Bonvenon al

Le Deal du moment :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : ...
Voir le deal





Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Ven 1 Déc - 22:24
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
A l’insu des adultes supposé veiller, la Kolonio se retrouve une fois de plus infestée; caché sous les tentures de leur forteresse de literie, dans l’une des petites chambres qui l’avait accueilli lors de ses premières années ici avant de le recracher comme une écharde suppurée, il s’est infiltré par les chemins que seuls une poignée de gamin connait. La lampe à huile empruntée au seul endroit qui a voulu de lui donne à leurs ombres menues des dimensions gargantuesque à la hauteur des rumeurs relayées d’un ton réservé au secret.

“Ne l’écoutez pas, c’est un menteur, il n’y a rien dans la forêt.”

Le sourire de l’enfant s’éteint, laissant place à une condescendance froide qui trahit son âge véritable derrière les traits poupins, bien que la sottise infantile ne l’ait jamais quitté, avant de se raviver de plus belle, rictus mesquin plus effrayant que n’importe quelle histoire qu’il aurait pu inventer.

“Si c’est pas vraiment vrai, prouve-le.”

Des histoires de maison hantée, c’est un jeu d’enfant à élaborer. Dans son ennui infini, il avait trouvé la candidate parfaite en arpentant la forêt, ignorant les mises-en-garde des adultes; quelle bête sauvage s’intéresserait à son petit corps maigrelet ? Il y avait des gens plus alléchants dans le village, robuste ou même grassouillet; ronger le peu de chair autours de ses os était une perte de temps manifeste puisqu’il n’en avait jamais croisé, pas d’assez près pour qu’il se dégonfle.
Non, la chose la plus intéressante qui s’était manifestée, c’était cette petite bicoque dépareillée paumée au fin fond de la forêt, faites autant de bois que de brique comme si son architecte avait construit sur le travail d’un autre, sa forme atypique épousant le talus sur lequel ses fondations avait été érigée de sorte que son deuxième étage soit lui aussi au rez: une idée stupide qui l’avait dissuader d’y emménager et qui avait probablement poussé ses propriétaires à l’abandonner.

Et pourtant, cette bicoque avait beau être à un glissement de terrain de s’effondrer, il s’était acoquiné de son parquet en décomposition, allongé des heures durant à l'abri du soleil estival et de sa chaleur étouffante au milieu de la poussière et de l’humidité. Il y avait abandonné plusieurs livres de la bibliothèque sur ses étagères moussue, des trognons de pommes et des miettes de goûter chapardés laissés aux animaux de passages, quelques babioles chipées pour le plaisir de semer la confusion… De minuscule marque de vie dans une maison éventrée qui commençait à lui ressembler, vide à l’exception d’une poignée d’objets oubliés.

Une sorte de jardin secret, en terme plus mièvre.

Alors il fallait garder les petits fouineurs de vouloir l’explorer, inventer un passé sordide aux grandes tâches d’eau assombrissant son parquet là où il ploie sous le poids de la négligence. Noyé, étouffé, découpé, éviscéré, aucun détail n’est jamais épargné, aucune mise à mort hors de sa portée, n’importe quelle porte susceptible de mener sur un cadavre abandonné. Avant que la boue ne s’en charge, Neniu doit ensevelir la maison abandonnée sous les corps pour la cacher, se rendre convaincant même si cela signifie les y amener. Rien ne vaut les histoires de fantômes pour dissuader là où le bon sens qui manque aux enfants de son âge pouvait faillir.

Mais il n’irait pas jusqu’à en créer, pas vrai ?

Pas vrai ?

Il étouffe, ne peut pas respirer, mort asphyxié par le fantôme auquel il essaie d’échapper. Les griffes de la forêt s'agrippent à ses vêtements, arrachent la veste en coton pelucheux de ses épaules pour laisser ses bras à l’assaut de ses branchages acérés. Une racine engloutit une de ses pantoufles, les charnières de la lanterne éteinte grinçant furieusement, secouée par le rythme effréné de ses pas, ses poumons brûlant à sa place. Le chemin qu’il avait si bien mémorisé n’est plus qu’ombre brouillée, si bien qu’il détale à l’aveugle à travers les mâchoires de la forêt, s’en extirpant presque avec surprise lorsqu’il perçoit enfin les lueurs lointaines du village.

La nuit commence à dérouler son drapé sur Espero, baignant le paysage de son manteau outremer bien que le ciel soit encore clair. C’est l’heure où les travailleurs commencent à rentrer, juste avant le repas; l’on s’est peut-être déjà aperçu de sa disparition, et les autres mioches vont certainement cafter, tout le monde saura que c’est lui le responsable, et à ce moment là ils
ils

Ils vont lui faire regretter d’être né.

Ce n’est pas le froid s’engouffrant dans la chemise trop grande qui le fait frissonner; les genoux menaçant de céder, c’est la crise de panique amorcée. Cette terreur est plus ancestrale que toutes les histoires qu’il ait pu raconter: elle empoigne son estomac de sa main glacée et le retourne, tordant ses entrailles, une autopsie sans anesthésie. Elle fouille cruellement au plus profond de lui, sort ce qui se trouve sur son chemin et le jette à même la terre alors qu’il reste figé, incapable de bouger ou de hurler. Elle cherche, cherche où est-ce que ce sentiment peut la mener, se saisit d’une veine et tire, tire pour voir ce qu’elle va ramener à la surface opaque de l’amnésie sans se soucier de tout arracher, fait remonter la bile avec les images sordides réprimées tout au fond de sa pensée.

Tout mais pas ça, pitié.

Il doit le trouver, la seule personne qui pourra l’aider; qui ne lèvera pas la main sur lui, pas une seconde fois, quelle que soit la gravité de ce qu’il a causé, la dernière et étrangement la première à laquelle il a envie de tout avouer. Mais le patrouilleur est partout et nulle part, même à cette heure, il pourrait très bien être dans la forêt, au barrage, au village, lui ne rentre pas pour manger. Alors il se met à prier un Dieu qu’il a oublié, laissant l’air s’engouffrer dans le Nesto et traînant une fois de plus herbe et terre dans l’entrée et les escaliers, sourd aux protestations des témoins de son arrivée, avant d’aller tambouriner à la porte de sa chambre d’une telle force qu’elle semble trembler sous le déluge de petit poing qui seront bientôt marqué comme le reste de sa chair blanche griffée. Il ignore tout des larmes séchées et de la morve maculant son visage rougi par l’effort, n’a même plus assez d’air pour crier son nom et faire autre chose que taper. Derrière lui, les voix tonnent, se rapprochent, exaspérées, comme si elles savaient. C’est bientôt fini ce vacarme, Neniu ? Ça va pas la tête ? Quelle mouche l’a encore piqué ?

Mais il se fiche d’eux et continue à taper jusqu’à ce qu’on lui attrape le poignet.
「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Sam 2 Déc - 22:06

The boy who cried wolf

Avec Neniu


La chambre de Forsaken était à son image.

Un grand vide silencieux, là sans être là, frugal et simple. Le froid régnait sans douceur, à piquer le bout des épaules quand la couverture tombait le matin, emmêlé dans ses jambes. Et s'il avait accepté un lit, il avait peiné à s'habituer au confort du matelas. Au fond, jugeait-il que tout cela le ramollissait. Et il était dans sa chambre, à polir le cuir de ses bottes, à monter et remonter sa carabine pour la décrasser. Il comptait les balles restantes, les mains abîmées par une vie de labeur et de rigueur. La fenêtre ouverte laissait entrer l'air glacial de la nuit, au loin, il percevait les conversations en dessous. Assis sur le bord du matelas, les draps faits et refaits, il attendait l'heure du repas pour conclure sa journée. Une dernière ronde dans le village, à examiner les habitants, à vérifier que tout roule comme dirait les jeunes.

L'homme se frotta les mains, il arracha la corne au niveau de ses paumes, avant d'inspecter son torse à la recherche d'une blessure. Une habitude de l'armée. Sous l'adrénaline, on pouvait avoir une blessure mortelle endormie comme la belle au bois dormantes. Mais qui pouvait vider du sang, encore et encore. Un plic ploc silencieux. Il n'avait qu'un bleu près du nombril, si bien qu'il fronça les sourcils en se demandant où il avait pu le faire. Peut-être en coupant du bois, avec la brouette pleine de bûches qui tapaient contre son ventre dans la petite montée. Ou quand il avait arrêté une bagarre.

Puis dans le silence rassurant de Forsaken, aseptisé comme une chambre d'hôpital, il l'entendit.

Le petit garçon en pleure.

Il resta silencieux quelques secondes ; il avait entendu dire qu'il ne fallait pas toujours répondre aux gamins quand ils pleuraient, afin de ne pas les habituer à ce que les adultes soient à leur service. Toutefois, la voix de Neniu ne le trompait pas. Il était arrivé quelque chose.

Forsaken se releva, il attrapa son débardeur et il héla un « j'arrive », noyé dans le sanglot et dans les voix des adultes. Il rangea sa carabine, il s'assura que le cran de sécurité était en place, puis tout en déroulant son débardeur gris, il se dirigea vers la porte.

Qu'il ouvrit d'un coup, sans être agacé ni touché.

L'adulte derrière Neniu lui avait attrapé le poignée, courroucée, elle avait les cheveux en pagaille et des cernes sous les yeux. Forsaken tira sur le bas de son débardeur durant ce bref moment d'accalmie.

« Je ne voulais pas qu'il vous dérange plu...
— Je m'en occupe, lâcha l'ancien garde-chasse en avisant le petit. Lâchez-le. »

Une fois fait, Forsaken observa la dame retourner à ses occupations d'un pas pressé. Elle jetait des coups d'oeil par-dessus son épaule, avide de commérages ou de critiques. Forsaken retourna son attention sur Neniu. Bon. Pas de blessures visibles. Mais des larmes. Beaucoup de larmes.

« Qu'est-il arrivé ? »



KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Lun 11 Déc - 14:44
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Comme une biche prise dans le piège d’un chasseur, il s’était débattu comme un diable à peine attrapé, refusant de s’expliquer à qui que ce soit d’autre que celui qu’il demandait, ses siclées retentissant entre les murs du Nesto. Il exigeait de le voir sans jamais prononcer son nom, comme si cela risquait de rendre trop réel cette embarrassante vérité.

Il doit pourtant bien y faire face lorsque la porte vole. Lui qui s’époumonait en luttant de toutes ses forces se retrouve subitement sagement muet; les aiguilles désagréables dans sa gorge ne mentent pourtant pas, il est bien doué de parole, mais les seules qui sont échangées sont celles entre les adultes, pas même n’insulte-t-il la femme qui enfin laisse son bras tomber mollement à ses côtés. Les yeux clairs tombent au sol lorsqu’ils croisent ceux de Forsaken, ses muscles se crispent alors que la question tombe, la honte se lançant dans un jeu de tire à la corde avec l’urgence de la situation. Ses joues brûlent et son sang se glace, les courants opposés réveillant la moindre sensation désagréable de son corps: le courant d’air s’échappant de la chambre du patrouilleur refroidissant la sueur collant sa chemise à son dos, le picotement des égratignures parsemant sa peau blanche, le battement désagréable de future cloques là où la pointure mal adaptée de ses chaussures le trahissent, le tiraillement de ses larmes séchées et la trace désagréable du mucus le long de sa lèvre supérieure.
De l’agonie en haute définition.

C’est ce qu’elle doit ressentir, là-dessous.

Neniu chasse l’image qui tente de s’insinuer dans son esprit en plissant les paupières le plus fort possible, secouant la tête malgré lui. “J’ai- Je.” Les cernes du parquet doivent être particulièrement intéressantes vu l’intensité avec laquelle il les fixent, essuyant son nez sans jamais réussir à se débarrasser de l’humidité insupportable, mais même les lignes de vie des arbres abattus pour construire le Nesto semblent avoir soif de vengeance. “Il y a eu un- un accident, dans la forêt.” Pas besoin de dire qui. Ou quoi. Voilà, oui, le garçon peut simplement le lui montrer, désigner de loin le sinistre sans avoir à expliquer pourquoi ou comment ça s’est passé.

Mais cette bécasse, elle, aura tôt fait de couiner, si elle n’est pas déjà-

Nouvelle secousse, mais l’image de la bicoque affaissée reste imprimée même les yeux ouverts. “Vite.” Le couinement s’échappe de dents serrées, la tête baissée, toute couleur drainée de son visage pourtant bouillonnant de gêne face à la petite main qui est venu attraper le bord du débardeur pour tirer dessus.
Suit-moi.
Ne me le fais pas dire.
Vite.

Forsaken était pragmatique, l’enfant savait qu’il ne se régalerait pas à l’idée de le voir le supplier. Ça devrait le soulager de ne pas avoir à se jeter à ses pieds, mais il y a une chose qu’il craint bien plus encore.

Sa méfiance bien placée.

Ce serait mérité, pas vrai ? Après des années de mensonges brodés, plus grands et graves les uns que les autres. Ce n’est même pas la première fois qu’il clame qu’un malheur est arrivé, son jeu d'acteur démoniaque au service du chaos. Mais là, c’était vrai, vraiment vraiment vrai, pas comme la dernière fois où c’était la vérité rien que la vérité, ou celle d’avant où il avait juré, ou la précédente.

Ce qui se voile derrière ses yeux écarquillés s’est bel et bien passé.
「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Lun 11 Déc - 21:26

The boy who cried wolf

Avec Neniu


Beaucoup de larmes, de reniflements, d'émotions. Le garçon semblait s'écrouler émotionnellement sur lui-même, la voix serrée et sa bouille contractée sous les sanglots. Forsaken jeta un oeil à droite, puis à gauche, avant de poser un genou au sol. Ses yeux fixèrent le panel d'émotions de Neniu, soucieux, sans exprimer d'inquiétude. Le petit recevrait l'indifférence coutumière de l'ancien garde-chasse, la même tranquillité froide qui émanait de lui.

« Inspirez et expirez, profondément. Je vous écoute. »

Il n'était pas doué avec les enfants. Il ne comprenait rien à leur langage ni à toutes les idées folles pouvant traverser l'esprit de Neniu. Pourtant Forsaken ne s'impatienta. Il était une pierre, polie par les vents et les eaux, sur lesquelles les larmes du gamin pouvaient couler sans l'émouvoir. Il observait la panique dans ses pupilles, il l'entendait se coincer dans la gorge. Puis les mots arrivèrent, difficilement crachés, et là, il crut comprendre.

Neniu pourrait crier aux loups, un millier de fois sans en voir le bout de la queue, Forsaken continuerait d'accourir. Parce qu'il avait toujours une chance pour que cela devienne vrai. Et avec le temps, il déterminait les bêtises du vrai danger. On était en plein dedans. La forêt, un accident. Un froncement de sourcil de sa part.

« Regardez-moi, lui ordonna-t-il toujours aussi calme. La respiration plus forte, afin de l'inviter à se calquer dessus pour reprendre son souffle. Le cou posé contre son genou, l'Inuit avala sa salive. Patiemment, il reprit : j'ai besoin que vous me décriviez ce qu'il s'est passé, et où cela s'est passé. »

Un accident dans la forêt, cela pouvait signifier plusieurs choses. Soit Neniu avait fourré son nez dans un piège à loups, soit il avait perdu quelque chose là-bas, soit il s'était engouffré avec les autres vers des sentiers interdits. Mais dans tous les cas, Forsaken ne lui enlevait pas son enfance. Il ne lui en voudrait pas de ses erreurs, car il n'était pas un adulte. Juste un môme.

Ce qui l'alertait, c'était l'obscurité. Il fallait se préparer à toutes les éventualités ; le temps, les bêtes sauvages, l'absence de lumière. Forsaken se faisait une liste mentale de ce dont il avait besoin ; sa carabine (éventuellement), une lampe à l'huile, une couverture et des pansements. Un accident, cela impliquait forcément quelqu'un d'autre.

Inspiration. Expiration.

Combien de personnes fallait-il réunir ? Aurait-il seulement le temps ? Non. Ils allaient le ralentir — ils parlaient, lui faisait perdre constamment son temps. Et il ne voulait pas que Neniu devienne leur cible à abattre. Et emporter le gamin avec lui ? Forsaken pensait tout connaître de la forêt. Il pourrait se débrouiller seul, mais il avait besoin d'un guide. Il ne voulait pas non plus l'abandonner dans cet état - c'était la vraie raison.

« Bon. Montrez-moi. »

Lâcha-t-il en se redressant de toute sa hauteur.




KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Lun 18 Déc - 1:41
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Sans concussion, la fierté de l’enfant le rend perméable aux mots qui avaient réussi tant bien que mal à l’extirper de la panique ce matin-là, dans la forêt; elle s’insurge, piquée à vif par ce ton froid qui donne à toute parole des allures d’ordre. Elle décide de bloquer son souffle en protestation avant de réaliser qu’il en a besoin, de respirer; mais ce sera à son rythme, bouffées effrénées afin de résister à la froideur de Forsaken qui tente de s’insinuer  comme la brise à travers sa chemise trouée; mais cela n’aide en rien les angoisses qui s’enflamment avec son pouls et se perdent dans le brouillard induit par son entêtement.

Même à sa hauteur, il ne le laissera pas le traiter comme un bébé; il n’a que besoin de son aide, pas ses conseils, qu’il balaie ce petit accroc sous le tapis et que tout soit oublié.

Mais pour ça, il faut d’abord Avouer.

Cette fois, la culpabilité lui saisit le menton et force sa tête à se relever lorsque l’ordre tombe, plie cette stupide fierté à sa volonté et l’oblige à l’affronter. Il ne veut l’admettre, mais constater que l’expression du patrouilleur n’a pas réellement changé insuffle juste assez de soulagement pour enfin freiner sa respiration affolée, bien que toujours décalée par rapport à celle de l’adulte en face de lui. Un ange passe, chaque seconde une attente interminable, avant que la question ne lui tombe sur la gorge, l’hyperventilation reprenant de plus belle alors que le coupable trébuche sur ses mots. “Je- c’est- l-la-” Ses yeux fuient derrière ses paupières, l’inconfort à des kilomètres alors que l’angoisse enveloppe son corps endoloris d’un engourdissement que trop familier; il sent à peine ses doigts dont les phalanges sont pourtant blanchie à serrer si étroitement le tissus de son bas de pyjama. S’il tourne de l'œil maintenant, sera-t-il exempt du verdict ? La pitié inspirée par son pauvre corps frêle sera-t-elle suffisante contre la voix des enfants de la Kolonio ?

Une gamine piégée sous les décombres est-elle réellement là si personne n’est là pour la découvrir ?

(sa conscience pourrait-elle supporter un tel poids sans amnésie pour l’alléger ?)

“Je… Je me promenais, je suis juste allé voir- quand j-j’ai entendu un b-bruit.” Ses lèvres brodent plus vite que sa pensée, mensonge compulsif précipité par la certitude qu’il ne pourrait pas le supporter; que quoi que soit la faute qui se cache derrière son passé, celle-ci se manifestera, revenue d’entre les morts, s’il est incapable de guider Forsaken jusqu’à elle. “C-c’est une vieille baraque- l-le terrain a dû glisser, elle- elle s’est affaissée dès que ça a bougé-” La moindre contradiction dans ce témoignage bidon lui fait l’effet d’une lancée, les yeux cherchant à se poser partout sauf sur son aîné. C’est sans doute la pire performance de sa vie, mais elle détient au moins quelque bribes de vérité: la forme importe peu, il essaierait de se rattraper lorsque le patrouilleur l’aura sorti de ses emmerdes. “Y’avait quelqu’un dedans- j’en suis sûr !”

Ça l’avait toujours bien fait marrer de faire courir les adultes de tous les côtés et à ce jour il n’y avait plus que Forsaken pour toujours l’écouter; à un tel point que cela en était presque devenu ennuyant, l’incitant à commencer le nouveau jeu qui lui avait valu de voir des étoiles. Mais l’homme demeure immobile, son visage opaque à ce qui peut bien se passer derrière les yeux sombres qu’il ne croise que par nervosité exacerbée par ce silence. Chaque seconde désaccorde leurs souffles davantage, celui de l’enfant repartant dans une nouvelle spirale d'anxiété. A-t-il tout salopé en essayant d’obscurcir une partie de la vérité ? Est-ce juste une tactique pour le pousser à se mettre à genoux et tout avouer ? Et s’il le fait, ça réussira vraiment à le convaincre ou est-ce qu’il l’enverra bouler ?

Si ça arrive, qu’est-ce qu’il fera ?

Mais Neniu n’a pas besoin de se soucier de cette éventualité, libéré de l’incertitude lorsque son aîné brise son mutisme. L’élan de chaleur qui décrispe ses muscles est tel qu’elle réveille l’impulsion enfantine de se jeter dans les bras de son protecteur, de justesse réduit en un sourire tremblant par le dernier fil de sa fierté. Il sent pourtant les larmes remonter, les écrase entre ses cils avant de se détourner de cet homme trop idiot pour écouter la raison à laquelle tout le monde s’est plié: que rien qui ne sort de la bouche de Neniu ne peut être vrai, qu’il se plaît à les ridiculiser et se fiche du danger que ses mensonges peuvent causer.

Tout ça n’a aucune importance, parce qu’il lui donne le bénéfice du doute malgré tout.

En un éclaire, l’enfant est prêt: il n’a qu’à attraper sa lampe abandonnée et dévaler les escaliers, ses doigts vifs trouvant rapidement des allumettes dans les tiroirs qu’il tire presque à les sortir du buffet, laissant une traînée de protestation sur son chemin alors qu’il empoigne déjà un manteau au hasard à l’entrée. Il saute presque sur place en attendant que son aîné ne le rejoigne. “Je sais exactement où c’est !” Le bégaiement s’est volatilisé bien que sa gorge soit encore nouée par les émotions contrariantes qui refusent de s’en aller même en essuyant ses larmes. Il en tremble -d’excitation, de peur-, une allumette tressautant sur le grattoir. Ce contre-temps profite à la vieille bique qui l’avait attrapé plus tôt, prompt à s'interposer. “Vraiment, vous le suivez ? Vous savez qu’il ne raconte que des âneries. Regardez, il peut à peine cacher sa joie !” Les doigts moites et engourdis de l'enfant peinent à tenir fermement l’allumette entre leur pulpe rougie. “Venez plutôt souper.” La femme soupir alors que le bâtonnet se brise, son extrémité soufrée lui giclant presque à la figure qu'un écho à sa propre patience. “Et toi arrête de jouer avec ça, tu serais foutu de tout brûler.”

Si elle arrive à lui prendre les allumettes des mains, l’enfant ne se laisse pas attraper une seconde fois, sortant tête baissée du Nesto pour s’engouffrer loin de la lumière du foyer où tout le monde se prépare à manger. Il ne se retourne même pas pour vérifier que Forsaken suive -n’ose pas, de peur de trouver sa silhouette sur le pas de la porte, immobile.

Il ne s’arrête de courir qu’à l’orée de la forêt, l’abysse impénétrable le narguant lui et sa lanterne inutile maintenant que le ciel s’est paré d’un bleu roi profond, le mince croissant de lune impuissant face aux ténèbres.
Soudainement, les créatures dont il se moque la journée semblent le guetter des fourrées. Rabattre la grande capuche du manteau subtilisé ne suffit pas à chasser les frissons qui lui mordent la nuque ou à le camoufler des prédateurs chimériques manifestés par l’angoisse; elle ne lui donne que l'impression de se rendre plus alléchant, empruntant les traits d’un personnage dont il ne se souvient ni du nom, ni de l’origine, que des couleurs délavées des illustrations dont la douceur jurait avec le sort qui l’attendait au terme de son périple dans la forêt.

Être dévoré, c’était pire ou mieux que de se faire châtier ?

「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Mar 19 Déc - 10:25

The boy who cried wolf

Avec Neniu


Forsaken voyait que ses efforts ne menaient pas forcément à quelque chose. Ou bien, Neniu était dans un tel état de détresse qu'il n'employait pas la bonne solution. Pourtant, entre les mots hachés dans la gorge, entre les reniflements, il vit le mensonge et le danger. Ses yeux se plissèrent, sans qu'un mot ne sorte entre ses lèvres. Il se redressa alors, en sentant ses genoux craqués. Il avisa sa chambre, puis il se détourna pour attraper son sac. Il y fourra une couverture, une gourde, il ouvrit un tiroir pour y attraper des compresses. De quoi prodiguer des soins au cas où. Il entendait les pas de Neniu s'éloigner, alors il enfila sa veste. Un oeil vers sa carabine, une hésitation ; la forêt et ses bêtes sauvages. Elle était en danger. Si elle avait survécu, si elle était blessée, le sang allait les attirer.

Forsaken détestait abattre des animaux.

Alors il attrapa sa carabine, il mit son sac sur le dos et il descendit en trombe. Il s'arrêta devant la scène étrange du petit garçon et de la vieille dame. Blasé. Mais quand Neniu parvint à se défaire de son étreinte, et qu'elle l'accusa de l'écouter — encore une fois —, il se contenta de passer devant elle. Il ouvrit un autre tiroir pour prendre des allumettes, lui tirant une expression agacée, un soupir. Et avant de sortir, Forsaken lui lâcha :

« Si nous ne sommes pas revenues dans trois heures, envoyez une battue. »

Puis il ne prit pas la peine de répondre à ses questions, ou même de la rassurer. Il accélérait le pas en l'entendant le traiter de fou, tandis qu'il réfléchissait. Si la maison s'était écroulée, la fille était probablement morte. Si elle avait survécu, elle allait finir dévorée vivante. De plus, il n'était pas seul ; il devait veiller sur le gamin. Si Neniu n'en faisait qu'à sa tête, il aurait deux corps d'enfants sur les bras. Alors il inspira, il posa la main sur son épaule pour lui désigner la lampe.

Forsaken fit craquer une allumette.

« Il va bientôt faire complètement noir, l'informa-t-il. Il sera difficile de se repérer, ajouta-t-il même si c'était évident. Je vous demande de rester près de moi. Pause, Forsaken regarda autour de lui. Je ne veux pas que vous vous perdiez. Il y a des bêtes sauvages. Peut-être que ce point aurait pu être éludé, mais il ne faisait pas de cadeaux. Il voulait que Neniu sache et ait pleinement conscience de la situation. Forsaken inspira, son souffle se bloqua dans sa poitrine. Puis il accéléra le pas. Il termina d'un : tout ira bien. »

Une promesse, formulée dans le silence perturbé de la forêt. Entre les arbres et les feuilles, entre la terre et les cailloux. Lui, il tendait déjà l'oreille. La lanterne éclairait son visage froid, les flocons de neige qui auréolaient naturellement le visage du petit garçon.

Tout ira bien.

Ce n'était pas son genre de faire des promesses ; la nature du verbe était le mensonge. Pourtant, il était un homme de parole. Il ferait en sorte que tout aille bien. Pour les gamins. Mais aussi pour lui. S'il n'avait pas ou peu d'émotions, enterrer des enfants ne faisait pas partie de ses plaisirs secrets. Pourtant, il savait que tout reposait sur lui ; Forsaken était habitué à porter les mauvaises nouvelles. Alors il écoutait, le bruissement du vent à travers le feuillage, le son de leurs pas sur le sol, et le grincement de la lanterne devant eux. Ses yeux chassaient les bêtes à travers les sentiers, fouillaient le moindre indice à leurs portées. À cet instant, il était plus chasseur que sauveur.


KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Ven 29 Déc - 16:22
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Le crissement du sol gelé derrière lui éloigne un tantinet les créatures chimériques tapies dans l’ombre; pourtant Neniu sursaute au contacte de la main sur son épaule, proximité inattendue, retenue silencieusement commandée. Ça n’a rien d’inhabituel avec le comportement usuel son aîné, toujours si avare avec ses mots, toute salive économisée d’un regard ou d’un geste bonne à prendre; c’est le réconfort étrange qui semble en émaner même une fois la main enlevé qui le désempare, cette sensation auquelle la douce lumière de la flamme produite par le patrouilleur fait écho.
Sa lampe inerte retrouve son éclat et sa douce chaleur desserre un à un l’emprise de l’angoisse sur sa petite gorge, laissant l’agacement s’insinuer un temps soit peu alors qu’il n’a rien à admettre; Forsaken n’a pas d’intérêt pour l’humiliation, ne se rend sans doute même pas compte de l’apaisement dont il est responsable, le regard rivé sur l’objectif, mais ça ne l’empêche pas de le ressentir, de vouloir se rebeller contre ce qui semble avoir été conditionné au fin fond de lui. “Je sais, je sais…” marmonne-t-il entre ses dents face aux mises en garde qui pourtant méritent d’être répétées puisque cette situation ne serait jamais arrivée s’il les avait respectées; ou s’il avait eu la présence d’esprit de les enfoncer dans le crâne de ses cadets, histoire d’être le seul à se mettre en danger.

… Ça aurait sans doute été autant efficace que ses histoires à dormir debout, pas vrai ?

Son cœur se serre, tait ses grommellements insolents. Ce poids sur sa poitrine, sur sa conscience, il le déteste plus encore que ces sentiments frivoles. Il en envierait presque la froideur de l’homme à ses côtés si celle-ci ne le rendait pas si ennuyeux. Non, Neniu ne voudrait se débarrasser que de la culpabilité et de ces attachements traîtres qui ne font que l’entraver, garder tout le reste pour pleinement profiter des plaisirs terrestres sans se soucier de la société. Mais quoi qu’il ait pu lui arriver avant sa venue à Espéro et contre tout ce que la plupart des villageois semblaient penser, il n’était pas aussi monstrueux; il y avait une faille dans la désocialisation évidente dont il souffrait qui n’avait pas prévu qu’en absence d’affection, le substitut le plus proche ferait l’affaire, la remplacerait comme elle pouvait.

Protection, fiabilité, il pensait que cette faiblesse pour ces traits avait été sortie de son système parce qui le hantait, mais il avait découvert la variable qui le trahirait:
quelqu’un qui ne pourrait pas le frapper.

Même pas besoin de promesse niaise.

La bouche entre-ouverte, le garçon ne trouve pas d’autre mot, finit par acquiescer, bêtement, inutilement.

Tout ira bien. Vraiment ?
Même s’il se retrouve responsable de la mort de quelqu’un ?
Est-ce que Forsaken le protègera, ou est-ce qu’il se liguera contre lui afin qu’il reçoive une punition adaptée à la gravité de ses actions ? Il y a quelques mois, il n’aurait pas douté une seconde de la réponse; pourquoi un type comme lui chercherait à le soustraire à la justice qui l’obsède tant ? C’est une évidence à laquelle il ne peut échapper, même là, mais un doute -non, un espoir l’empêche de répondre avec certitude.

Un espoir stupide, le genre qui invite d’ores et déjà la déception.

La peur à fait ressurgir des pulsions primaires, rend désirable le doux piège de la sûreté. S’il peut s’enfoncer dans la forêt sans craindre les prédateurs grâce à son aîné, il ne peut pas se reposer sur ses lauriers: Forsaken n’est pas son allié, encore moins son ami. Il ne se fiche que de son bien être parce qu’il veut que tout reste bien rangé.
Son pied bute dans une racine sans tout à fait le faire trébucher, rejoint la douleur dans sa poitrine serrée. Une expiration tremblante, il lève le pied plus haut pour continuer, un reniflement mouillé. C’est le froid, celui qui mord le bout de son nez, le froid et rien d’autre, même alors que le forêt se tait pour mieux écouter. Il n’y a que le craquement des brindilles sous leurs semelles, le grincement de la lampe, la respiration laborieuse de ceux qui marchent à bon pas, prudence rapide, et l'occasionnel bruissement d’un quelconque petit animal fuyant en les entendant.

Rien d’autre.

C’est pour ça que sa voix grêle ne craque pas quand il aperçoit l’affaissement recouvert d’une fine pellicule de neige contre le talus et lorsqu’il annonce “C’est là.” en pointant du doigt. C’est pour ça que son énième inspiration ne reste pas coincée dans sa gorge dans un petit couinement. Et c’est pour ça qu’il n’a aucune rancœur pour la petite fille piégée sous les ruines de son jardin secret; que constater que la bicoque ne s’est pas davantage écroulée ne réveille pas une pointe de déception, comme s’il voulait rejeter toute la faute sur le scepticisme de sa camarade pour s’en dédouaner. Ce serait absurde, tout aussi absurde que de pleurer à la simple idée de ne pas être défendu d’une faute dont il est bel et bien responsable par quelqu’un qui n’a d’affection pour personne.
L’enfant cache son visage dans la manche de son manteau, frottant ses joues humides. “Elle était au premier quand c’est arrivé.” Avant que la structure du haut ne vacille et ne s’écroule sur elle-même tel un château de carte, la terre déplacée et les arbres déracinés emportant l’arrière de la façade; mais le mur de brique qu’il pointe n’a presque pas bougé, sa fenêtre aux volets arrachés un point d’accès. C’est qu’il y a peut-être un espoir qu’il n’est pas complètement merdé, que les décombres aient été arrêtés avant de l’écraser.

Mais c’est pas qu’elle soit sauve qui lui importe.


「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Lun 1 Jan - 17:52

The boy who cried wolf

Avec Neniu


Il y avait le froid et l'humidité qu'il sentait raidir ses doigts, il y avait le silence solennel entre l'enfant et lui qu'il appréciait. Dans le non-bruit, il était impossible que Forsaken soit prît par surprise — si ce n'était cet instant de relâchement, et le poing dans la figure lancé dans le nez de Neniu. Ses yeux louvoyaient entre le chemin devant eux et les fourrées, cherchant la présence des bêtes sauvages, précisant les vols des oiseaux entre les branches. Sous sa semelle, la terre était un peu moite et glissante ; du verglas naissant dès le petit matin songea-t-il.

La lanterne formait une auréole de lumière, une sphère dans les ténèbres, éclairant les ombres et les arbres. La masure abandonnée finit par se distinguer dans le paysage. Aussi silencieuse qu'un cimetière un soir d'été. Forsaken plissa le regard, les épaules tendues et ferme, il écouta d'une oreille les explications du petit garçon. Un genre d'excuse, une information relative. Quand c'est arrivé. Premier étage. Avec la moiteur de l'atmosphère, le froid, elle aurait pu finir la tête première en bas songeait-il. L'ancien garde-chasse se préparait au pire ; il s'imaginait ramener le corps sans vie d'une enfant dans le village. Quoiqu'il ne savait pas vraiment si on mourrait par ici.

« Très bien. »

Forsaken s'avança, concentré un maximum pour faire le tour de la maison. Il nota où il y avait un éboulement, la taille des pierres et des charpentes éventrées le centre du foyer, des traces de sang ou de patte dans le sol. La fenêtre aux volets arrachés, les autres entrées possibles — si elle était en vie, il fallait toujours la ramener. Morte aussi, notons-le. Restait un autre point : Neniu. Il devait continuer à le surveiller. Forsaken soupira et retourna vers la fenêtre.

Tout en parlant, Forsaken déposa sa lanterne à terre, et se défit de son sac.

»Je vais devoir grimper, l'informa-t-il en défaisant la ceinture de son vieux pantalon cargo. Je vais avoir besoin de vous, lâcha-t-il en attrapant la lanterne, même si cela n'était pas tout à fait vrai. Faîtes-le tour de la maison, je n'ai pas trouvé d'entrée, peut-être que vous aurez plus de chance. Forsaken passa le bout de la ceinture à travers la hanse de la lanterne, et il la reboucla. Attention, ne vous mettez pas en danger. Dîtes-moi ce que vous voyez. Il avala sa salive, puis il regarda autour d'eux. Il désigna l'endroit où ils se trouvaient. Au moindre problème, faites-le-moi savoir et retournez ici. Il leva la tête en direction de la fenêtre. Il pourrait toujours descendre, ou sauter — se blesser n'était pas une option. Vous ne m'avez pas donné son nom. «

La lanterne accrochée à sa ceinture lui permettait d'avoir les mains libres. Forsaken roula des épaules, estimant la hauteur du mur ; il hésita un instant. Dans son sac, il avait de quoi prodiguer les premiers secours, mais il se voyait déjà redescendre avec une gamine dans les bras. Il tâta les pierres avec ses paumes, les yeux plissés sur les divers points d'accroche. Il pourrait grimper, revenir avec elle, c'était moins sûr. Soit Neniu trouvait une autre sortie, soit il devrait improviser.

L'homme gonfla la poitrine, puis en tendant son bras en entier, il s'agrippa à une vieille pierre pleine de mousse. Avant de grimper, il fit à Neniu de son habituel ton impassible :

« Vous ne m'avez pas dit qui c'était. »


KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Mer 10 Jan - 16:25
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Le froid mordant embrasse ses joues humides, souffle là où son aîné lui accorde la grâce de l’ignorer. Ils ne sont arrêtés que depuis un instant et pourtant toute chaleur semble avoir quitté le petit corps emballé dans le grand manteau qu’il resserre autour de lui. Forsaken observe, contourne ce qui, un jour, avait été son petit havre de paix; regarder l’inspection titille une gêne toute particulière, comme si l’adulte examinait consciencieusement les pages de son journal intime sans qu’il puisse riposter.

La violation de son sanctuaire.

C’est sans doute ça, sa punition. Tout ça car ces morveux de la Kolonio flirtaient avec l’idée d’aller explorer la maison abandonnée dans la forêt. Il enfonce son nez dans le col du manteau, son souffle chaud faisant perler la condensation sur ses cils pâles alors qu’il acquiesce silencieusement les instructions qu’il n’écoute que d’une oreille. La structure de la bicoque n’a plus de secret pour lui, il peut l’imaginer dans sa tête telle une maison de poupée, se rappeler de ses recoins et de ses accès; maintenant, il n’a qu’à la briser et essayer d’imaginer quelles issues sont encore susceptible d’être accessible.

Et détruire, c’est sa spécialité.

Son propre mutisme ne l’avait pas frappé, pas avant que le geste du patrouilleur ne le rappelle à l’ordre, sa question restant sans réponse un instant. Cette petite peste…  “Agate.”  cède-t-il enfin entre ses dents serrées, ultime admission de son implication dans cet accident.  “Elle se fait appeler Agate.”

Fait.
Faisait.
Qu’importe.

(la brise n’est pas responsable du frisson qui remonte le long de son échine)

Son aîné escalade prudemment, une tâche sombre sur la fine pellicule de neige recouvrant les décombres. L’enfant ne reste pas observateur longtemps, agacé par son cœur serré. Comme demandé, il fait le tour de ce qui reste de la maisonnée, salissant les manches trop longues du manteau emprunté en montant sur les troncs affalés sur son chemin le long du talus. Sans trop de surprise, plusieurs des issues par lesquelles il était habitué à venir et aller sont obstruées, que ce soit de l’extérieur où l’intérieur, là où les murs se sont affaissés et les quelque meubles renversés. Il peine à s’imaginer se faufiler entre les décombres, et même s’il y arrivait, un homme adulte comme Forsaken n’aurait aucune chance de réussir à passer, encore moins les bras encombrés.

Neniu se laisse glisser en bas du talus, comme il l’a tant fait quand l’hiver recouvre Espéro de son manteau blanc; mais le sol est plus terre remuée et verglas, laissant une traînée de boue sur son dos qu’il n’essaie même pas d’essuyer. La seule entrée qu’il peut imaginer encore accessible n’est pas visible; c’est lui-même qui l’a cachée. Celle par laquelle il s’imaginait se glisser pour surprendre la sceptique, protégée de la plupart des débris par la structure bétonnée au pied de la maison. Il dégage la terre humide du bout de sa pantoufle restante, le fond de tiroir pourri qu’il avait posé sur le soupirail le saluant; il n’a pas besoin de gratter le sol meuble longtemps avant de réussir à le dégager de là, le trou béant vers les ténèbres le saluant, juste assez grand pour un enfant.

Ce n’est pas le seul endroit qu’il ait obstrué dans la maison, par précaution. Forsaken n’a aucune chance de trouver une issue depuis le premier.

Enfin, il connaissait cet endroit comme sa poche, donc est-ce que c’était vraiment se mettre en danger ?
Et puis, depuis quand obéissait-il à qui que ce soit ?

Chaperon rouge se fait lapin blanc et se glisse dans son terrier, retombe sur ses petites pattes d’un geste habitué. La cave de fortune semble encore plus silencieuse qu’à son habitude, la moindre âme chassée par le glissement de terrain, mais ses arches de pierres sèches ne semblent pas avoir bougé d’un millimètre, solidement ancrées. Il passe sa main sous l’établi de fortune, enfonçant l’entièreté de son bras en cherchant, à l’aveugle, la poignée de porte qu’il avait subtilisée, rendant la pièce impossible d’accès. Sa lanterne jette de grandes ombres sur son passage alors qu’il gravit ce qui reste des escaliers moisis pour aller remettre la poignée à sa place.

Le rez le salue. Alien et familier. La bicoque a toujours été changeante; une fenêtre défoncée par un animal paniqué, de la mousse se mettant à pousser lorsque les beaux jours revenaient, une étagère qui lâchait, mais le trou béant dans le plancher est un tout autre phénomène, un abyss le défiant de le regarder.  “Forsaken ?”  Sa voix aiguë ne résonne plus, la structure irréparablement déformée, mais elle porte à travers les trous et le vieux plancher.  “T’as réussi à entrer ?”  Le poids de ce qui a fait céder les murs du premier semble peser lourdement sur le cadre de la porte du rez; ils ne pourront pas passer par là au risque de faire s’effondrer le plafond. A pas de chat, l’enfant contourne la fosse, jetant un coup d'œil à ce que sa lanterne révèle; le sol ne semble pas bien bas, mais l’obscurité continue bien au-delà, comme une ouverture dans l’une des artères de la terre. Ce n’est pas la cave, il l’aurait remarqué, et puis il ne verrait que son plafond voûté. Il s’en désintéresse, un instant, arrêté au pied de l’escalier menant au premier, les dernières marches poudrées là où le plafond a été transpercé, une branche menaçante choyant sur le sol tel un bras amputé.

Il la revoit, s’affaisser.
Ferme les yeux. Secoue la tête.
Pose un pied gelé sur les marches grinçantes qu’il monte presque à quatre pattes jusqu’au couloir connectant le premier et le rez, rendu encore plus exigu par la poutre affaissée mais sous laquelle il arrive à passer sans se courber. La boue et les gravats ont dégueulé sur le vieux plancher, empêchant la chaise qu’il avait mise contre la poignée de glisser, ce qui ne serait pas un si grand problème si elle ne se trouvait pas derrière l’endroit où Forsaken se trouvait.  “La porte est pas condamnée, il faut juste que je réussisse à la décoincer-”  Tirer de toutes ses forces, étant donné que cela ne revient pas à grand chose, serait totalement futil, alors il n’a pas trop de choix que de se remettre à creuser la terre remuée jusqu’à ce que les pieds soient libres. Mais malgré l’excavation, le silence fait ressortir le moindre grincement de la charpente hasardeusement enfoncé au-dessus de lui, le force à le meubler pour ne pas laisser la nervosité paralyser ses doigts glacés.  “Tu l’as trouvée ? Elle…”  Il vaut mieux taire la question, ne surtout pas soulever cette possibilité qui pèse sur ses épaules comme les arbres tombés sur le toit éventré, menaçant de s’effondrer d’avantage.

L’un des pieds bouge enfin, lui fait redoubler d’effort et ignorer la douleur latente sous ses ongles usés.  “Ça y’est- j’y suis presque-”  Il tire dessus de tout son poids et enfin, la chaise glisse et libère la poignée, son dos heurtant la poutre affalée dont la protestation lui glace le sang.

Mais seule la quiétude de la nuit lui répond, ce qui reste de toit demeurant immobile au-dessus de sa tête.
「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Ven 12 Jan - 10:55

The boy who cried wolf

Avec Neniu


Un simple hochement de la tête. Agate. Puis Forsaken accrocha ses doigts sur la pierre, il se hissa en haut. Le froid faisait grincer ses articulations, la lampe torche se balançait contre sa hanche. En vérité, plus il escaladait la façade de la maison, moins il savait ce qu'il faisait exactement. Il se disait qu'il trouverait une solution une fois la gamine retrouvée, tout en espérant que Neniu ne ferait rien de dangereux. Il préférait imaginer le pire ; un corps dans les bras, et l'autre petit garçon blessé à faire ses bêtises coutumières. Malgré les larmes, il restait une tête de mule.

Forsaken se redressa une fois tout en haut, le souffle court, et le coeur battant plus vite sous l'effort. Il se retourna pour observer la distance le séparant du sol et de l'étage, trois mètres environs si ce n'était plus. Puis il balaya d'un regard les décombres. Dans l'obscurité, il confondait les poutres et les meubles avachis avec la silhouette d'une enfant. Il écouta le silence, si ce n'était le hululement lointain d'une chouette, le battement de ses ailes, les feuilles pliées sous la brise.

Bon.

Forsaken marcha, les sens en alertes, tendant l'oreille au moindre bruit étrange. Le plancher grinça sous le poids de ses bottes, l'humidité rongeait le bois et une fine couche de verglas le rendait glissant. Il avança en décrochant sa lanterne de sa ceinture, tendant le bras devant lui à la recherche de la gamine. Un bout d'arbre avait épousé la façade est de la maison, éventrant la fenêtre. Il marcha sur le verre, avant de le jeter sur le côté avec le bout de son pied. Puis avec un soupir frustré, Forsaken héla :

« Agate ? »

Sa voix ne fut pas assez forte pour rompre le silence. Elle était rauque, trop douce ; si Forsaken ne murmurait pas vraiment, il parlait toujours tout bas. Quand il parlait. Il lui arrivait parfois de garder le silence pendant des jours, ne répondant que par des regards aux questions et s'aventurant dans la forêt pour effectuer ses rondes. Dans tous les cas, il prit sur lui pour appeler la gamine. Sa voix ricocha contre les murs de la masure, avant de s'enfouir dans le silence. Ce qu'il espérait, c'était de ne pas marcher dans un trou, ne pas sentir le plancher s'affaisser sous son poids. À s'aventurer seul avec Neniu alors que la nuit avançait, il avait bien conscience de sa connerie.

Mais Forsaken estimait n'avoir besoin de personnes.

C'était le village qui avait besoin de lui, et non l'inverse. Il pourrait donner sa vie pour les autres, sans attendre un remerciement. Il pourrait observer son nom être jeté dans la boue sous la colère que sa froideur et sa rudesse déclenchaient, sans pour autant leur en vouloir. Peut-être avait-il l'habitude d'être détesté et méprisé pour ses origines, le résultat restait le même ; il se fichait bien de l'opinion des autres. Là, tout ce qui lui importait, c'était leur sécurité à tous.

Une voix se mélangea à ses appels. Forsaken fronça les sourcils, reconnaissant celle de Neniu. Il répondit un « oui », pas suffisamment fort pour être entendu. Il écouta le petit garçon, estimant l'endroit où il se dirigeait. Puis quand il crut comprendre son entreprise, il soupira :

« Faites attention ! »

Forsaken se concentra alors, la poussière de la maison et le froid emplirent ses narines. Puis il continua son expédition. Il changea de pièce, il trouva le couloir et l'escalier où il entendait Neniu bougeait. Le bordel que le petit garçon produisait l'alerta, il alla passer à l'autre pièce quand il crut l'entendre tomber. Forsaken s'arrêta nette, avant de se diriger de l'autre côté de la porte. Il ne savait pas exactement ce que l'autre faisait, mais il tenta de l'ouvrir en grande trombe. Avec le froid et l'humidité, elle s'ouvrit à peine. Forsaken serra les dents, il posa la lanterne, avant de recommencer.

« Ne bougez pas. J'arrive. »

Une deuxième tentative, et la porte bougea un peu plus. Ses doigts glissèrent sur la poignée, si bien qu'il changea de plan. Il les accrocha dans la faible ouverture, puis il tira la porte de toutes ses forces. Suffisamment pour laisser passer un enfant. Quand il lâcha, il sentit le bois râper contre sa peau. Il retint un gémissement de douleur, tandis qu'il considérait l'écharge s'enfoncer dans son index.

« Comment êtes-vous arrivé ici ? »

Puis sans attendre de réponse, l'homme se détourna pour reprendre son expédition. Il ramassa la lanterne en faisant signe à Neniu de le suivre. Il agita la main pour chasser la douleur dans son doigt, puis il retourna dans la pièce abandonnée quelques minutes plus tôt. On aurait dit un vieux bureau, avec une poutre effondrée en plein milieu. Et sous elle, avec un simple petit pull rouge pour la protéger du froid, la gamine. Forsaken s'arrêta nette, puis il considéra la situation de loin. La poutre, le corps de la fillette à moitié caché sous son poids.

« Attendez. »

Un ordre monocorde prononcé entre ses lèvres à l'intention de Neniu. Forsaken avança avec précaution, les muscles tendus, jusqu'à s'agenouiller près d'elle. Il vérifia son pouls, ses blessures ; elle semblait presque paisible.

« Elle est vivante, lâcha-t-il à l'intention de Neniu. Elle semble s'être évanouie à cause de la douleur. Pause. Avez-vous trouvé une sortie ? »

Forsaken déposa la lanterne, il se défit de son sac et de sa veste.


KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Lun 29 Jan - 17:33
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
La voix du patrouilleur se confond avec le vent, soupir lointain lui donnant l’impression de converser avec lui-même; l’enfant aurait honte de l’admettre, mais ce ne serait pas la première fois en ces lieux. Pas qu’il soit fou, bien sûr ! Il s’est maintes fois affranchi de cette accusation imaginaire en prétextant qu’il n’avait pas le choix puisque personne au village n’était suffisamment intéressant pour tenir une conversation.

Triste excuse de celui qui n’a pas d’ami.

Mais il n’est pas seul ici ce soir, et si Forsaken ne l’aide pas vraiment à combler le silence angoissant, il apparaît bien dans l'entrebâillement de la porte, à peine, avant que leurs efforts joint ne réussissent à arriver à bout de sa barricade improvisée; au moins tout juste pour que le garçon puisse s’y faufiler. “Qui sait.”  L'impertinence sauvera sa fierté froissée d’être si soulagé de le retrouver. De toute manière, le noiraud ne s’attarde pas en retrouvaille émouvante, tournant presque immédiatement les talons et le forçant à faire de grandes foulées pour le rattraper, alors pourquoi s'encombrer d'une vraie réponse ?
Ses pas se figent néanmoins à l’entrée du bureau.

Toute la bicoque avait toujours été en piteuse état; même ici, les tuiles arrachées laissaient déjà percer la lumière du soleil avant le glissement de terrain, révélant la poussière et le pollen dansant dans la pièce jusqu’au tapis de mousse rongeant celui déjà présent. Mais là où même le trou béant du vestibule l’avait plus intrigué qu’autre chose, le spectacle de sa pièce préférée éventrée lui coupe le souffle, blessé comme si c’est lui qui avait été transpercé par la poutre affalée. Un pincement dans sa poitrine remonte jusque dans sa gorge, fait piquer désagréablement ses yeux. L’homme n’a même pas besoin de lui donner d’ordre; celui-ci réussit au moins à lui rappeler la raison de leur venue ici.

Terrible Neniu ne ressent pas bien plus de soulagement lorsque le verdicte tombe, accusé désintéressé par l’issue du procès puisqu’il semble réaliser, enfin, qu’il n’y a plus nulle part où retourner. Il semblerait que même si les villageois ne l’exileraient pas pour avoir précipité la mort d’Agate, il avait été d’ores et déjà puni, même si la maison se serait effondré qu’ils soient sagement restés au village ou non. “Il y a l’air d’y avoir une galerie sous le plancher du premier.”  Son ton monocorde pourrait presque rivaliser avec celui de son aîné s’il n’était pas teinté d’une tristesse irritée. Ça le fâche que les émotions pointent ainsi, trop souvent à son goût dès que l’homme est impliqué. “Elle est pas rattachée à la cave, alors elle doit forcément déboucher dehors.”  Haussement d’épaule. “Ou sur un cul-de-sac. Qui sait.”  Il s’approche enfin, précautionneusement, pour regarder par-dessus l’épaule du patrouilleur. Puisqu’il a été assuré que la gamine est en vie, il ne craint plus trop de la regarder, même si son teint pâle le fait frissonner. “Je vois pas trop d'autres options.”  Aucun moyen de remonter par le soupirail, la pente est trop lisse et escarpée. L’idée d’explorer un tunnel abandonné n’est pas pour lui déplaire, alors P^plutôt que de se faire du mouron, il préfère continuer d’observer son aîné, gravitant à distance raisonnable, toujours penché sur la pointe des pieds.  “Tu vas réussir à la dégager ?”  Fausse curiosité pour tenter de chasser la morosité, penser à tout sauf les livres renversés qu’il reconnaît. Il en ramasse un, tout gondolé par l’humidité, l’écriture manuscrite rendue illisible là où elle a bavé.
C’est sans doute trop tard pour le ramener.

「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Mar 13 Fév - 14:16

The boy who cried wolf

Avec Neniu


Pragmatique et ordonné, Forsaken considérait la situation avec un calme olympien. En vérité, il n'était pas plus touché que cela. Distancié de ses émotions, habitué aux extrêmes ; il restait impassible, car c'était ce qu'il était. Dans sa vision périphérique, il surveillait Neniu, tout en écoutant ses suggestions. S'il ne répondit pas, il n'en pensa pas moins. Il voulait éviter de déplacer le corps autant que possible, afin d'éviter d'aggraver les blessures.

En résumé, même lui jugea qu'ils étaient dans la merde.

« Faites attention où vous marchez. »

Prévint-il à l'attention de Neniu, jugeant la structure fort peu solide. Le bois était gorgé d'humidité, il grinçait au moindre mouvement, et il faisait nuit. Forsaken ne pensait pas non plus que le village prendrait la peine de venir les chercher. Personne ne croyait Neniu, sa réputation précédait, malgré l'urgence de la situation. La plupart des gens n'étaient pas suffisamment doués pour que lui-même leur fasse confiance. Il craignait surtout que le plafond cède sous la poutre, s'il arrivait à déloger Agathe.

Sans sa veste, en débardeur, Forsaken roula des épaules. S'il n'était pas large du torse et du bassin, il avait les épaules et les trapèzes bien dessinés. L'habitude de sa jeunesse à se hisser tout en haut des arbres pour contempler la forêt, sa capacité depuis qu'il savait marcher de crapahuter dans le cœur de l'Alaska. Ses avant-bras étaient davantage tracés que ses triceps et ses biceps, on sentait la force dans sa poigne. Après un long silence, jumelé à une observation en profondeur, Forsaken s'accroupit de l'autre côté de la gamine.

« Je vais avoir besoin de votre aide, je peux arriver à soulever la poutre. C'est vous qui devez la dégager. Attention à ne pas tirer. »

Ce n'était pas une suggestion, ni un ordre, mais ni plus ni moins qu'un constat.

Forsaken avala sa salive, puis il attrapa la poutre. Il rajouta :

« Je vais compter, à trois, dégagez-la. »

Ses ongles s'enfoncèrent dans le bois, Forsaken sentait son aspérité longer ses paumes, les échardes courir sous ses doigts. Malgré tout, en ancrant ses pieds dans le sol, et en gainant pour bloquer sa respiration, il souleva la poutre. La mâchoire serrée, les veines des mains et des avant-bras gonflés à bloc, il redressa en partie la poutre. Il avança d'un pas pour appuyer une partie de son poids sur son épaule, et maintenir la poutre le plus haut possible pour que Neniu puisse agir. La congestion arriva dans son biceps, gonflant le muscle, alors qu'il lâcha :

« Trois. Maintenant. »

Un bout de fer dépassait depuis la poutre, tout juste près de son épaule. Il sentait ses cervicales se tendre sous le poids de son fardeau, alors qu'il bloquait encore sa respiration pour ne pas perdre son gainage. Tout son corps servait à maintenir la poutre loin des deux enfants.


KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Jeu 22 Fév - 21:13
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Sa grimace grandit en réalisant que la demande de l’homme est on ne peut plus sérieuse -comme si ce type était seulement capable de ne pas l’être. Pourtant, ça a tout l'air d'une blague: avec sa petite taille et sa dégaine malingre, l’enfant ne passerait jamais les qualifications d’une équipe de secours. Il s’imagine difficilement pouvoir être d’une quelconque aide, au-delà de jouer les éclaireurs. Mais en même temps, quel autre choix ont-t-ils ?

C’est ça, ou se tirer d’ici comme s’ils n’avaient rien vu et porter tous deux le fardeau de ce lourd secret.

La proposition morbide est tuée par les sueurs froides qu’elle a exhumées, son humour déplacé mis en sourdine. Même s’ils avaient retrouvé Agate en vie, la possibilité qu’elle meurt était encore trop palpable pour ce genre de plaisanterie -un mauvais geste, un craquement malheureux, et pouf… Aussi fragile que la flamme vacillante d’une bougie, lui susurre la brise faisant courir un frisson sur ses frêles épaules. “Quoi- tu veux que je la soulève ?” C’est bien ce qu’il voulait dire, par ne pas tirer ? Qu’il ne pouvait se contenter de l’attraper par le pull et de la traîner sur le sol comme un sac de fourrage, tirant toutes les mailles et tous ses os fracturés.

Neniu peut les voirs, ses vertèbres, dessinées noir sur papier jaunit par le temps des manuels d’écoles; le cordon médullaire, au coeur de la moelle, si facilement endommagé, sectionné, snip, Atropos renvoit une autre âme dans l’au-delà, rajoute une coche à son ardoise en le regardant droit dans ses yeux,
tout le monde retient son souffle.

Car Forsaken ne s’est pas soucié de savoir si son compagnon d’infortune resterait paralysé, parce que ce n’était pas une option, qu’il n’avait tout simplement pas le choix. Comme le monde serait simple si les gens se contentaient de faire exactement ce qu’ils devraient faire sans être entaché de craintes idiote. Mais ils ne vivent pas d’un monde où un enfant qui ne fait que détruite n’est pas pris de terreur à l’idée de mettre ses mains sur quelque chose de si fragile, car s’il la touche, et si elle meurt, tout le monde dira que c’est de sa faute, que c’est lui qui l’a fait, et- et- s’il ne fait rien, on l’accusera tout autant de ne pas avoir aidé, non-assistance à personne en danger, dans tous les cas il sera toujours coupable-

Le vent siffle, la poutre grogne, Neniu sursaute, gémit en tombant presque à terre, précipité par la peur. Une fois mis en mouvement, rampant à quatre patte, ses pensées sont si fortes qu’il ne parvient plus qu’à distinguer le bruit du sang s'affolant dans ses tympans, camouflant ses chouinements pitoyable alors qu’il attrape maladroitement le corps de la petite fille sous les aisselles et pousse sur ses jambes tremblantes pour tenter de la soulever. Agate est une poupée de chiffon remplie de plomb. Sa petite tête tombe mollement en avant lorsque son torse s’éloigne du plancher, découvrant sa nuque pâle de ses cheveux roux comme un agneau sacrificiel tendant docilement la gorge vers son bourreau. Mais il ne veut pas la tuer -il le murmure, encore et encore, à son insu, entre deux hyperventilations en continuant d’essayer de la hisser, réussissant à grande peine à passer son bras sous son torse comme pour l’enlacer, une parodie d’un acte de paix de deux enfants qui ne s’entendront jamais. La prise n’a rien d’idéal, ni de rapide ou d’efficace, et il ne sait pas par quel miracle il réussit à s’éloigner du patrouilleur, de la poutre, du sinistre, mais il y arrive, continue même plus loin, encore, jusqu’à ce que le plancher ne grince sinistrement sous sa pantoufle.

Neniu pousse un cri suraigu, mais ce n’est pas l’intégralité de l’étage qui se dérobe sous son pied, juste le poid de son corps; sa jambe n’a même pas traversé le plancher, ce n’est que ses genoux qui n’ont plus su le soutenir, les forçant en w, la petite fille serrée étroitement dans ses bras. Contre le sien, son petit corps froid recouvre un peu de chaleur; un réconfort étrange mais trop maigre pour triompher de ces émotions fortes. Le garçonnet n’as pas fait la moitié des efforts que son aîné a déployé, mais il est arrivé au bout de ses nerfs, stressé, fatigué, effrayé, frustré, tant qu’il ne remarque pas même le filet écarlate dispersant de petite tâche sur la tête de la rouquine.
「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Mer 20 Mar - 12:23

The boy who cried wolf

Avec Neniu



Forsaken sentait le froid engourdir ses muscles, le poids de la poutre s'enfoncer dans sa peau. Les genoux fléchis, il respirait doucement et discrètement. Il n'était pas si fort que cela, toutefois, il avait l'habitude de toujours en demander trop à son corps. Il ne s'écoutait jamais vraiment, toujours à forcer encore et encore sur la corde. Un jour, tout céderait. Mais on n'y était pas encore, et ses yeux suivaient les mouvements de Neniu. Bien sûr que c'était trop lent. Bien sûr qu'il ne pouvait pas attendre d'un enfant une exécution parfaite. Forsaken ne lui en voulait pas, il continuait de maintenir la poutre, et pour une fois, il avait une expression différente que son masque de poisson mort. C'était les sourcils froncés, les yeux plissés, les dents serrées, face à ses bras qu'il sentait trembler.

Puis le corps tiré hors de la poutre, Forsaken attendit encore. Il évalua si les deux enfants étaient suffisamment loin, puis il reposa tout doucement la poutre. Enfin, il essaya, car elle tomba au sol et un épais nuage de poussière s'éleva autour d'eux.

Forsaken saignait, pourtant, il ne ressentait pas encore la douleur.

Son esprit se concentra sur le petit garçon et la petite fille. Il cligna plusieurs fois des yeux, quand il remarqua les gouttes de sang. Un instant, il cru qu'Agathe saignait, mais le léger vertige rendait son esprit mensonger.

Le souffle court, en sueur, l'homme se rapprocha. Dans son omoplate, le bout de métal éventré depuis le bois avait raflé une nouvelle plaie. Il sentait ses muscles endoloris et ses bras tremblaient encore. Pourtant, il s'agenouilla face à eux.

« Vous saignez. »

Fit-il remarquer à Neniu en retrouvant son indifférence coutumière, tandis qu'il inspectait la rouquine. Il vérifia d'abord son pouls, les sens étirés. Sa poitrine se levait et se baissait frénétiquement, son cœur battait encore fort sous l'effort. Il avait encore la sensation du poids sur ses épaules. Les muscles gonflés à bloc, Forsaken était sale de sueur et de poussière.

« Tout va bien, lâcha-t-il. Je pense qu'elle s'est évanouie sous la douleur et la peur. »

Forsaken fouilla dans sa poche pour tendre un mouchoir à Neniu, sa voix était devenue plus rauque, entrecoupée par des pauses que sa respiration erratique lui réclamait. Il savait très bien que la déplacer avait représenté un danger pour elle ; un pari lancé, un jet de dès. Mais sa nuque n'avait pas morflé, ses jambes toutefois... Forsaken espérait que cela ne serait que temporaire. Il les trouva enflée, le sang coupé au niveau des genoux. Toutefois, il ne semblait pas avoir de fracture ouverte.

Il remua une épaule, comme dérangé par un moustique - la plaie était sanguinolente.

« Neniu, tout va bien. »

Répéta-t-il en remontant son regard dans le sien. Forsaken restait un masque froid, son regard était toujours semblable à des lames. Pourtant, il y avait une certaine tranquillité émanant de lui, une humanité rendue fébrile par la situation et son urgence.

Ses cheveux collés à son front, il y passa ses doigts. Ils étaient gras.



KoalaVolant
Neniu
IRL
INRP
STATS
Neniu
Votre rang ici
# Lun 25 Mar - 18:53
Sweetest tongue

Don't let the wolf into your bed
Soulèvement de poussière, tremblement de terre, un autre cri qui s’échappe, surpris, son étreinte qui se resserre autour du corps inerte, lui qui craignait tant de déplacer une vertèbre risque bien de l’étouffer, pourtant elle ne réagit pas, même lorsqu’il relâche l’étau lorsque Forsaken réapparaît dans son champ de vision, comme instinctivement; sa respiration n’est pourtant pas un modèle de calme présentement, mais il faut croire qu’à force d’émotion forte vécue à ses côtés, l’enfant avait commencé à associer sa présence à la placidité. A la remarque, il porte sa main à son nez, ses doigts rougi par le froid revenant maculé, le sang auquel il est tant habitué presque noir dans la pénombre du bureau.

Tout va bien, fait écho ses pensées. Ça n’a rien d’anormal. Il a simplement un peu trop poussé. Il ne va pas se vider de son sang, même si c’est bien l’impression que donne le flot abondant s’épaississant, noircissant le poitrail de sa chemise maintenant qu’il s’est un peu reculé, à cessé de moucheté la tête rousse de celle qu’ils sont venus chercher, qu’ils ont récupéré, il ne reste qu’à sortir de là mais ses genoux refusent de l’écouter, n’arrive pas à déployer à nouveau cette force pour pousser son corps, trop faible, épuisé, le froid profitant déjà de l’immobilité pour réveiller le grattement désagréable qu’il est certain de pouvoir sentir au fond de ses poumons, pneumonie imminente s’il n’arrive pas à se bouger-

Neniu

Il relève la tête et remarque enfin le mouchoir avant de retrouver la surface plane du lac gelé au fond des iris sombres qui se plongent dans les siennes, saccadées.
Tout va bien.

Oui.
Tout va bien.
Il n’a pas tué Agate.

Tout va bien.

Ses doigts souillés viennent enfin chercher le mouchoir pour le porter à son nez, acquiesçant imperceptiblement. Ses bras osent lâcher le corps de la petite fille, la pose doucement sur le sol avant de tenter de se relever, s’appuyant sans vergogne sur l’épaule moites de son aîné afin de se redresser. Malgré le vertige, en le surplombant, il ne peut pas louper la vilaine balafre qui le fait grimacer. “… J’arriverais pas à la porter.” L’admettre tout haut réussit à faire poindre un soupçon de honte. Bobo ou non, niveau muscle, il n’y avait pas photo; mais le souci était que, vu la peine qu’il avait eu à rentrer dans le bureau, faire passer un homme adulte par la porte relevait presque de l’impossible. “J’peux peut-être utiliser ta veste pour la tirer, mais après y’a les escaliers.” La migraine le guette, fronce ses sourcils et le reste de son visage. Sa faiblesse compliquait réellement la situation, bien qu’il ne soit pas sûr que ce soit une si bonne idée pour son aîné de ressortir par là où il était passé avec sa blessure: il ne manquerait plus qu’il ait une faiblesse au moment de redescendre et qu’il s'estropie à son tour, là ils auraient l’air malin.

Son regard se promène sur la pièce éventrée, le spectacle continuant de remuer les émotions à fleur de peau, menaçant de ressurgir à nouveau à la prochaine montée de stress. Voir le bureau ainsi écrasé ne peut que lui évoquer la charge de travail qu’il lui avait été donné de constater lorsque ses insubordinations l’avaient mené chez le menuisier, une énième tentative de faire de lui un membre utile de la communauté, des heures de travail trop barbante à son goût réduite en miette, tout comme la charpente, le plancher pourri, la porte dont les charnières étaient certainement rouillée, l’empêchant de s’ouvrir, les affres du temps triomphant des efforts futiles de l’humanité pour le dompter.

C’était déjà arrivé quelquefois, au nesto.
L’humidité scellant une porte rarement utilisée.

La solution lui fout un coup de fouet que ses jambes peinent un peu à suivre lorsqu’il part à la recherche du candidat idéal dans les décombres, sans s’expliquer. Il en laisse le pauvre mouchoir choir sur le plancher, s’essuyant du dos de la main le nez lorsqu’il recommence à couler, penché à quatre pattes.
Si la porte refuse de s’ouvrir, il peut la forcer.

Et pour ça, même le poids d’une demi-portion suffit une fois la cale et l’ouvre lettre qu’il avait si longuement admiré durant ses étés passés à flâner ici enfoncés sous l’interstice. Ne pas avoir perdu une de ses pantoufles aurait évité à la plante de son pied de déguster au moment de sauter à pied joint sur son levier de fortune, mais le résultat est le même: comme au nesto précédemment, la porte saute de ses gongs, manquant de peu de lui retomber dessus si ce n’était pour la bibliothèque affalée freinant sa chute.
A bout de souffle, l’adrénaline faisant palpiter son pauvre petit cœur, Neniu n’attend pourtant pas une seconde pour se retourner vers Forsaken, sourire ensanglanté sur ses traits rayonnant à travers la fatigue. Un réflexe enfantin, incapable d’être arrêté à temps par son égo, qui crie, quémande la fierté de l’adulte que l’on admire.

Lui.
Admirer Forsaken ?
Vouloir qu’il le félicite de son ingéniosité ?

N’importe quoi.
Vite, il doit essuyer cet air niais de son visage, enfoncer la grande capuche sur son visage rougi par le froid et le froid uniquement pour s’assurer que cela soit vite oublié. “Aller bouge, on a perdu assez de temps.” piaille-t-il en retraçant ses pas jusqu’en haut des escaliers.
「R」
Forsaken
IRL
INRP
STATS
Forsaken
Votre rang ici
# Ven 19 Avr - 10:53

The boy who cried wolf

Avec Neniu



Lui qui n'aimait pas les enfants, ne comprenant pas la moitié de leurs babillages, se fatiguait de leurs crises pleines d'énergies et de leurs pleurs, se retrouvait avec deux membres de leur espèce. Agathe semblait en vie juste épuisée, il sentait son léger souffle. Quant à Neniu, le sang sur le visage, le mouchoir oublié, Forsaken le laissa à ses expérimentations. Il se releva dans un soupir à peine perceptible, les genoux grinçants, et le cœur toujours aussi froid. Dans la nuit, il craignait la rencontre avec les bêtes sauvages. Le retour ne serait pas aisé, et il restait toujours le même souci : descendre. L'humidité dans l'air s'écrasait dans ses poumons, le froid mordait ses épaules, et ses doigts étaient raides. Il roula du dos, avant de raccorder son attention à la petite fille. Il inspecta les blessures, l'état de ses jambes, il remarqua le sol au sang. Comme le Petit Poucet, on pouvait suivre la trace de Neniu avec les tâches écarlates.

Puis il eut un bruit.

Très caractéristique. Forsaken serra la mâchoire, la main portée sur son fusil ; témoin de ses réflexions qui ne dormaient jamais. Puis il comprit. Neniu débarrassa une partie du problème, la porte chavira, et avec elle, la poussière remonta tout autour d'eux.

L'enfant le fixa, attendant quelque chose. Forsaken ne lâcha pas le moindre mot, rien à l'oral pouvant approuver ou non son action. Il se contenta d'un hochement de tête, les yeux sombres fixés sur la figure pâle à quelques mètres de lui. Puis sans un son, il s'assura que sa veste et la couverture soient bien en place sur Agathe. Il la souleva sans difficulté, en sentant la douleur se lover dans les muscles. Il en était usé, et bien évidemment qu'il ne laisserait pas un gamin se charger du poids mort.

« Vous avez perdu votre chaussure. »

Fit-il remarquer. Parce que dans la maison abandonnée, avec les clous sortant comme des épis de blés des planchers, il ne donnait pas cher de sa peau. Le tétanos, une blessure, Neniu en train de se plaindre qu'il aurait mal au pied. Forsaken marcha en direction de la porte, cherchant du regard le chausson abandonné, éventuellement. Son souffle était calme, même si le froid picorait le bout de son nez, l'obligeant à froncer les sourcils pour ne pas éternuer.

« On va rentrer, ne vous éloignez pas de moi. Faîtes attention où vous marchez. »

Il cligna plusieurs fois des yeux - ce qui était rare pour lui -, avant de passer la porte. La maison ne lui inspirait aucune confiance, et Neniu restait un élément imprévisible - la maladresse, la fatigue, la faiblesse d'un enfant -, si bien que Forsaken redoublait de vigilance.

Du moins, elle ne se taisait jamais. Elle restait étirée encore et encore, jamais en veille, jamais en sommeil. Bien au contraire. Ses bottes couinèrent sur le plancher, il écoutait celui-ci se plaindre sous son poids. Un pas après l'autre, assuré qu'il ne s'effondrait pas. Ils y étaient presque.


KoalaVolant
IRL
INRP
STATS
Contenu sponsorisé
#



Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum