tête, il accepta de croire au mensonge. Faire comme si c'en était pas un ; une manière de se défaire de sa culpabilité. Il réajusta encore la veste, puis il ferma l'un des boutons au milieu. Elle prendrait moins le risque de tomber, si Neniu bougeait. Il examina les feuilles, c'était peut-être le genre d'entourloupes qu'il avait risqué lui aussi. Il ne savait plus trop.
Le bout de ses doigts était raide de froid, mais comme souvent avec lui, ce n'était qu'un détail. Un constat. Il avala sa salive, sa pomme d'Adam roula le long de sa gorge. Il remonta les manches de son pull, et dévoila le début de la cicatrice de brûlure. Il se souvenait l'avoir fait lui-même. Pour cautériser une plaie sanguinolente.
« D'accord. »
D'accord, Neniu ne pouvait pas marcher. Du reste, il avait besoin de réconfort, et lui, il n'était pas doué pour cela. Surtout quand il était la cause des larmes, et de son nez cassé. Il lui fit signe de venir vers lui, les yeux plissés sur le gamin, avec son air imperturbable. Dans sa poitrine, son coeur battait plus vite que d'habitude. Il avait perdu son rythme monocorde.
« Mettez vos bras autour de mon cou, je vais vous porter. »
Une façon de faire la paix.
D'un côté, cela l'arrangeait. Le gamin n'avait pas de chaussures, et il lui aurait prêté les siennes. Malgré qu'elles étaient trop grandes, sûrement inconfortables ; souvent, ses talons râpaient contre elles, et il se retrouvait avec de la corne là aussi. Il n'avait pas envie de marcher dans la boue, même s'il l'aurait fait si cela avait été nécessaire. Endurer, silencieusement, sans jamais se plaindre.
Même quand Neniu faisait ses bêtises, Forsaken ne se plaignait pas. Il lui listait ses reproches, il lui faisait la morale, mais il n'agissait pas comme les autres adultes. Il lui épargnait des phrases comme : "tu me fatigues". Et de toute façon, il gagnait (presque) tout le temps. Sa patience était à son image, lisse, imperturbable.
C'était pour cette raison qu'on lui demandait de gérer le gamin. Parce qu'il s'en fichait de ses manigances et de ses mensonges. Pour lui, tout était limpide. Il ne cherchait pas à confronter sa fierté avec l'insolence du petit ; une perte de temps. Si sa mission était de le forcer à plier le linge, Forsaken restait dans un coin. Debout, les bras croisés, à le fixer jusqu'à ce qu'il s'exécute de lui-même. Il savait que pour beaucoup de personnes, ses silences étaient un poids. Une arme pour son autorité.
Son silence ici était perturbé par les reniflements de l'enfant, et par sa respiration. Toujours profonde, un peu sifflante, parce que son cœur battait à vive allure. Si le gamin venait contre lui, il le sentirait alors, et c'était ce point précisément qui le dérangeait.
Pourtant, Forsaken lui ouvrit les bras, et il attendait.
Forsaken n'était pas très sûr. Un rapide examen le fit arriver à la conclusion suivante : bien sûr qu'il pouvait marcher. Il ne l'avait frappé qu'au visage, après tout. Cependant, le gamin restait pieds nus, à patauger dans ses larmes et dans la boue. Son père l'aurait poussé pour moins que cela.
Mais Forsaken n'était pas son père.
Alors il se contenta de hocher la tête, il accepta de croire au mensonge. Faire comme si c'en était pas un ; une manière de se défaire de sa culpabilité. Il réajusta encore la veste, puis il ferma l'un des boutons au milieu. Elle prendrait moins le risque de tomber, si Neniu bougeait. Il examina les feuilles, c'était peut-être le genre d'entourloupes qu'il avait risqué lui aussi. Il ne savait plus trop.
Le bout de ses doigts était raide de froid, mais comme souvent avec lui, ce n'était qu'un détail. Un constat. Il avala sa salive, sa pomme d'Adam roula le long de sa gorge. Il remonta les manches de son pull, et dévoila le début de la cicatrice de brûlure. Il se souvenait l'avoir fait lui-même. Pour cautériser une plaie sanguinolente.
« D'accord. »
D'accord, Neniu ne pouvait pas marcher. Du reste, il avait besoin de réconfort, et lui, il n'était pas doué pour cela. Surtout quand il était la cause des larmes, et de son nez cassé. Il lui fit signe de venir vers lui, les yeux plissés sur le gamin, avec son air imperturbable. Dans sa poitrine, son coeur battait plus vite que d'habitude. Il avait perdu son rythme monocorde.
« Mettez vos bras autour de mon cou, je vais vous porter. »
Une façon de faire la paix.
D'un côté, cela l'arrangeait. Le gamin n'avait pas de chaussures, et il lui aurait prêté les siennes. Malgré qu'elles étaient trop grandes, sûrement inconfortables ; souvent, ses talons râpaient contre elles, et il se retrouvait avec de la corne là aussi. Il n'avait pas envie de marcher dans la boue, même s'il l'aurait fait si cela avait été nécessaire. Endurer, silencieusement, sans jamais se plaindre.
Même quand Neniu faisait ses bêtises, Forsaken ne se plaignait pas. Il lui listait ses reproches, il lui faisait la morale, mais il n'agissait pas comme les autres adultes. Il lui épargnait des phrases comme : "tu me fatigues". Et de toute façon, il gagnait (presque) tout le temps. Sa patience était à son image, lisse, imperturbable.
C'était pour cette raison qu'on lui demandait de gérer le gamin. Parce qu'il s'en fichait de ses manigances et de ses mensonges. Pour lui, tout était limpide. Il ne cherchait pas à confronter sa fierté avec l'insolence du petit ; une perte de temps. Si sa mission était de le forcer à plier le linge, Forsaken restait dans un coin. Debout, les bras croisés, à le fixer jusqu'à ce qu'il s'exécute de lui-même. Il savait que pour beaucoup de personnes, ses silences étaient un poids. Une arme pour son autorité.
Son silence ici était perturbé par les reniflements de l'enfant, et par sa respiration. Toujours profonde, un peu sifflante, parce que son cœur battait à vive allure. Si le gamin venait contre lui, il le sentirait alors, et c'était ce point précisément qui le dérangeait.
Pourtant, Forsaken lui ouvrit les bras, et il attendait.
IRL
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Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
De la gêne ou la douleur, il n’est plus sûr de ce qui rend ses joues brûlantes; sous le sang, la boue et les larmes, difficile de deviner les tâches écarlates qui viennent farder ses joues; mais pas pour l'œil observateur de Forsaken, ça non. Et c’est bien ça qui fait grandir la honte à chaque seconde passée sans réponse, de savoir pertinemment qu’il doit voir clair dans son jeu, plus transparent que jamais. Qu’il lui fasse les yeux doux ou lui crache son venin au visage, l’homme est toujours resté de marbre face à lui, absolument insensible à tout ce qu’il pouvait lui balancer.
Absolument et profondément imperturbable.
(ou presque)
S’il ne s’était pas tant appliqué à éviter son regard, la pierre n’aurait pas eu le temps de tomber dans son estomac; il n’aurait pas senti le picotement douloureux si familier venir chatouiller le creux de sa poitrine, n’aurait pas cru à la confirmation sourde de ce qu’il savait déjà. Ne se serait pas piteusement consolé en se disant qu’il pourrait prétendre que ses yeux larmoient à cause de la douleur et de la fatigue, avant de ravaler le peu de fierté qui vient poindre juste pour se faire blesser et se relever.
Il est sur le point de le faire lorsque le mouvement lui fait relever le nez, à peine, pour voir ce que son aîné fait, avant que la réponse ne le fasse se redresser avec plus d’entrain qu’il n’aurait jamais montré si ce n’était pour son état actuel, même si l’information peine à se frayer un chemin à travers l'incrédulité. Il s’attend à ce que le noiraud révèle la supercherie, à se retrouver battu sur ce terrain de jeu cruel qu’il a lui-même bâti s'il ose y croire ne serait-ce qu'une seconde.
Mais comme d’habitude, le visage de Forsaken ne laisse transparaître que du sérieux, même lorsqu’il ouvre les bras.
Le geste paraît si alien qu’il pourrait presque en rire -sait que c’est exactement ce qu’il ferait s’il n’avait pas désespérément besoin de venir s’y réfugier. Même si c’est étrange. Même si c’est un peu inconfortable. L’instinct prime sur la raison, alors il enroule ses petits bras autour du cou offert, se laisse un peu tomber contre lui. La sensation lui semble étrangère; elle n’a rien à voir avec les fois où il s'est écroulé, poussé trop loin par arrogance, et où on l’a porté à demi-conscient jusqu’au dispensaire, ou celles où il a enlacé autrui pour mieux les poignarder.
Le sang qui s’affole là où il s’est lové, la chaleur surprenante,
le battement d’un coeur qu’il croirait de pierre s’il ne pouvait pas le sentir là, contre le sien,
tout paraît nouveau.
Il vient à s’en demander si on l’a seulement déjà étreint une fois, avant.
(il ne sait plus trop dire à qui s’adresse cette pensée fugace)
Ça n’efface pas la douleur, ni l’inconfort, arrive à peine à atténuer la gêne vraiment, mais le picotement a été chassé. Même s’il sait pertinemment que ce n’est pas réellement un câlin -même s'il ne voudra jamais admettre que c'est ce qu'il cherchait-, et même si c’est Forsaken, de toutes les personnes.
Le résultat est le même.
Absolument et profondément imperturbable.
(ou presque)
S’il ne s’était pas tant appliqué à éviter son regard, la pierre n’aurait pas eu le temps de tomber dans son estomac; il n’aurait pas senti le picotement douloureux si familier venir chatouiller le creux de sa poitrine, n’aurait pas cru à la confirmation sourde de ce qu’il savait déjà. Ne se serait pas piteusement consolé en se disant qu’il pourrait prétendre que ses yeux larmoient à cause de la douleur et de la fatigue, avant de ravaler le peu de fierté qui vient poindre juste pour se faire blesser et se relever.
Il est sur le point de le faire lorsque le mouvement lui fait relever le nez, à peine, pour voir ce que son aîné fait, avant que la réponse ne le fasse se redresser avec plus d’entrain qu’il n’aurait jamais montré si ce n’était pour son état actuel, même si l’information peine à se frayer un chemin à travers l'incrédulité. Il s’attend à ce que le noiraud révèle la supercherie, à se retrouver battu sur ce terrain de jeu cruel qu’il a lui-même bâti s'il ose y croire ne serait-ce qu'une seconde.
Mais comme d’habitude, le visage de Forsaken ne laisse transparaître que du sérieux, même lorsqu’il ouvre les bras.
Le geste paraît si alien qu’il pourrait presque en rire -sait que c’est exactement ce qu’il ferait s’il n’avait pas désespérément besoin de venir s’y réfugier. Même si c’est étrange. Même si c’est un peu inconfortable. L’instinct prime sur la raison, alors il enroule ses petits bras autour du cou offert, se laisse un peu tomber contre lui. La sensation lui semble étrangère; elle n’a rien à voir avec les fois où il s'est écroulé, poussé trop loin par arrogance, et où on l’a porté à demi-conscient jusqu’au dispensaire, ou celles où il a enlacé autrui pour mieux les poignarder.
Le sang qui s’affole là où il s’est lové, la chaleur surprenante,
le battement d’un coeur qu’il croirait de pierre s’il ne pouvait pas le sentir là, contre le sien,
tout paraît nouveau.
Il vient à s’en demander si on l’a seulement déjà étreint une fois, avant.
(il ne sait plus trop dire à qui s’adresse cette pensée fugace)
Ça n’efface pas la douleur, ni l’inconfort, arrive à peine à atténuer la gêne vraiment, mais le picotement a été chassé. Même s’il sait pertinemment que ce n’est pas réellement un câlin -même s'il ne voudra jamais admettre que c'est ce qu'il cherchait-, et même si c’est Forsaken, de toutes les personnes.
Le résultat est le même.
IRL
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
Forsaken était loin de s'imaginer ce qu'il se tramait sous la petite tête blonde. Il ne voyait que le nez en sang, les larmes et la boue. Il n'écoutait que le bruit du vent, l'orage qui s'annonçait loin derrière la forêt. Et pas les regards qui taisaient les mots, les besoins et les envies passagères. Du reste, l'adulte le laissa venir à lui sans forcer. Il bloqua sa respiration quand Neniu enroula ses bras autour de son cou, puis il posa une main dans le milieu de son dos. L'autre se plaça sous lui, et dans un bref soupir, l'homme se redressa. Il laissa l'enfant s'installer à son aise contre sa poitrine.
Forsaken fixa les traces de pas dans la gadoue, il leva la tête en direction des arbres. Il faisait froid, mais il aimait cela. Comme une anesthésie sur ses sens, comme une tranquillité soudaine dans sa poitrine. Il appréciait l'orage et la neige. Une nostalgie qu'il avait nourrie, soigneusement, avec les souvenirs qui lui restaient.
Il replaça encore sa veste sur les épaules du petit.
Peu à peu, les battements de son coeur se calmèrent - il espérait naïvement que Neniu les sentait à peine. Il n'était pas habitué à ce genre de contacts. Doux, chaud, tranquille. Son corps était des angles, des os, du muscle ; sec et rêche, à son image. Pourtant, il y avait de la force dans ses bras. Son étreinte était ferme, malgré la douceur qu'il essayait de lui donner. Peut-être pour réconforter le gamin.
Forsaken avança, stable et droit avec Neniu dans ses bras. Les yeux rivés sur les maisons au loin. Une autre goutte de pluie éclata sur le sommet de son crâne, alors qu'il contemplait parfois l'humidité dans les arbres. Il renifla, il percevait l'odeur d'une météo en train de décliner. Il allait se mettre à pleuvoir, et il devait se dépêcher. Le petit tomberait malade, c'était ce qu'il se disait. Avec ses pieds sales, et le froid. Il n'avait pas osé lui faire enlever son manteau de feuilles.
Un oiseau vola au-dessus de sa tête, son battement d'ailes s'enfouit dans les branches. Elles bougèrent, et la présence disparut aussitôt qu'elle fut apparue.
De près, le visage de[Tyler] Forsaken était plus hideux encore. On voyait les tatouages, et les cicatrices qu'ils recouvraient. Une porte ouverte sur ses yeux sombres, en amende, et sur ses cheveux sales. Épais et noirs, plein de poussière et de sébum ; il ne s'était jamais soucié de son apparence. Les coupures sur la mâchoire les stigmates enfoncés dans la chair. Le croissant de l'une suivant la forme de sa paupière, la couleur englobant la cicatrice. Elle était nette.
Il avait échappé de peu à la perte de son oeil.
Les lèvres minces, un peu pelées à cause du froid, scindées par un trait. Silence sur ses mots et sur ses sentiments. Comme un avertissement pour les autres. On ne cherchait pas à le connaître, et c'était tout ce qu'il voulait. Imperturbable, oui.
Sa respiration se faisait plus discrète, cachée par le vent, et la pluie qu'on percevait au loin. Ses bras ne se fatiguaient pas du poids qu'ils portaient, sa poitrine se levait et se baissait en harmonie avec la tranquillité qui l'habitait maintenant.
À aucun moment, il ne songea que Neniu cherchait un câlin. Il n'en donnait pas, parce que son père ne lui en avait jamais donné. Il s'était tenu aux tapes pudiques sur l'épaule, aux compliments avoués à demi-mots le jour de son départ. Aux larmes à son réveil.
Forsaken renifla, le bout du nez devenu froid.
Et la pluie recommença à tomber. Peu à peu.
Forsaken fixa les traces de pas dans la gadoue, il leva la tête en direction des arbres. Il faisait froid, mais il aimait cela. Comme une anesthésie sur ses sens, comme une tranquillité soudaine dans sa poitrine. Il appréciait l'orage et la neige. Une nostalgie qu'il avait nourrie, soigneusement, avec les souvenirs qui lui restaient.
Il replaça encore sa veste sur les épaules du petit.
Peu à peu, les battements de son coeur se calmèrent - il espérait naïvement que Neniu les sentait à peine. Il n'était pas habitué à ce genre de contacts. Doux, chaud, tranquille. Son corps était des angles, des os, du muscle ; sec et rêche, à son image. Pourtant, il y avait de la force dans ses bras. Son étreinte était ferme, malgré la douceur qu'il essayait de lui donner. Peut-être pour réconforter le gamin.
Forsaken avança, stable et droit avec Neniu dans ses bras. Les yeux rivés sur les maisons au loin. Une autre goutte de pluie éclata sur le sommet de son crâne, alors qu'il contemplait parfois l'humidité dans les arbres. Il renifla, il percevait l'odeur d'une météo en train de décliner. Il allait se mettre à pleuvoir, et il devait se dépêcher. Le petit tomberait malade, c'était ce qu'il se disait. Avec ses pieds sales, et le froid. Il n'avait pas osé lui faire enlever son manteau de feuilles.
Un oiseau vola au-dessus de sa tête, son battement d'ailes s'enfouit dans les branches. Elles bougèrent, et la présence disparut aussitôt qu'elle fut apparue.
De près, le visage de
Il avait échappé de peu à la perte de son oeil.
Les lèvres minces, un peu pelées à cause du froid, scindées par un trait. Silence sur ses mots et sur ses sentiments. Comme un avertissement pour les autres. On ne cherchait pas à le connaître, et c'était tout ce qu'il voulait. Imperturbable, oui.
Sa respiration se faisait plus discrète, cachée par le vent, et la pluie qu'on percevait au loin. Ses bras ne se fatiguaient pas du poids qu'ils portaient, sa poitrine se levait et se baissait en harmonie avec la tranquillité qui l'habitait maintenant.
À aucun moment, il ne songea que Neniu cherchait un câlin. Il n'en donnait pas, parce que son père ne lui en avait jamais donné. Il s'était tenu aux tapes pudiques sur l'épaule, aux compliments avoués à demi-mots le jour de son départ. Aux larmes à son réveil.
Forsaken renifla, le bout du nez devenu froid.
Et la pluie recommença à tomber. Peu à peu.
IRL
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Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
Le sol disparaît sous ses pieds, et pourtant il ne se sent pas plus léger, alourdi par ses vêtements et la grande veste sur ses épaules; elle ne tire pourtant pas péniblement sur sa gorge, réajustée avec le soin que l’on pouvait attendre de Forsaken. Sa scrupulosité qui d’habitude lui donnait des airs de robot se prêtait étrangement à l’attention, sans en être réellement.
Et c’est peut-être bien pour cela, que Neniu avait voulu trouver du réconfort dans ces bras qui ne s'encombrent pas de pitié -si peut-être d’un peu de culpabilité, pour peu qu’il en ressentait pour ce qui s’était passé. C’était acceptable, car quelles que soient les raisons qui l’avaient poussé à accepter plutôt que de lui dire de cesser de jouer la comédie, ce n’était pas de la compassion.
Rapidement, il trouve ses aises contre lui, doucement ballotté par ses pas. Assez pour relâcher, un temps soit peu, sa prise sur sa nuque et tourner le visage vers lui, la joue posée contre son épaule. En mouvement, le monde chavire un peu plus malgré l’étreinte ferme autour de lui, mais de si près, le portrait de son aîné demeure on ne peut plus nette, tout juste obscurci par les mèches pâles retombant sur ses yeux fatigués. Même dans son piteux état, leurs différences mises côte à côte les font ressortir comme les ailes d’un corbeau contre la neige fraîchement tombée. Là où Neniu est fait tout en douceur, Forsaken n’est qu’angles durs et peau tannée, labourée par le temps et les épreuves. Les détails de son visage captive son attention, bien qu’elle ne soit pas tout à fait là; une observation sourde à travers le voile de l’étourdissement pour ne pas risquer de glisser dans l’inconscient.
Il n’est pas beau; ça, il le lui a déjà dit dans ses nombreuses tentatives visant à briser le masque de l’indifférence. Mais les défauts et les accrocs dressent, sous cet angle nouveau, un portrait plus humain; aidé, peut-être, par tout ce qui les rapproche, en un sens. Les côtes qui se meuvent sous l’expansion régulière des poumons contre lesquelles son propre souffle ne peut s’empêcher de se caler; le souvenir du cœur cognant aussi fort contre sa poitrine que le sien après l’impact; l’épiderme frais, presque glacé par l’air cru, se réchauffant doucement au contact de l’autre.
Tout cela ne lui paraît pas si laid, soudainement.
Assez pour qu’il ne reviennent se blottir dans le creux de son cou, faisant bien attention de ne pas y cogner son nez sensible, les quelques boucles ayant éviter le bain de boue rebiquant dans l’espace vitale du noiraud. La fatigue est telle qu’il pourrait presque s’assoupir -mais il lutte, car il doit garder l'œil ouvert, guetter le moment où les habitations seront trop proche pour qu’il se laisse aller ainsi.
Cette démonstration de faiblesse devait rester entre eux.
Et justement; dès lors que la civilisation se fait un peu trop proche à son goût, bien que la pluie ait commencé à labourer le sol déjà boueux, sa petite paume tape doucement sur l’épaule du noiraud pour attirer son attention vers lui. “‘est bon…” Il marcherait pour le reste du chemin, avec ou sans chaussure; s’il devait chopper la crève, ce sera déjà le cas de toute manière, même s’il avait tout sauf envie d’avoir besoin de se moucher tant que son visage serait endolori.
Et c’est peut-être bien pour cela, que Neniu avait voulu trouver du réconfort dans ces bras qui ne s'encombrent pas de pitié -si peut-être d’un peu de culpabilité, pour peu qu’il en ressentait pour ce qui s’était passé. C’était acceptable, car quelles que soient les raisons qui l’avaient poussé à accepter plutôt que de lui dire de cesser de jouer la comédie, ce n’était pas de la compassion.
Rapidement, il trouve ses aises contre lui, doucement ballotté par ses pas. Assez pour relâcher, un temps soit peu, sa prise sur sa nuque et tourner le visage vers lui, la joue posée contre son épaule. En mouvement, le monde chavire un peu plus malgré l’étreinte ferme autour de lui, mais de si près, le portrait de son aîné demeure on ne peut plus nette, tout juste obscurci par les mèches pâles retombant sur ses yeux fatigués. Même dans son piteux état, leurs différences mises côte à côte les font ressortir comme les ailes d’un corbeau contre la neige fraîchement tombée. Là où Neniu est fait tout en douceur, Forsaken n’est qu’angles durs et peau tannée, labourée par le temps et les épreuves. Les détails de son visage captive son attention, bien qu’elle ne soit pas tout à fait là; une observation sourde à travers le voile de l’étourdissement pour ne pas risquer de glisser dans l’inconscient.
Il n’est pas beau; ça, il le lui a déjà dit dans ses nombreuses tentatives visant à briser le masque de l’indifférence. Mais les défauts et les accrocs dressent, sous cet angle nouveau, un portrait plus humain; aidé, peut-être, par tout ce qui les rapproche, en un sens. Les côtes qui se meuvent sous l’expansion régulière des poumons contre lesquelles son propre souffle ne peut s’empêcher de se caler; le souvenir du cœur cognant aussi fort contre sa poitrine que le sien après l’impact; l’épiderme frais, presque glacé par l’air cru, se réchauffant doucement au contact de l’autre.
Tout cela ne lui paraît pas si laid, soudainement.
Assez pour qu’il ne reviennent se blottir dans le creux de son cou, faisant bien attention de ne pas y cogner son nez sensible, les quelques boucles ayant éviter le bain de boue rebiquant dans l’espace vitale du noiraud. La fatigue est telle qu’il pourrait presque s’assoupir -mais il lutte, car il doit garder l'œil ouvert, guetter le moment où les habitations seront trop proche pour qu’il se laisse aller ainsi.
Cette démonstration de faiblesse devait rester entre eux.
Et justement; dès lors que la civilisation se fait un peu trop proche à son goût, bien que la pluie ait commencé à labourer le sol déjà boueux, sa petite paume tape doucement sur l’épaule du noiraud pour attirer son attention vers lui. “‘est bon…” Il marcherait pour le reste du chemin, avec ou sans chaussure; s’il devait chopper la crève, ce sera déjà le cas de toute manière, même s’il avait tout sauf envie d’avoir besoin de se moucher tant que son visage serait endolori.
IRL
INRP
STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Forsaken sentit le petit se blottir contre lui, et il n'y réagit pas spécialement. La chaleur de son corps passait au-delà de sa peau, ce n'était pas désagréable ; simplement inhabituel. La culpabilité était cachée, quelque part, entre ses côtes et ses entrailles. Une présence légère, qui allait se resserrer dans ses moments de pause. Ce n'était pas qu'il fuyait ce qu'il ressentait, c'était qu'il n'était pas le sujet. Forsaken laissait toujours passer les autres avant lui.
Capable d'endurer la douleur et la terreur sans se plaindre. Volontaire pour effectuer les tâches que personne ne voulait accomplir. Parfois, on le cherchait pour exprimer sa dureté face aux autres. Parce qu'il ne disait jamais rien, parce qu'il ne se laissait jamais atteindre. Pourtant, parfois la lâcheté d'autrui l'agaçait. Il n'était pas dérangé par ses devoirs, mais il aurait aimé que les autres puissent démontrer de leur courage et de leurs responsabilités.
Il assumerait ce qu'il venait de faire au petit. Sans donner de réelles explications.
C'était trop intime.
Quand Neniu s'exprima, Forsaken crut d'abord que sa voix était un mirage, portée par le vent. Au loin, une silhouette en train de nettoyer les fenêtres se retourna sur eux, et Forsaken déposa le petit au sol. Lentement, sans remettre en doute sa décision. Il resta genou à terre, puis il avisa les pieds nus.
La bruine se collait à sa peau, le silence régna alors. Forsaken se contenta de défaire ses chaussures. Les lacets étaient abîmés par le temps, l'embout en plastique s'était décroché depuis un moment ; il faudrait prendre le temps de le brûler. Il se releva uniquement pour sortir un pied après l'autre de ses épaisses bottes, avant de les désigner à l'enfant.
« N'empirez pas votre état. »
Un ordre, ou un conseil. La barrière entre l'autorité et la suggestion était mince.
Ses chaussettes étaient trouées à certains endroits, la couleur de l'une d'entre elles était passée à force de lessive. Forsaken fit un pas vers le petit, puis il se retourna en le regardant. Désormais, Neniu lui paraissait plus minuscule encore que les dernières fois. Forsaken était grand, mince ; silhouette macabre dans l'horizon glauque du chemin. Et Neniu était blanc. Tous les deux étaient des éléments désaturés. Chacun à leur manière. Le sang était des tâches colorées, étalées sur une toile immaculée, un peu au hasard.
Forsaken rabaissa les manches de son pull sur les mains, ses jointures grincèrent. On dissimule ce qui dérange, on cache ce qui gratte. Même si maintenant, il ne se souciait plus de ce que les autres pouvaient penser de ces marques. Des entailles creusées dans du bois, à coup de hache.
La veste était clairement trop large pour Neniu, songea-t-il. Même pour lui. Elle n'était pas tout à fait à sa taille.
Il espérait qu'elle le réchauffait suffisamment pour le protéger un peu, du rhume ou de la grippe qui se présageait. C'était vraiment pas de chance.
Capable d'endurer la douleur et la terreur sans se plaindre. Volontaire pour effectuer les tâches que personne ne voulait accomplir. Parfois, on le cherchait pour exprimer sa dureté face aux autres. Parce qu'il ne disait jamais rien, parce qu'il ne se laissait jamais atteindre. Pourtant, parfois la lâcheté d'autrui l'agaçait. Il n'était pas dérangé par ses devoirs, mais il aurait aimé que les autres puissent démontrer de leur courage et de leurs responsabilités.
Il assumerait ce qu'il venait de faire au petit. Sans donner de réelles explications.
C'était trop intime.
Quand Neniu s'exprima, Forsaken crut d'abord que sa voix était un mirage, portée par le vent. Au loin, une silhouette en train de nettoyer les fenêtres se retourna sur eux, et Forsaken déposa le petit au sol. Lentement, sans remettre en doute sa décision. Il resta genou à terre, puis il avisa les pieds nus.
La bruine se collait à sa peau, le silence régna alors. Forsaken se contenta de défaire ses chaussures. Les lacets étaient abîmés par le temps, l'embout en plastique s'était décroché depuis un moment ; il faudrait prendre le temps de le brûler. Il se releva uniquement pour sortir un pied après l'autre de ses épaisses bottes, avant de les désigner à l'enfant.
« N'empirez pas votre état. »
Un ordre, ou un conseil. La barrière entre l'autorité et la suggestion était mince.
Ses chaussettes étaient trouées à certains endroits, la couleur de l'une d'entre elles était passée à force de lessive. Forsaken fit un pas vers le petit, puis il se retourna en le regardant. Désormais, Neniu lui paraissait plus minuscule encore que les dernières fois. Forsaken était grand, mince ; silhouette macabre dans l'horizon glauque du chemin. Et Neniu était blanc. Tous les deux étaient des éléments désaturés. Chacun à leur manière. Le sang était des tâches colorées, étalées sur une toile immaculée, un peu au hasard.
Forsaken rabaissa les manches de son pull sur les mains, ses jointures grincèrent. On dissimule ce qui dérange, on cache ce qui gratte. Même si maintenant, il ne se souciait plus de ce que les autres pouvaient penser de ces marques. Des entailles creusées dans du bois, à coup de hache.
La veste était clairement trop large pour Neniu, songea-t-il. Même pour lui. Elle n'était pas tout à fait à sa taille.
Il espérait qu'elle le réchauffait suffisamment pour le protéger un peu, du rhume ou de la grippe qui se présageait. C'était vraiment pas de chance.
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
La réaction n’est pas aussi immédiate que la mandale qui est partie un peu plus tôt, alors ses petites tapes se font plus insistantes, la gêne se muant vite en irritation. Car plus le temps passait et plus la douleur prenait ses aises, pulsement presque familier au centre de son visage, plus Neniu, le vrai, reprenait doucement le contrôle.
Heureusement, Forsaken ne tarda pas à se réveiller et à le reposer, le sol froid et mouillé faisant remonter un tressaillement le long de ses mollets à la seconde où la plante de ses pieds s'y enfonça. Ce même froid qu’il avait réussi à ignorer lorsqu’il filait sa cible n’hésite pas une seconde à remplacer les bras de l’homme, s’infiltrant par la moindre parcelle de peau dénudée.
Mais il ne va pas chouiner ou chercher la chaleur abandonnée comme un bambin, ça c’est hors de question.
Il est prêt à se remettre en route mais le noiraud, lui, ne se relève pas; alors il le regarde, profite de la pause pour tenter de maîtriser l’équilibre qui lui fait défaut. En le voyant délacer ses bottes, il hausse un sourcil, fronce le nez quand son visage endolori le lui reproche, ce qui l’empêche d’ouvrir la bouche avant que l’homme ne s’en débarrasse.
C’est malin, maintenant, ils auront les deux les chaussettes pleines de boue, même si les siennes doivent toujours être fourrées dans ses poches, là, sous l’immense veste. “ ‘bais mett’ d’la boue d’ans.” Moins qu’une protestation, un simple rappel en pointant les godasses du doigt. Elles vont être crade dedans, ses bottes, en plus de l’être à l’extérieur.
Oh et puis, ce sera son problème. Neniu doit presque enjamber les bottes pour mettre ses pieds dedans, se rattrape au pantalon de son aîné lorsque la gravité le puni pour avoir fait l’échassier. Ce doit être ridicule, vraiment, entre les chaussures et la veste, il disparaît entièrement dans les vêtements prêtés, plus minuscule encore que d’habitude. Même en ayant pris la peine de se baisser pour tirer les vieux lacets abîmés, histoire de ne pas en perdre une dans la boue, ça ne change pas le fait que l’enfant est à des années lumières de remplir la pointure.
Il n’est même pas sûr qu’il le pourrait s’il n’avait pas cessé de grandir.
Mais qui sait. Peut-être dépasserait-il même son aîné.
(quelles horribles possibilités ça lui offrirait)
De ses minuscules pieds ayant disparu dans les chaussures, il regarde ceux de son aîné, les vieilles chaussettes trouées dans lesquelles le froid qui le faisait frémir doit s’insinuer. C’était bien sympa, de se soucier de lui, mais à ce qu’il sache, les adultes aussi peuvent tomber malade. “ ‘u ressemb’ à un clodo.” C’est ça, qui sort, plutôt que l’inquiétude -peut-être sa manière d’exprimer qu’il ne devrait pas se laisser aller comme ça, au fond.
Ou peut-être juste une façon se dédouaner du geste suivant sa phrase: extirpée de sous le manteau, il tend ses chaussettes boueuses vers son aîné avec autant d'autorité qu'il peut avoir avec sa tête de bébé. Elles sont beaucoup trop grandes pour lui, plus faite pour l'intérieur que l'extérieur vu leurs mailles douillettes et elles n'ont pas de trou, elles.
Il n'attend pas la réponse avant de tourner les talons, le monde tanguant encore et le sang dégoulinant de son nez blessé.
Sa démarche, entre les lourdes bottes, le sol boueux et la commotion, n’a rien à envier à celles d’un faon à peine né; il doit vite se rattraper sur ses mains, gardé debout uniquement par les bottes trop grandes. Pour être tout à fait honnête, il ne sait pas vraiment dire si Forsaken lui fait réellement une faveur ou s’il se fout de lui, jurant dans le col de la veste en se redressant. Il avait beau tenter de scruter les fenêtres en essuyant la boue sur la veste, c’était toujours dur de dire s’y quelqu’un s’y trouvait, les silhouettes trop vague pour ne pas être confondues avec des ombres; mais il se doutait qu’à cette heure, les premiers lèves-tôt de la journée serait déjà affairé à leur besogne. Dans le pire des cas, il prétendra lui avoir racketté ses fringues si qui que ce soit le voit dodeliner comme ça la gueule en sang.
A ce rythme, il aura bien le temps de se parader devant tout le monde avant de pouvoir se cacher.
Heureusement, Forsaken ne tarda pas à se réveiller et à le reposer, le sol froid et mouillé faisant remonter un tressaillement le long de ses mollets à la seconde où la plante de ses pieds s'y enfonça. Ce même froid qu’il avait réussi à ignorer lorsqu’il filait sa cible n’hésite pas une seconde à remplacer les bras de l’homme, s’infiltrant par la moindre parcelle de peau dénudée.
Mais il ne va pas chouiner ou chercher la chaleur abandonnée comme un bambin, ça c’est hors de question.
Il est prêt à se remettre en route mais le noiraud, lui, ne se relève pas; alors il le regarde, profite de la pause pour tenter de maîtriser l’équilibre qui lui fait défaut. En le voyant délacer ses bottes, il hausse un sourcil, fronce le nez quand son visage endolori le lui reproche, ce qui l’empêche d’ouvrir la bouche avant que l’homme ne s’en débarrasse.
C’est malin, maintenant, ils auront les deux les chaussettes pleines de boue, même si les siennes doivent toujours être fourrées dans ses poches, là, sous l’immense veste. “ ‘bais mett’ d’la boue d’ans.” Moins qu’une protestation, un simple rappel en pointant les godasses du doigt. Elles vont être crade dedans, ses bottes, en plus de l’être à l’extérieur.
Oh et puis, ce sera son problème. Neniu doit presque enjamber les bottes pour mettre ses pieds dedans, se rattrape au pantalon de son aîné lorsque la gravité le puni pour avoir fait l’échassier. Ce doit être ridicule, vraiment, entre les chaussures et la veste, il disparaît entièrement dans les vêtements prêtés, plus minuscule encore que d’habitude. Même en ayant pris la peine de se baisser pour tirer les vieux lacets abîmés, histoire de ne pas en perdre une dans la boue, ça ne change pas le fait que l’enfant est à des années lumières de remplir la pointure.
Il n’est même pas sûr qu’il le pourrait s’il n’avait pas cessé de grandir.
Mais qui sait. Peut-être dépasserait-il même son aîné.
(quelles horribles possibilités ça lui offrirait)
De ses minuscules pieds ayant disparu dans les chaussures, il regarde ceux de son aîné, les vieilles chaussettes trouées dans lesquelles le froid qui le faisait frémir doit s’insinuer. C’était bien sympa, de se soucier de lui, mais à ce qu’il sache, les adultes aussi peuvent tomber malade. “ ‘u ressemb’ à un clodo.” C’est ça, qui sort, plutôt que l’inquiétude -peut-être sa manière d’exprimer qu’il ne devrait pas se laisser aller comme ça, au fond.
Ou peut-être juste une façon se dédouaner du geste suivant sa phrase: extirpée de sous le manteau, il tend ses chaussettes boueuses vers son aîné avec autant d'autorité qu'il peut avoir avec sa tête de bébé. Elles sont beaucoup trop grandes pour lui, plus faite pour l'intérieur que l'extérieur vu leurs mailles douillettes et elles n'ont pas de trou, elles.
Il n'attend pas la réponse avant de tourner les talons, le monde tanguant encore et le sang dégoulinant de son nez blessé.
Sa démarche, entre les lourdes bottes, le sol boueux et la commotion, n’a rien à envier à celles d’un faon à peine né; il doit vite se rattraper sur ses mains, gardé debout uniquement par les bottes trop grandes. Pour être tout à fait honnête, il ne sait pas vraiment dire si Forsaken lui fait réellement une faveur ou s’il se fout de lui, jurant dans le col de la veste en se redressant. Il avait beau tenter de scruter les fenêtres en essuyant la boue sur la veste, c’était toujours dur de dire s’y quelqu’un s’y trouvait, les silhouettes trop vague pour ne pas être confondues avec des ombres; mais il se doutait qu’à cette heure, les premiers lèves-tôt de la journée serait déjà affairé à leur besogne. Dans le pire des cas, il prétendra lui avoir racketté ses fringues si qui que ce soit le voit dodeliner comme ça la gueule en sang.
A ce rythme, il aura bien le temps de se parader devant tout le monde avant de pouvoir se cacher.
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
La remarque de Neniu ne lui tira aucune réaction.
Il fallait s'y attendre. L'orage était passé en son coeur, et voilà qu'il se profilait à l'horizon ; l'odeur de l'air, sa lourdeur, les insectes qui volaient un peu plus bas. Il l'observa mettre ses chaussures, avalé par son énorme veste, et le nez toujours en sang. Il ne frissonna pas sous le vent, il ne fronça pas les sourcils, il ne dit rien sur la relative inquiétude du petit. De nouveau, Forsaken était revenu ce bloc de glace qu'on détestait. Peut-être Neniu oublierait-il ce bref instant de vulnérabilité ; la porte s'était entrebâillée sur ce qu'il était vraiment. Ce qu'il pensait avoir détruit.
On n'était jamais aussi fort qu'on se le persuadait.
Quand Neniu lui tourna les talons, l'ancien garde-chasse marcha. Plus lentement, de quoi le laisser devant lui. Qu'on voit aussitôt qu'ils arriveraient au Nesto ce qui était arrivé. Ou bien, c'était plus facile ainsi de garder un oeil sur ses faits et gestes. Forsaken n'ouvrait jamais les marches, il les fermait.
L'homme restait droit, il sentait le froid transpercer le tissu de ses chaussettes. L'aspérité du sol lui écorchait la voute plantaire, les cailloux roulaient sous son poids. Et encore, toujours, il ne se plaignait pas. Il ne pensait pas réellement ressentir la douleur ; elle n'avait de l'importance que si on s'y attardait.
Une fois face aux habitations, Forsaken s'arrêta. L'une des habitantes du Nesto sortait, en train de s'essuyer les mains sur ses genoux. Elle leva aussitôt la tête vers lui, quand elle remarqua que Neniu avait le nez en sang, et qu'il était un épouvantail de feuilles et de tissu. Elle semblait à la recherche de ses mots, puis elle demanda ce qu'il s'était passé. Et Forsaken répondit aussitôt :
« Je l'ai frappé. »
Choquée, la femme rapporta son attention sur Neniu. Et sans rien ajouter de plus, sans donner d'explications sur son geste, Forsaken ouvrit la porte. À l'intérieur, la main appuyée contre le mur, il enleva les chaussettes sales et frotta ses pieds avec.
La femme pendant ce temps, s'étonnait de l'accoutrement du petit, et poussait des soupirs, des grognements agacés. Avant de poursuivre plus loin, Forsaken ferma les yeux. Une brève inspiration, un soupir à peine audible. Il se tourna vers Neniu, en ignorant leur congénère féminine. Il plissa les yeux sur le gamin, avant de lui demander :
« Vous voulez que je m'en charge ? »
Forsaken ne désigna pas le nez ensanglanté ni les blessures éventuelles que Neniu aurait pu se faire aux pieds. En vérité, son attitude corporelle n'exprimait que du vide. Son oeil encore fixé sur sa frêle silhouette, à chercher ce que le gamin avait eu en tête.
Et ce qu'il allait faire de cette situation.
Qu'il dise la vérité, qu'il mente, ou mélange les deux pour trouver une histoire qui le satisferait ; Forsaken s'en fichait.
Il fallait s'y attendre. L'orage était passé en son coeur, et voilà qu'il se profilait à l'horizon ; l'odeur de l'air, sa lourdeur, les insectes qui volaient un peu plus bas. Il l'observa mettre ses chaussures, avalé par son énorme veste, et le nez toujours en sang. Il ne frissonna pas sous le vent, il ne fronça pas les sourcils, il ne dit rien sur la relative inquiétude du petit. De nouveau, Forsaken était revenu ce bloc de glace qu'on détestait. Peut-être Neniu oublierait-il ce bref instant de vulnérabilité ; la porte s'était entrebâillée sur ce qu'il était vraiment. Ce qu'il pensait avoir détruit.
On n'était jamais aussi fort qu'on se le persuadait.
Quand Neniu lui tourna les talons, l'ancien garde-chasse marcha. Plus lentement, de quoi le laisser devant lui. Qu'on voit aussitôt qu'ils arriveraient au Nesto ce qui était arrivé. Ou bien, c'était plus facile ainsi de garder un oeil sur ses faits et gestes. Forsaken n'ouvrait jamais les marches, il les fermait.
L'homme restait droit, il sentait le froid transpercer le tissu de ses chaussettes. L'aspérité du sol lui écorchait la voute plantaire, les cailloux roulaient sous son poids. Et encore, toujours, il ne se plaignait pas. Il ne pensait pas réellement ressentir la douleur ; elle n'avait de l'importance que si on s'y attardait.
Une fois face aux habitations, Forsaken s'arrêta. L'une des habitantes du Nesto sortait, en train de s'essuyer les mains sur ses genoux. Elle leva aussitôt la tête vers lui, quand elle remarqua que Neniu avait le nez en sang, et qu'il était un épouvantail de feuilles et de tissu. Elle semblait à la recherche de ses mots, puis elle demanda ce qu'il s'était passé. Et Forsaken répondit aussitôt :
« Je l'ai frappé. »
Choquée, la femme rapporta son attention sur Neniu. Et sans rien ajouter de plus, sans donner d'explications sur son geste, Forsaken ouvrit la porte. À l'intérieur, la main appuyée contre le mur, il enleva les chaussettes sales et frotta ses pieds avec.
La femme pendant ce temps, s'étonnait de l'accoutrement du petit, et poussait des soupirs, des grognements agacés. Avant de poursuivre plus loin, Forsaken ferma les yeux. Une brève inspiration, un soupir à peine audible. Il se tourna vers Neniu, en ignorant leur congénère féminine. Il plissa les yeux sur le gamin, avant de lui demander :
« Vous voulez que je m'en charge ? »
Forsaken ne désigna pas le nez ensanglanté ni les blessures éventuelles que Neniu aurait pu se faire aux pieds. En vérité, son attitude corporelle n'exprimait que du vide. Son oeil encore fixé sur sa frêle silhouette, à chercher ce que le gamin avait eu en tête.
Et ce qu'il allait faire de cette situation.
Qu'il dise la vérité, qu'il mente, ou mélange les deux pour trouver une histoire qui le satisferait ; Forsaken s'en fichait.
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STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
Il s’en doutait, vraiment, que son aîné n’accepterait pas; juste parce qu’il s'était occupé de ce qu'il avait cassé, ils n’étaient pas soudainement copain comme cochon -et juste parce qu’il avait entraperçu un souffle d’humanité derrière la façade, ça ne voulait pas dire qu’elle ne serait pas toujours dressée là.
C’était probablement mieux ainsi: ils passeraient à autre chose et le temps se chargerait d’effacer ce petit incident, Forsaken continuerait de lui casser les pieds et lui trouverait un autre moyen d’essayer de lui rendre la vie dure, un nouveau but probablement encore plus stupide et dangereux que le dernier. Les mauvais souvenirs seront enterrés avec les autres et le cycle reprendra son cours normal.
Ils n’ont pas le temps de finir de franchir le sentier menant au Nesto que déjà quelqu’un sort sur le pas de porte. Neniu ne fait pas vraiment attention à la tâche floue qui s’agite, passe tout droit en la contournant sans relever la tête même lorsque la question tombe: qu’est-ce qui s’est encore passé.
Il ne se retourne que lorsque les aveux tombent, plantant ses yeux dans celui du responsable.
Ils crient ‘t’es con ou quoi ?’, mais ses lèvres restent scellées.
Soit, si c’est sa façon de faire pénitence, il le laissera s’autoflageller si ça lui chante. De toute manière, les chances pour que les autres prennent l’enfant en victime sont minces; tout le monde se réjouira d’entendre que quelqu’un lui en a enfin collé une après toutes ces années, et d’ici à ce que ça arrive au village, on le félicitera probablement.
Il n’a pas pris le temps d’enlever les bottes trop grandes avant de rentrer, maculant le sol qu’il devra probablement nettoyer lui-même plus tard; il ne s’arrête pas une seconde, se contente de glisser ses pieds hors des chaussures un peu maladroitement, se libère de l'immense veste et laisse son cardigan plein de feuilles mouillées les rejoindre à sa suite, faisant fi des reproches qui lui passent d’une oreille à l’autre. Il n’a qu’envie de se débarbouiller et d’aller lécher ses plaies tout au fond de son lit, mais on lui adresse directement la parole.
C’est à lui que parle Forsaken.
L’enfant s’arrête, un pied nu sur la première marche du vieil escalier, et le regarde sans un mot.
A cette distance, il est de nouveau flou.
A cette distance, il est de nouveau incroyablement froid,
et plus irritant encore, cela chatouille quelque chose sous ses côtes.
Il renifle, songe une seconde de plus, avant de cracher la glaire sanguinolente traînant au fond de sa gorge par terre en réponse, faisant fuser les reproches de celle qui les a accueilli alors qu'il fuit à l'étage.
De retour au statu quo,
comme s’il ne s’était rien passé.
Son nez arrêtera de lui faire mal,
et il finira bien par se réchauffer.
C’était probablement mieux ainsi: ils passeraient à autre chose et le temps se chargerait d’effacer ce petit incident, Forsaken continuerait de lui casser les pieds et lui trouverait un autre moyen d’essayer de lui rendre la vie dure, un nouveau but probablement encore plus stupide et dangereux que le dernier. Les mauvais souvenirs seront enterrés avec les autres et le cycle reprendra son cours normal.
Ils n’ont pas le temps de finir de franchir le sentier menant au Nesto que déjà quelqu’un sort sur le pas de porte. Neniu ne fait pas vraiment attention à la tâche floue qui s’agite, passe tout droit en la contournant sans relever la tête même lorsque la question tombe: qu’est-ce qui s’est encore passé.
Il ne se retourne que lorsque les aveux tombent, plantant ses yeux dans celui du responsable.
Ils crient ‘t’es con ou quoi ?’, mais ses lèvres restent scellées.
Soit, si c’est sa façon de faire pénitence, il le laissera s’autoflageller si ça lui chante. De toute manière, les chances pour que les autres prennent l’enfant en victime sont minces; tout le monde se réjouira d’entendre que quelqu’un lui en a enfin collé une après toutes ces années, et d’ici à ce que ça arrive au village, on le félicitera probablement.
Il n’a pas pris le temps d’enlever les bottes trop grandes avant de rentrer, maculant le sol qu’il devra probablement nettoyer lui-même plus tard; il ne s’arrête pas une seconde, se contente de glisser ses pieds hors des chaussures un peu maladroitement, se libère de l'immense veste et laisse son cardigan plein de feuilles mouillées les rejoindre à sa suite, faisant fi des reproches qui lui passent d’une oreille à l’autre. Il n’a qu’envie de se débarbouiller et d’aller lécher ses plaies tout au fond de son lit, mais on lui adresse directement la parole.
C’est à lui que parle Forsaken.
L’enfant s’arrête, un pied nu sur la première marche du vieil escalier, et le regarde sans un mot.
A cette distance, il est de nouveau flou.
A cette distance, il est de nouveau incroyablement froid,
et plus irritant encore, cela chatouille quelque chose sous ses côtes.
Il renifle, songe une seconde de plus, avant de cracher la glaire sanguinolente traînant au fond de sa gorge par terre en réponse, faisant fuser les reproches de celle qui les a accueilli alors qu'il fuit à l'étage.
De retour au statu quo,
comme s’il ne s’était rien passé.
Son nez arrêtera de lui faire mal,
et il finira bien par se réchauffer.
IRL
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STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Les yeux du lynx allèrent des vêtements abandonnés au gamin sur la première marche de l'escalier. Une tombe, toujours. Il plissait le regard sur Neniu, sans démontrer de l'agacement qui fit bander ses muscles. Il attendait seulement. Puis quand le petit n'en fit qu'à sa tête, contrarié par une émotion qu'il ne cerna pas, Forsaken soupira. Il l'observa le fuir.
Sans un mot, l'ancien garde-chasse enleva ses chaussettes pour ne pas mouiller le sol. Puis il ramassa les affaires de Neniu, sans répondre aux interrogations que leur camarade posait. Il ne semblait pas l'entendre, ou du moins, comme à l'accoutumée, il ne répondait que s'il jugeait cela important. Et visiblement, expliquer pourquoi il lui avait fracassé le nez n'en faisait pas partie.
Personne n'avait besoin de savoir « pourquoi ».
Quand bien même, sa perte furtive de contrôle était surprenante. Jamais on n'avait vu Forsaken perdre son calme. Il semblait incapable d'émotions, robotique dans sa psyché et dans sa façon d'agir. Elle lui demanda plusieurs fois de répondre, en rentrant dans son champ de vision. Les mains sur les hanches, elle exigea. Et Forsaken se contenta de la contourner, avant de monter à son tour à l'étage. Elle râla que finalement, Neniu et lui n'étaient pas si différents. Deux têtes de mules qui lui rendaient la vie difficile.
Forsaken songea que s'il avait agi avec son père, à abandonner ses affaires pour un mouvement d'humeur, il aurait fini davantage la gueule en sang. Il lui avait appris à ne jamais répondre, ne pas hausser la voix, agir comme s'il était invisible lorsqu'il était dans le coin. Pourtant en grandissant, il avait été certain de pouvoir le battre sans effort. À l'armée, il avait eu la réputation d'un jeune homme féroce et silencieux. Le genre de type qu'on ne provoquait qu'une fois. Pas deux.
Mais il restait, lui aussi, un enfant battu.
Forsaken décrassa ses chaussures, il nettoya les chaussettes, avant d'en changer. Il sécha grossièrement ses cheveux, et vira son pull pour un t-shirt à manches longues. Il s'occupa du cardigan, il enleva une à une les feuilles qu'il alla jeter dehors. Il le mit ensuite à sécher près du feu.
Forsaken retourna à ses occupations de la journée. Surveiller, gronder, il alla même couper un peu de bois. Toujours à faire les tâches les plus pénibles sans se plaindre. Parce qu'il fallait quelqu'un pour le faire. Il ne mangea pas à midi, et il ne compta pas manger au soir.
Quand le cardigan fut sec, l'ancien militaire le plia sur son avant-bras. Il avala lentement sa salive, sa pomme d'Adam monta le long de sa gorge, et retomba. Il fixa le feu quelques secondes, avant de reculer et se retourner. Il gravit les marches de son pas lourd et militaire, puis il se rendit à la chambre que Neniu occupait.
Et il frappa à la porte.
Sans un mot, l'ancien garde-chasse enleva ses chaussettes pour ne pas mouiller le sol. Puis il ramassa les affaires de Neniu, sans répondre aux interrogations que leur camarade posait. Il ne semblait pas l'entendre, ou du moins, comme à l'accoutumée, il ne répondait que s'il jugeait cela important. Et visiblement, expliquer pourquoi il lui avait fracassé le nez n'en faisait pas partie.
Personne n'avait besoin de savoir « pourquoi ».
Quand bien même, sa perte furtive de contrôle était surprenante. Jamais on n'avait vu Forsaken perdre son calme. Il semblait incapable d'émotions, robotique dans sa psyché et dans sa façon d'agir. Elle lui demanda plusieurs fois de répondre, en rentrant dans son champ de vision. Les mains sur les hanches, elle exigea. Et Forsaken se contenta de la contourner, avant de monter à son tour à l'étage. Elle râla que finalement, Neniu et lui n'étaient pas si différents. Deux têtes de mules qui lui rendaient la vie difficile.
Forsaken songea que s'il avait agi avec son père, à abandonner ses affaires pour un mouvement d'humeur, il aurait fini davantage la gueule en sang. Il lui avait appris à ne jamais répondre, ne pas hausser la voix, agir comme s'il était invisible lorsqu'il était dans le coin. Pourtant en grandissant, il avait été certain de pouvoir le battre sans effort. À l'armée, il avait eu la réputation d'un jeune homme féroce et silencieux. Le genre de type qu'on ne provoquait qu'une fois. Pas deux.
Mais il restait, lui aussi, un enfant battu.
Forsaken décrassa ses chaussures, il nettoya les chaussettes, avant d'en changer. Il sécha grossièrement ses cheveux, et vira son pull pour un t-shirt à manches longues. Il s'occupa du cardigan, il enleva une à une les feuilles qu'il alla jeter dehors. Il le mit ensuite à sécher près du feu.
Forsaken retourna à ses occupations de la journée. Surveiller, gronder, il alla même couper un peu de bois. Toujours à faire les tâches les plus pénibles sans se plaindre. Parce qu'il fallait quelqu'un pour le faire. Il ne mangea pas à midi, et il ne compta pas manger au soir.
Quand le cardigan fut sec, l'ancien militaire le plia sur son avant-bras. Il avala lentement sa salive, sa pomme d'Adam monta le long de sa gorge, et retomba. Il fixa le feu quelques secondes, avant de reculer et se retourner. Il gravit les marches de son pas lourd et militaire, puis il se rendit à la chambre que Neniu occupait.
Et il frappa à la porte.
IRL
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Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
Réfugié derrière la porte grinçante de la salle de bain, le miroir lui renvoie une bien piteuse image. Si ses paupières rougies ne suffisaient pas à le trahir, grâce à la terre et au sang maculant son visage, l'on peut distinctement voir où les larmes ont coulés. La caresse de la honte vient raviver la chaleur sous l'épiderme alors qu'il ouvre le robinet, pressé de se débarrasser des preuves de sa faiblesse.
S'être fait frapper, ça passait.
Avoir chialé comme un bébé, ça, c'était une autre histoire.
Pour ne pas risquer d’ouvrir davantage la crevure cramoisie la scindant, il soulève délicatement sa lèvre supérieure qui déjà a commencé à enfler, grimaçant en inspectant l’émail rougie de sang. Sa langue passe dessus, cherche presque à compter les quelques dents définitives dans sa petite bouche: par miracle, aucune ne manque à l’appel, le soulagement lui donnant enfin la permission de relâcher le souffle qu’il retenait.
Pas d’os cassé.
Pas de dent perdue.
Pas de trophée pour prouver qu’il a réussi l’impossible.
L’eau froide a beau le faire frissonner, elle anesthésie momentanément la douleur irradiant de son nez. Quelques gouttes cramoisies viennent moucheter la porcelaine souillée de terre, de brins d’herbe et de sang. Du haut de la banquette qui lui permet d’accéder au lavabo, l’enfant lègue sa souillure aux canalisations sans que personne ne vienne l’importuner; pas tout de suite. Il passe pourtant promptement ses boucles blanches sous l’eau, préfère une toilette succincte à la lavette à une douche glaciale qui ne ferait que faire remonter la nostalgie qui l’avait pris tout à l’heure.
Hors de question de regretter de s’être fait jeter de la Kolonio.
Hors de question de regretter quoi que ce soit.
Le visage qui le salue à présent dans le miroir a retrouvé de son impertinence, bien que son nez rougi ressort encore plus violemment sur la peau propre, deux sillons rouges ne tardant pas à retracer leur chemin le long de ses lèvres, désireux de ne pas lui laisser oublier ses soucis de santé. Neniu se saisit d’un chiffon propre qu’il met sous son nez plutôt que de récupérer le reste de ses vêtements et glisse dans le couloir emballé dans un linge. A travers le plancher, il ne parvient plus que les grommellements de celle qui les a accueilli; c’est qu’elle a dû finir de sermonner Forsaken.
Enfin, ça, il le savait déjà: le bruit de ses pas, si diligemment étudié, ne lui avaient pas non plus échappé tout à l’heure, même feutré par l’écoulement l’eau.
Mais même si ses épaules s'étaient crispées en l'entendant monter l'escalier, personne n’avait poussé la porte, pas même après ce pénultième affront.
La journée vient à peine de commencer, et pourtant le voilà qui s’enfonce dans son oreiller, la fatigue le submergeant si vite que s’il y a eu passage dans sa chambre avant midi, il n’en su rien. Il émerge tout juste au moment de se faire porter le repas, à peine assez longtemps pour protester face à l’idée de faire venir un médecin, marmonnant que “Forsaken a dit que c’était bon.” sans y songer une seconde de plus avant de sombrer à nouveau, ne remarquant à peine le chiffon frais qui avait remplacé celui souillé de sang. Maintenant qu’il avait retrouvé sa couette et un pyjama sec, la fatigue pesait sur son corps comme du plomb, reprenant ses droits sur lui.
Les coups contre sa porte eurent moins de peine à le tirer de ce sommeil sans rêve; à vrai dire, cela faisait quelques heures que Neniu flottait entre conscient et inconscient, ayant trop dormi pour entièrement sombrer mais pas assez lucide pour s’ennuyer. Non, à vrai dire, il profitait presque de pouvoir lézarder au lit, et ce même au prix de la douleur sourde qui refusait de se laisser oublier, surtout pas au moment de geindre une vague réponse à l’attention de l’intrus.
Si c’était le médecin, il allait râler.
La porte s'entrebaille sur une silhouette familière, si rendue d’autant plus floue à travers ses cils pâles. Son petit nez pas encore violacé se retrousse en voyant Forsaken, seule marque trahissant ses sourcils froncés cachés sous sa frange encore légèrement humide. L’enfant se débarrasse du chiffon humide après avoir précautionneusement tapoté ses narines, constatant que le sang avait enfin arrêté de couler. “Quoi ?” Le repos a fait du bien à son élocution, même si sa lèvre bouffie l’a gardé de manger plus de quelques cuillères du potage abandonné sur sa table de nuit.
L’étrange sentiment, lui, se remet à grouiller sous la surface, exacerbant son agacement face à la présence du responsable.
S'être fait frapper, ça passait.
Avoir chialé comme un bébé, ça, c'était une autre histoire.
Pour ne pas risquer d’ouvrir davantage la crevure cramoisie la scindant, il soulève délicatement sa lèvre supérieure qui déjà a commencé à enfler, grimaçant en inspectant l’émail rougie de sang. Sa langue passe dessus, cherche presque à compter les quelques dents définitives dans sa petite bouche: par miracle, aucune ne manque à l’appel, le soulagement lui donnant enfin la permission de relâcher le souffle qu’il retenait.
Pas d’os cassé.
Pas de dent perdue.
Pas de trophée pour prouver qu’il a réussi l’impossible.
L’eau froide a beau le faire frissonner, elle anesthésie momentanément la douleur irradiant de son nez. Quelques gouttes cramoisies viennent moucheter la porcelaine souillée de terre, de brins d’herbe et de sang. Du haut de la banquette qui lui permet d’accéder au lavabo, l’enfant lègue sa souillure aux canalisations sans que personne ne vienne l’importuner; pas tout de suite. Il passe pourtant promptement ses boucles blanches sous l’eau, préfère une toilette succincte à la lavette à une douche glaciale qui ne ferait que faire remonter la nostalgie qui l’avait pris tout à l’heure.
Hors de question de regretter de s’être fait jeter de la Kolonio.
Hors de question de regretter quoi que ce soit.
Le visage qui le salue à présent dans le miroir a retrouvé de son impertinence, bien que son nez rougi ressort encore plus violemment sur la peau propre, deux sillons rouges ne tardant pas à retracer leur chemin le long de ses lèvres, désireux de ne pas lui laisser oublier ses soucis de santé. Neniu se saisit d’un chiffon propre qu’il met sous son nez plutôt que de récupérer le reste de ses vêtements et glisse dans le couloir emballé dans un linge. A travers le plancher, il ne parvient plus que les grommellements de celle qui les a accueilli; c’est qu’elle a dû finir de sermonner Forsaken.
Enfin, ça, il le savait déjà: le bruit de ses pas, si diligemment étudié, ne lui avaient pas non plus échappé tout à l’heure, même feutré par l’écoulement l’eau.
Mais même si ses épaules s'étaient crispées en l'entendant monter l'escalier, personne n’avait poussé la porte, pas même après ce pénultième affront.
La journée vient à peine de commencer, et pourtant le voilà qui s’enfonce dans son oreiller, la fatigue le submergeant si vite que s’il y a eu passage dans sa chambre avant midi, il n’en su rien. Il émerge tout juste au moment de se faire porter le repas, à peine assez longtemps pour protester face à l’idée de faire venir un médecin, marmonnant que “Forsaken a dit que c’était bon.” sans y songer une seconde de plus avant de sombrer à nouveau, ne remarquant à peine le chiffon frais qui avait remplacé celui souillé de sang. Maintenant qu’il avait retrouvé sa couette et un pyjama sec, la fatigue pesait sur son corps comme du plomb, reprenant ses droits sur lui.
Les coups contre sa porte eurent moins de peine à le tirer de ce sommeil sans rêve; à vrai dire, cela faisait quelques heures que Neniu flottait entre conscient et inconscient, ayant trop dormi pour entièrement sombrer mais pas assez lucide pour s’ennuyer. Non, à vrai dire, il profitait presque de pouvoir lézarder au lit, et ce même au prix de la douleur sourde qui refusait de se laisser oublier, surtout pas au moment de geindre une vague réponse à l’attention de l’intrus.
Si c’était le médecin, il allait râler.
La porte s'entrebaille sur une silhouette familière, si rendue d’autant plus floue à travers ses cils pâles. Son petit nez pas encore violacé se retrousse en voyant Forsaken, seule marque trahissant ses sourcils froncés cachés sous sa frange encore légèrement humide. L’enfant se débarrasse du chiffon humide après avoir précautionneusement tapoté ses narines, constatant que le sang avait enfin arrêté de couler. “Quoi ?” Le repos a fait du bien à son élocution, même si sa lèvre bouffie l’a gardé de manger plus de quelques cuillères du potage abandonné sur sa table de nuit.
L’étrange sentiment, lui, se remet à grouiller sous la surface, exacerbant son agacement face à la présence du responsable.
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
Le sentiment désagréable était toujours là.
Logé sous sa poitrine, juste derrière le coeur. Et ça grattait, grattait. À chaque inspiration, Forsaken sentait la démangeaison grandir. Hélas, il préférait l'abandonner. À ériger des murs aussi hauts que laids autour de lui, plutôt que de regarder réellement en face la culpabilité. C'était un fait. Aussi clair que ses yeux noirs et ses cicatrices. Cela ne le changerait pas réellement. Il ne changerait pas.
Alors quand enfin la porte s'ouvrit sur la petite bouille abîmée, Forsaken coula un oeil sur l'enfant. Lentement, semblable au lynx qu'il était. Au meurtrier qui sommeillait profondément en son sein. La remarque de Neniu puait son insolence. Voilà, c'était ça. Son ton irrité, son regard agacé, à défier son autorité pour apprendre les limites. D'une arrogance aussi ordinaire que le temps humide dehors. Forsaken avala lentement sa salive, sa pomme d'Adam roula le long de sa gorge.
Sa silhouette était nouée de tension. Son souffle à peine perceptible malgré sa profondeur. Un monolithe abîmé face au visage d'ange, à jauger son visage couturé sans rien dire. Blasé, quelque part, qu'il ne l'ait pas écouté, Forsaken se contenta de lui tendre son chandail.
Le reproche n'était pas prononcé, il suintait dans son silence habituel et pesant. Forsaken n'avait pas forcément besoin de parler pour exprimer ce qu'il pensait. La plupart des gens le devinaient, ou ils étaient effrayés de ce qu'il pourrait penser et faire. Il ignorait pourquoi ils portaient tant d'attention à ce qu'il songeait. Son avis avait rarement de l'importance ; il ne condamnait personne. Le reproche non formulé dans son regard courait le long des murs, s'accrochait au bout de ses cils.
Forsaken recula d'un pas, la pierre bougea. Il poussa un soupir, ses bottes couinèrent sur le plancher. Il avait envie de se frotter les yeux, mais il s'en abstenait. Son langage corporel était quasi inexistant. Il n'épargnait pas Neniu de son absence, ne laissait plus rien voir de sa vulnérabilité. Au bout d'un moment, il lâcha d'une voix monocorde :
« Le médecin n'est pas encore passé, je vais aller le chercher. »
Un constat. Oui, Nenieu était monté, pris de ses humeurs infantiles. Oui, il avait abandonné ses chaussures et sa crasse sur le plancher. Oui, Forsaken avait nettoyé avec lui. Mais cela n'excusait pas le manque de soin - que le petit ait demandé ou non pour être soigné.
« Vous avez mangé ? »
Du réconfort dans la question. Une inquiétude voilée par l'indifférence rassurante, son oeil fixé sur Neniu qui remonte au-dessus de lui. Cherche des réponses dans la chambre, note tout ce qui est important. Reste un instant sur la fenêtre.
C'était un réflexe chez lui, de chercher d'un clignement de paupières les issues de secours. Comme si, Forsaken s'attendait toujours à un coup de feu dans la quiétude d'Espéro. Les endroits où les habitants du Nesto pourrait fuir.
Au cas où.
Logé sous sa poitrine, juste derrière le coeur. Et ça grattait, grattait. À chaque inspiration, Forsaken sentait la démangeaison grandir. Hélas, il préférait l'abandonner. À ériger des murs aussi hauts que laids autour de lui, plutôt que de regarder réellement en face la culpabilité. C'était un fait. Aussi clair que ses yeux noirs et ses cicatrices. Cela ne le changerait pas réellement. Il ne changerait pas.
Alors quand enfin la porte s'ouvrit sur la petite bouille abîmée, Forsaken coula un oeil sur l'enfant. Lentement, semblable au lynx qu'il était. Au meurtrier qui sommeillait profondément en son sein. La remarque de Neniu puait son insolence. Voilà, c'était ça. Son ton irrité, son regard agacé, à défier son autorité pour apprendre les limites. D'une arrogance aussi ordinaire que le temps humide dehors. Forsaken avala lentement sa salive, sa pomme d'Adam roula le long de sa gorge.
Sa silhouette était nouée de tension. Son souffle à peine perceptible malgré sa profondeur. Un monolithe abîmé face au visage d'ange, à jauger son visage couturé sans rien dire. Blasé, quelque part, qu'il ne l'ait pas écouté, Forsaken se contenta de lui tendre son chandail.
Le reproche n'était pas prononcé, il suintait dans son silence habituel et pesant. Forsaken n'avait pas forcément besoin de parler pour exprimer ce qu'il pensait. La plupart des gens le devinaient, ou ils étaient effrayés de ce qu'il pourrait penser et faire. Il ignorait pourquoi ils portaient tant d'attention à ce qu'il songeait. Son avis avait rarement de l'importance ; il ne condamnait personne. Le reproche non formulé dans son regard courait le long des murs, s'accrochait au bout de ses cils.
Forsaken recula d'un pas, la pierre bougea. Il poussa un soupir, ses bottes couinèrent sur le plancher. Il avait envie de se frotter les yeux, mais il s'en abstenait. Son langage corporel était quasi inexistant. Il n'épargnait pas Neniu de son absence, ne laissait plus rien voir de sa vulnérabilité. Au bout d'un moment, il lâcha d'une voix monocorde :
« Le médecin n'est pas encore passé, je vais aller le chercher. »
Un constat. Oui, Nenieu était monté, pris de ses humeurs infantiles. Oui, il avait abandonné ses chaussures et sa crasse sur le plancher. Oui, Forsaken avait nettoyé avec lui. Mais cela n'excusait pas le manque de soin - que le petit ait demandé ou non pour être soigné.
« Vous avez mangé ? »
Du réconfort dans la question. Une inquiétude voilée par l'indifférence rassurante, son oeil fixé sur Neniu qui remonte au-dessus de lui. Cherche des réponses dans la chambre, note tout ce qui est important. Reste un instant sur la fenêtre.
C'était un réflexe chez lui, de chercher d'un clignement de paupières les issues de secours. Comme si, Forsaken s'attendait toujours à un coup de feu dans la quiétude d'Espéro. Les endroits où les habitants du Nesto pourrait fuir.
Au cas où.
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Even wolves bleed like sheeps.
En l’absence de réponse, le gazouillement de quelques oiseaux ayant niché sous le toit du Nesto reprend ses droits sur la petite chambre. Ce silence n’a rien d’inhabituel, surtout pas entre eux; Forsaken s’était eu tenu derrière lui sans piper un mot des heures durant, sa patience résistant autant à sa mauvaise-fois qu’à ses jérémiades et ses insultes pour avoir raison de lui et le forcer à faire ses tâches en silence.C’était la seule personne qu’il ne pouvait pas faire plier, qui lui résistait là où les autres avaient tous fini par abandonner.
Du moins, jusqu’à aujourd’hui.
Le chandail que le noiraud lui tend, même débarrassé des feuilles mortes, en est la preuve irréfutable.
Ses petites mains blanches s’enfoncent dans la laine moelleuse si fraîchement séchée qu’il peut encore sentir les effluves familières du feu de bois. Il l’étale simplement sur la couverture, lisse presque soigneusement les manches épaisses comme si elles pouvaient prendre de faux-plis. “Pourquoi ?” La protestation lui ressemble bien plus, bien qu’elle ne soit pas teintée de l’habituelle défiance. “T’as pas confiance en ton jugement ?” Neniu le sait, que Forsaken n’est pas un médecin, et pourtant il ne voit pas pourquoi douter de sa conclusion: il y avait derrière le souvenirs des gestes pratiqués dans la forêt une assurance et un savoir-faire qui lui suffisait amplement; une habitude à briser permettait tout aussi bien de constater l’étendue des dégâts que celle à réparer, après tout, alors pourquoi s’en soucier ?
De toute manière, il n’avait pas envie d’être réprimandé par un autre adulte, même si l’idée que la rumeur d'un membre de la Protektado ait frappé un enfant sans raison se propage comme une traînée de poudre lui faisait plaisir. Le secret médical ne protégeait pas des commérages, après tout.
Mais non, ça l’intéressait bien plus d’examiner à son tour le résultat de son embuscade; d’aller tâter avec tout autant de minutie ce que le sursaut avait pû laisser derrière lui. “Un peu. J’ai pas très faim.” Un peu trop mal, surtout, mais moins il en parlait, plus il avait de chance que le noiraud lâche l’affaire.
Il laisse le silence flotter un instant, se tourne lui aussi vers la fenêtre en se demandant sans grande conviction où les oiseaux ont bien pû faire leur nid. “Et toi ?” Son ton ne cherche pas à se faire mielleux; il ne sait que trop bien que ce jeu ne marche pas avec lui, alors il essaie de rester le plus factuel possible, de ne rien laisser transpirer, surtout pas la malice qui doucement se réveille de sa torpeur. "Ça ne te ressemble pas de frapper sans regarder.” Réagir au quart de tour, certainement, mais c’était toujours pour contrer et maîtriser, pas pour blesser aveuglément. C’est ça qui est si délicieux derrière l’horrible douleur qui bat encore sourdement derrière les futures contusions. “T’en as enfin eu marre, finalement. J’imagine que ça t’as fait du bien.”
Dans sa conclusion erronée, il désire ardemment être corrigé; veut l’entendre de sa voix placide qu’il a réussi, qu’il est venu à bout de son flegme. L’enfant ne baisse pas la tête, ne cherche pas à faire de mélodrame en appelant à la voix chevrotante. Il se contente de dire les choses telle quelle, sans feindre quoi que ce soit; c’est l’affecte qu’il a fini par cultiver avec lui à force de tentative ratée d’attendrissement.
Derrière les mensonges subsistant, il ne peut nier que c’est probablement avec Forsaken qu’il est le plus vrai.
Du moins, jusqu’à aujourd’hui.
Le chandail que le noiraud lui tend, même débarrassé des feuilles mortes, en est la preuve irréfutable.
Ses petites mains blanches s’enfoncent dans la laine moelleuse si fraîchement séchée qu’il peut encore sentir les effluves familières du feu de bois. Il l’étale simplement sur la couverture, lisse presque soigneusement les manches épaisses comme si elles pouvaient prendre de faux-plis. “Pourquoi ?” La protestation lui ressemble bien plus, bien qu’elle ne soit pas teintée de l’habituelle défiance. “T’as pas confiance en ton jugement ?” Neniu le sait, que Forsaken n’est pas un médecin, et pourtant il ne voit pas pourquoi douter de sa conclusion: il y avait derrière le souvenirs des gestes pratiqués dans la forêt une assurance et un savoir-faire qui lui suffisait amplement; une habitude à briser permettait tout aussi bien de constater l’étendue des dégâts que celle à réparer, après tout, alors pourquoi s’en soucier ?
De toute manière, il n’avait pas envie d’être réprimandé par un autre adulte, même si l’idée que la rumeur d'un membre de la Protektado ait frappé un enfant sans raison se propage comme une traînée de poudre lui faisait plaisir. Le secret médical ne protégeait pas des commérages, après tout.
Mais non, ça l’intéressait bien plus d’examiner à son tour le résultat de son embuscade; d’aller tâter avec tout autant de minutie ce que le sursaut avait pû laisser derrière lui. “Un peu. J’ai pas très faim.” Un peu trop mal, surtout, mais moins il en parlait, plus il avait de chance que le noiraud lâche l’affaire.
Il laisse le silence flotter un instant, se tourne lui aussi vers la fenêtre en se demandant sans grande conviction où les oiseaux ont bien pû faire leur nid. “Et toi ?” Son ton ne cherche pas à se faire mielleux; il ne sait que trop bien que ce jeu ne marche pas avec lui, alors il essaie de rester le plus factuel possible, de ne rien laisser transpirer, surtout pas la malice qui doucement se réveille de sa torpeur. "Ça ne te ressemble pas de frapper sans regarder.” Réagir au quart de tour, certainement, mais c’était toujours pour contrer et maîtriser, pas pour blesser aveuglément. C’est ça qui est si délicieux derrière l’horrible douleur qui bat encore sourdement derrière les futures contusions. “T’en as enfin eu marre, finalement. J’imagine que ça t’as fait du bien.”
Dans sa conclusion erronée, il désire ardemment être corrigé; veut l’entendre de sa voix placide qu’il a réussi, qu’il est venu à bout de son flegme. L’enfant ne baisse pas la tête, ne cherche pas à faire de mélodrame en appelant à la voix chevrotante. Il se contente de dire les choses telle quelle, sans feindre quoi que ce soit; c’est l’affecte qu’il a fini par cultiver avec lui à force de tentative ratée d’attendrissement.
Derrière les mensonges subsistant, il ne peut nier que c’est probablement avec Forsaken qu’il est le plus vrai.
IRL
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L’agneau et le chien
Avec Neniu
Forsaken resta droit et silencieux.
Le regard plissé sur l'enfant, il décelait le mensonge dans ses vagues d'insolence. Sans pour autant accepter de se laisser atteindre. Au-delà de l'incident, il était habitué à Neniu. Ses petites provocations, ses remarques ; crier au loup pour avoir de l'attention, même si cela signifiait se faire détester. La différence avec les autres adultes, c'était que Forsaken ne le traitait pas différemment. S'il prenait en compte sa santé fragile, il adoptait la même posture, le même ton qu'il prenait avec tout le monde. Du reste, il ne savait pas comment agir avec les enfants, alors il les traitait comme des adultes.
Mais là, c'était différent. L'ancien garde-chasse notait les nuances dans ce tableau immaculé, les tâches que l'on ne voit pas au premier coup d'oeil. Dans la voix de Neniu, il y avait des messages qu'il faisait passer à son insu. Si Forsaken était toujours droit et immobile, à exprimer si peu avec son attitude corporelle, c'était bien parce qu'il savait qu'elle pouvait le trahir. On mentait avec les mots ; avec son corps, c'était plus difficile. Alors il examinait le petit, l'agneau qui jouait à être le loup.
Il creusait dans sa poitrine, à la recherche d'une humanité que Forsaken protégeait férocement. Il fouillait les reproches dans ses silences, et peut-être qu'il voulait qu'il soit comme tous les autres. À le détester pour être un sale môme.
Toutefois, Forsaken savait ce que c'était d'être à la place de celui qui se faisait frapper. Son seul souci était ailleurs : admettre la part de vulnérabilité, assumer la peur qui lui tiraillait le ventre. Se dévoiler.
« Si vous le dîtes. »
Une réponse frustrante pour une attitude qui l'était tout autant. Forsaken laissa passer un faible soupir entre ses lèvres, puis il se rapprocha. Il se baissa à la hauteur du gamin, accroupi avec les mains pendant entre ses jambes et les coudes appuyés sur ses cuisses. Il lui imposait la vision de son visage émacié et abîmé, endurci par le froid de l'Alaska, tanné par la rugosité de son caractère. On pouvait voir le stigmate qui déchirait sa face, il rendait le tatouage un peu plus irrégulier. Le coup de couteau était l'un des premiers souvenirs qui lui étaient revenus.
« Non, cela ne m'a fait du bien de vous frapper, lâcha Forsaken de sa voix monocorde - il aurait eu autant d'entrain s'il lui avait fait une liste de course. Je ne voulais pas vous frapper, cela n'aurait jamais dû arriver. Un moment de pause, sa respiration profonde et calme, le regard qui détaille les fissures dans le plancher. Puis ses yeux noirs reviennent sur le faux visage angélique. J'aurais dû vous entendre arriver, une manière détournée de dire que c'était de sa faute ; il ne baisserait plus sa vigilance. Plus jamais. J'ai... Forsaken ne termina pas sa phrase, il pensa : j'ai réagi à l'instinct pour me défendre. À la place, il se releva, puis il conclut : n'essayez plus de me prendre par surprise. »
Le regard plissé sur l'enfant, il décelait le mensonge dans ses vagues d'insolence. Sans pour autant accepter de se laisser atteindre. Au-delà de l'incident, il était habitué à Neniu. Ses petites provocations, ses remarques ; crier au loup pour avoir de l'attention, même si cela signifiait se faire détester. La différence avec les autres adultes, c'était que Forsaken ne le traitait pas différemment. S'il prenait en compte sa santé fragile, il adoptait la même posture, le même ton qu'il prenait avec tout le monde. Du reste, il ne savait pas comment agir avec les enfants, alors il les traitait comme des adultes.
Mais là, c'était différent. L'ancien garde-chasse notait les nuances dans ce tableau immaculé, les tâches que l'on ne voit pas au premier coup d'oeil. Dans la voix de Neniu, il y avait des messages qu'il faisait passer à son insu. Si Forsaken était toujours droit et immobile, à exprimer si peu avec son attitude corporelle, c'était bien parce qu'il savait qu'elle pouvait le trahir. On mentait avec les mots ; avec son corps, c'était plus difficile. Alors il examinait le petit, l'agneau qui jouait à être le loup.
Il creusait dans sa poitrine, à la recherche d'une humanité que Forsaken protégeait férocement. Il fouillait les reproches dans ses silences, et peut-être qu'il voulait qu'il soit comme tous les autres. À le détester pour être un sale môme.
Toutefois, Forsaken savait ce que c'était d'être à la place de celui qui se faisait frapper. Son seul souci était ailleurs : admettre la part de vulnérabilité, assumer la peur qui lui tiraillait le ventre. Se dévoiler.
« Si vous le dîtes. »
Une réponse frustrante pour une attitude qui l'était tout autant. Forsaken laissa passer un faible soupir entre ses lèvres, puis il se rapprocha. Il se baissa à la hauteur du gamin, accroupi avec les mains pendant entre ses jambes et les coudes appuyés sur ses cuisses. Il lui imposait la vision de son visage émacié et abîmé, endurci par le froid de l'Alaska, tanné par la rugosité de son caractère. On pouvait voir le stigmate qui déchirait sa face, il rendait le tatouage un peu plus irrégulier. Le coup de couteau était l'un des premiers souvenirs qui lui étaient revenus.
« Non, cela ne m'a fait du bien de vous frapper, lâcha Forsaken de sa voix monocorde - il aurait eu autant d'entrain s'il lui avait fait une liste de course. Je ne voulais pas vous frapper, cela n'aurait jamais dû arriver. Un moment de pause, sa respiration profonde et calme, le regard qui détaille les fissures dans le plancher. Puis ses yeux noirs reviennent sur le faux visage angélique. J'aurais dû vous entendre arriver, une manière détournée de dire que c'était de sa faute ; il ne baisserait plus sa vigilance. Plus jamais. J'ai... Forsaken ne termina pas sa phrase, il pensa : j'ai réagi à l'instinct pour me défendre. À la place, il se releva, puis il conclut : n'essayez plus de me prendre par surprise. »
IRL
INRP
STATS
Wild Animal
Even wolves bleed like sheeps.
L’admission, toute factuelle, brise le masque d’indifférence et relève les commissures de ses lèvres, réveillant à son tour la crevasse cramoisie qui peinait déjà à rester fermée. Une petite tâche rouge sur la peau rose qui s'étale avec le sourire.
Oh, il n’a pas besoin de plus. Ni d’excuse, ni de larme, ni d’un quelconque affect.
La blessure de l’humiliation a bien moins de peine à guérir que son pauvre corps, enorgueilli par si peu. “Tu aurais dû.” répète-t-il simplement, la malice ne cherchant plus à se cacher alors que les yeux froids de l’homme reviennent dans les siens. Lui qui se délecte tant de discuter à niveau égal se voit déçu de voir le noiraud se relever si vite, mais l’hésitation dans sa voix, même minime, suffit à mettre du baume sur cette petite contrariété.
Forsaken a beau tout porter sur ses épaules, l’enfant sait qui est réellement responsable, mais il n’a pas besoin de se vanter de sa réussite en se lançant dans un concours d’apitoiement. Oui, la réponse avait quelque peu dépassé ses attentes: tout au plus, il espérait un sursaut, peut-être même un tout petit cri de surprise, et la volte-face n’avait pas été calculée dans le geste, mais le résultat demeurait le même. “Je dois juste apprendre à esquiver.” Sur cette presque promesse de ne jamais, jamais cesser ses enfantillages, Neniu se laisse retomber contre son coussin, les bras croisés derrière la tête dans une insouciance bien différente de la détresse aperçue tôt dans la matinée. Il ne recevait d’ordre de personne, et surtout pas de lui: il pouvait le forcer à faire les lits et rentrer le linge, mais pas contrôler le reste de ses actions, surtout pas par les mots.
Et vu sa réaction face à ce qui s’était passé, il était clair qu’il n’avait aucune raison de craindre le patrouilleur. Contrairement à d'autres adultes, il venait de gagner l’assurance qu’il ne mettrait jamais volontairement la main sur lui, quoi qu’il fasse.
Il y avait un certain réconfort à trouver dans cette certitude, plus profond que ce qui dansait à la surface, mais il ne voulait pas creuser plus loin, juste profiter de cette étrange sensation au creux de sa poitrine. Ce dont tout enfant a terriblement soif; le sentiment de sécurité.
Oh, il n’a pas besoin de plus. Ni d’excuse, ni de larme, ni d’un quelconque affect.
La blessure de l’humiliation a bien moins de peine à guérir que son pauvre corps, enorgueilli par si peu. “Tu aurais dû.” répète-t-il simplement, la malice ne cherchant plus à se cacher alors que les yeux froids de l’homme reviennent dans les siens. Lui qui se délecte tant de discuter à niveau égal se voit déçu de voir le noiraud se relever si vite, mais l’hésitation dans sa voix, même minime, suffit à mettre du baume sur cette petite contrariété.
Forsaken a beau tout porter sur ses épaules, l’enfant sait qui est réellement responsable, mais il n’a pas besoin de se vanter de sa réussite en se lançant dans un concours d’apitoiement. Oui, la réponse avait quelque peu dépassé ses attentes: tout au plus, il espérait un sursaut, peut-être même un tout petit cri de surprise, et la volte-face n’avait pas été calculée dans le geste, mais le résultat demeurait le même. “Je dois juste apprendre à esquiver.” Sur cette presque promesse de ne jamais, jamais cesser ses enfantillages, Neniu se laisse retomber contre son coussin, les bras croisés derrière la tête dans une insouciance bien différente de la détresse aperçue tôt dans la matinée. Il ne recevait d’ordre de personne, et surtout pas de lui: il pouvait le forcer à faire les lits et rentrer le linge, mais pas contrôler le reste de ses actions, surtout pas par les mots.
Et vu sa réaction face à ce qui s’était passé, il était clair qu’il n’avait aucune raison de craindre le patrouilleur. Contrairement à d'autres adultes, il venait de gagner l’assurance qu’il ne mettrait jamais volontairement la main sur lui, quoi qu’il fasse.
Il y avait un certain réconfort à trouver dans cette certitude, plus profond que ce qui dansait à la surface, mais il ne voulait pas creuser plus loin, juste profiter de cette étrange sensation au creux de sa poitrine. Ce dont tout enfant a terriblement soif; le sentiment de sécurité.
IRL
INRP
STATS
L’agneau et le chien
Avec Neniu
Décidémment, Forsaken ne comprenait pas les enfants.
Et cet enfant en particulier.
Le sourire le dérouta, un peu. Depuis l'intérieur de ses entrailles, alors que de l'extérieur il affichait toujours le même air. S'il était facile de savoir quand une idée germait dans l'esprit de Neniu, il était difficile de savoir à quoi Forsaken pensait. Ou même ressentait.
Le visage éternellement fermé, les bras le long du corps. La raideur dans les épaules et dans toute la posture, droit comme un pillier. Il cachait ses émotions parce qu'il n'était pas « comme ça ». Il était un homme d'esprit, avant d'être un homme de coeur. Il était plus simple d'établir les faits dans de longues listes, que plutôt de ressentir le réel.
Et bien évidemment, le petit jeu de Neniu n'allait pas s'arrêter à cause d'un « simple » coup de poing. Bien sûr qu'il aurait dû ne pas lui interdire de recommencer. Dès qu'il avait prononcé sa phrase, il avait su qu'il avait lancé l'enfant sur un autre jeu. Tenter de le surprendre, tenter d'apprendre à esquiver les coups. Il aurait pu le lui enseigner ; après tout, son père lui avait un jour déclaré que s'il ne voulait pas s'en prendre une, il fallait simplement qu'il arrive à ne pas être touché. À l'extérieur - le sang dans le nez -, comme à l'intérieur - le sang dans le coeur.
Mais Forsaken avait conscience que son enfance ne devait pas être celle des autres.
Alors il préféra ne rien dire, il laissa Neniu à ses réflexions, à se nourrir de ce sentiment étrange. Il ne voulait pas être craint ni être respecté ; il se fichait de ce qu'on pensait de lui.
Mais pas tout le temps.
L'ancien garde-chasse se contenta d'un vague mouvement de tête pour saluer Neniu, avant de s'en retourner à son poste. Il ne mangea pas plus au cours de la journée, il endura la faim comme pour se punir de ce qu'il avait fait. Lui, qui regrettait rarement ses choix qu'il croyait justes et bons.
Pour autant, quand le soir arriva, Forsaken ne parvint pas à dormir. Il resta allongé sur le dos, les mains croisées sur la poitrine, à réfléchir à ce qu'il avait fait. Les yeux fixés sur le plafond, la cicatrice à son oeil qui aurait pu le rendre borgne le grattaient. Il se souvenait encore de la douleur, malgré Espéro et le temps qui s'était écoulé. Il y avait des souvenirs qui restaient gravés dans la peau, comme dans la pierre.
Au bout d'un moment, Forsaken se redressa et il alla s'asseoir au sol. Le dos appuyé contre le lit, un genou plié contre sa poitrine. Dans un soupir, il releva légèrement la tête. Et il se laissa aller à tous ces souvenirs, sans rien exprimer d'autre qu'un regard vide.
Et cet enfant en particulier.
Le sourire le dérouta, un peu. Depuis l'intérieur de ses entrailles, alors que de l'extérieur il affichait toujours le même air. S'il était facile de savoir quand une idée germait dans l'esprit de Neniu, il était difficile de savoir à quoi Forsaken pensait. Ou même ressentait.
Le visage éternellement fermé, les bras le long du corps. La raideur dans les épaules et dans toute la posture, droit comme un pillier. Il cachait ses émotions parce qu'il n'était pas « comme ça ». Il était un homme d'esprit, avant d'être un homme de coeur. Il était plus simple d'établir les faits dans de longues listes, que plutôt de ressentir le réel.
Et bien évidemment, le petit jeu de Neniu n'allait pas s'arrêter à cause d'un « simple » coup de poing. Bien sûr qu'il aurait dû ne pas lui interdire de recommencer. Dès qu'il avait prononcé sa phrase, il avait su qu'il avait lancé l'enfant sur un autre jeu. Tenter de le surprendre, tenter d'apprendre à esquiver les coups. Il aurait pu le lui enseigner ; après tout, son père lui avait un jour déclaré que s'il ne voulait pas s'en prendre une, il fallait simplement qu'il arrive à ne pas être touché. À l'extérieur - le sang dans le nez -, comme à l'intérieur - le sang dans le coeur.
Mais Forsaken avait conscience que son enfance ne devait pas être celle des autres.
Alors il préféra ne rien dire, il laissa Neniu à ses réflexions, à se nourrir de ce sentiment étrange. Il ne voulait pas être craint ni être respecté ; il se fichait de ce qu'on pensait de lui.
Mais pas tout le temps.
L'ancien garde-chasse se contenta d'un vague mouvement de tête pour saluer Neniu, avant de s'en retourner à son poste. Il ne mangea pas plus au cours de la journée, il endura la faim comme pour se punir de ce qu'il avait fait. Lui, qui regrettait rarement ses choix qu'il croyait justes et bons.
Pour autant, quand le soir arriva, Forsaken ne parvint pas à dormir. Il resta allongé sur le dos, les mains croisées sur la poitrine, à réfléchir à ce qu'il avait fait. Les yeux fixés sur le plafond, la cicatrice à son oeil qui aurait pu le rendre borgne le grattaient. Il se souvenait encore de la douleur, malgré Espéro et le temps qui s'était écoulé. Il y avait des souvenirs qui restaient gravés dans la peau, comme dans la pierre.
Au bout d'un moment, Forsaken se redressa et il alla s'asseoir au sol. Le dos appuyé contre le lit, un genou plié contre sa poitrine. Dans un soupir, il releva légèrement la tête. Et il se laissa aller à tous ces souvenirs, sans rien exprimer d'autre qu'un regard vide.
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