Bonvenon al






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# Mar 29 Nov - 17:46
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
C’est souvent - bien souvent, qu’il se perd sur le barrage.
A regarder simplement la surface de l’eau claire.

Elle ondule aujourd’hui, sous l’effet d’un vent faible. Ici, Daniel n’est pas seul. Il ne l’est jamais vraiment. Ravèl vient souvent lui parler, lui et son masque immaculé. Daniel l’écoute, boit ses paroles. Comme fasciné par sa simple présence. Il n’est qu’ici que par procuration, à observer cette terre sur laquelle Daniel a atterri. Il observe les habitants, il observe la ville mais jamais il n’intervient. Il reste dans ce silence qui est le sien.

Daniel n’est que l’ombre traductrice de celui qui regarde.

Il semble toujours un peu ailleurs, sur le haut du barrage. A regarder l’horizon, sa cigarette entre les doigts. Il parle, il parle à celui que lui-seul est capable de voir, à celui qui lui-seul est capable d’entendre.

“Ici reposent les victimes d’un monde qui a oublié de tourner rond, les victimes que la société a arrêté de vouloir observer. Alors c’est pour cette raison que nous sommes ici : poser les yeux sur ceux qui ont été oubliés”.

C’est cette mission, que Daniel s’est promis d’accomplir.
Et c’est de cette mission, dont tous-deux parlent régulièrement.

Il semble toujours un peu ailleurs, sur le haut du barrage. Jusqu’à ce qu’il te voit arriver, toi gamin qui sembles oublier de grandir. Il fronce les sourcils, comme perturbé de ce simple état de fait. Et Ravèl à ses côtés, qui décide de vous laisser. Il s’apprête alors à s’éclipser, laissant à Daniel le goût de la cendre dans le fond de sa gorge.

Et il te regarde, un instant comme s’il ne te reconnaissait pas.
Comme si tu venais d’une autre de ses vies.

“Pluŝo.”

Daniel te parle comme à cette époque. Cette époque pourtant lointaine déjà, où tu arrivais seulement dans leurs vies. Comme si, dans sa mémoire, plusieurs années venaient de sauter.

“Qu’est-ce que tu fais là ?”

Derrière son épaule, Daniel jette un dernier regard à Ravèl.
Qui peu à peu semble devenir plus flou.
Neniu
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Neniu
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# Mar 29 Nov - 20:51
I talk to God
but the sky is empty.
Un faux pas, c’est tout ce qu’il faudrait pour disparaître.

Un pied devant l’autre, Neniu se sent funambule, avançant à pas de loup le long de la rambarde du barrage, bras tendus de chaque côté. Oh, ce n’est pas juste pour le frisson grisant du danger qu’il s’est engagé sur ce chemin; c’est le petit point sombre aperçu au loin qui a guidé ses pas sur cette route périlleuse. Chaque fois qu’il arrête de regarder les chaussettes grises poignant à travers les lanières de ses sandalettes, il se précise un peu plus, jusqu’à ce qu’enfin la silhouette prenne des airs familiers, faisant éclore un énorme sourire sur son petit visage: même flou, il reconnaîtrait la dégaine de La Verkisto entre mille.

Alors tant pis, il presse un peu le pas -le muret n’est pas si étroit, pas pour un enfant.
Et puis, si la curiosité le tue, la satisfaction le ramènera.

Il le croit d’abord pris dans un monologue, mais plus il se rapproche, plus le doute s’installe, finissant par l’arrêter pour observer l’homme trouble. Mais lui, lui le voit, clair comme de l’eau de roche, avant qu’il ne puisse entendre suffisamment pour comprendre; alors il revêtit son manteau d’agneau, comme si son vis-à-vis n’avait jamais eu affaire à lui, et finit d’avaler la distance les séparant.

Le nom parvient à froisser le masque, une seconde à peine; les dents dévoilées dans le rictus qui fronce son nez, avant que le visage ne se lisse et que le sourire ne se fasse à nouveau doucereux. “Ça fait longtemps qu’on ne m’avait pas appelé comme ça.” Ça le rendrait presque nostalgique si ça ne l’agaçait pas tant; il avait passé l’âge de jouer avec des peluches, même si ça ne se voyait pas. “T’es à la ramasse, mon pauvre.” Le petit merdeux qui avait semé la zizanie dans le bureau du journal à l’époque ne peut s'empêcher de ressortir, aussi inchangé que son compagnon, comme si les dernières années n'avaient jamais existé.

Mais Neniu n’a pas le temps pour les fantômes du passé: ignorant royalement sa question, il trotte à la hauteur de son aîné, se penchant pour tenter d'apercevoir ce qu'il regarde en faisant fi du vide, une main retenant son chapeau pour empêcher la brise de le lui prendre. “A qui tu parlais ?” C’était déjà la cata à l’époque, mais là il avait vraiment l’air à côté de ses basques, et ce n’est pas pour lui déplaire; la Verkisto avait toujours été une source inépuisable d’amusement -et plus secrètement, d’intérêt: la possibilité d'en avoir encore à découvrir ne peut que le faire trépigner.

On pourrait presque dire qu’il lui a manqué.
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# Jeu 1 Déc - 14:03
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
“Ça fait longtemps qu’on ne m’avait pas appelé comme ça.”

Ah. Peut-être.
Daniel observe.

“T’es à la ramasse, mon pauvre.”
“Non.”


C’est simple et direct. Daniel se sent - se pense - parfaitement bien. Parfaitement correct. Parfaitement lui. Et pourtant, il frotte son visage quelques instants, son visage et ses tempes brunies. Ailleurs, un moment. Comme s’il lui fallait le temps, pour que tout ne se remette à tourner rond.

“Tu parlais à qui ?”

Il regarde à ses côtés.
Ravèl est parti, comme s’il n’avait jamais existé.

Daniel sourit, doucereux.

“M. Ravèl. Mais il est parti. C’est pas grave.”

Il mène sa cigarette à ses lèvres, comme s’il se fichait de tout. Elle vient de cette drôle de contrebande qui s’est organisée dans la ville, cette cigarette. Il ne sait plus contre quoi il l’a obtenue. Il l’a obtenue, et c’est tout ce qui comptait alors. Il avait été tenté également, par ces petites pilules bleues. Martín les lui avait reprises, dès qu’il les avait vues. Daniel s’était énervé, puis il avait laissé couler. Il se contentera de sa cigarette.

“Tu l’as loupé de peu.”

Daniel observe.
Le lac, le barrage, le village en contrebas.

“Tu n’es pas censé être au Nesto ?”

Ça lui revient bizarrement. Non, tu n’es plus ce gamin qui traînait dans ses pattes au journal. Désormais, tu vis ailleurs - dans le Nid. Parfois, comme ici, ça arrive à La Verkisto d’avoir de brusques élans de lucidité.
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# Jeu 1 Déc - 17:51
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La spontanéité de la réponse le fait sourire; il n’essaie même pas de retenir ses gloussements, même s’il porte ses mains à son visage, abandonnant une seconde le chapeau dont le grand bord ondule gentiment avec le vent. La Verkisto a toujours été un drôle d’oiseau: son comportement déroutant, plutôt que de le refroidir, le fascine en tout point. C’est drôle de tester les eaux avec lui car il ne peut jamais anticiper sa réaction.

Ha ? L’incrédulité pointe dans la voix de l’enfant qui jette à nouveau un coup d'œil plus loin, tente de plisser les yeux pour voir s’il aperçoit qui que ce soit. Il est presque plus content de ne trouver aucun monsieur, car ça veut bien dire qu’il n’y avait rien. “Dommage.” Ses yeux suivent le bout incandescent de la cigarette en revenant sur lui, happé une seconde loin de ses pensées par l’odeur du tabac. Ses paupières papillonnent un instant, le temps de humer la fumée portée par la brise, sentir le picotement désagréable qu’elle laisse au fond de ses poumons et les larmes qu’elle fait remonter dans ses yeux.

Il ne sait pas pourquoi, mais l’odeur âcre charrie en lui une douce amertume, comme un bleu sur lequel il ne peut pas s’empêcher d’appuyer.

La question met fin à ses rêveries, bien que le parfum du tabac subsiste. Il hausse un sourcil, la surprise que l’homme ne soit pas entièrement perdu dans le passé jalousement cachée par sa frange. “J’ai le droit de me balader, non ? En tout cas autant que toi.” Il parle à la Protektado ou a La Verkisto, sérieux ? Lui aussi, il peut jouer les inquisiteurs. “Et ta machine, alors, tu l’abandonnes pour parler à ton Ravèl ?” Pas qu’on ne le voyait jamais hors de chez lui, mais Neniu avait gardé une image toute particulière de La Verkisto, courbé sur son bureau à taper des heures durant, assez pour que ce soit presque étrange de le voir à ciel ouvert.

(il faut dire que quand il ne l’emmerdait pas, à l’époque, il l’avait eu observé)(jusqu’à ce que l’ennui ne le fasse sortir de sa cachette)

Le tabagisme passif finit par le lasser; il en veut plus, tente sa chance. Après tout, est-ce qu’un type qui parle à des gens qui n'existent pas va vraiment lui casser les pieds ? “Dis, tu m’en donnes une ?” Sa petite paume blanche s’ouvre devant le noiraud, espérant recevoir ce qu’il quémande comme s’il s’agissait d’un bonbon. “Je te la rendrais, avec intérêts.”

Mensonge, bien sûr. C’était déjà bien assez difficile pour lui de se procurer les siennes, mais avec un peu de chance cette promesse s’évanouira dans la prochaine fièvre créative.
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# Ven 2 Déc - 14:42
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
Il inspire une nouvelle fois la fumée de sa cigarette.
Elle rougeoie, lueur faible au milieu de la journée.

Il te regarde, La Verkisto. On dirait que comme lui, tu n’as pas changé. Que tu es resté le même. Et quelque chose de désagréable tire dans le fond de son ventre, à cette pensée étrange.

“J’ai le droit de me balader, non ? En tout cas autant que toi.”

Il fronce les sourcils.
Perdu, un instant.

“Et ta machine, alors, tu l’abandonnes pour parler à ton Ravèl ?”
“Ravèl est mon…. commanditaire. Alors il faut bien que l’on se parle de temps en temps. Et puis c’est agréable de parler avec lui.”


Sa voix s’est éraillée.
Sur le mot agréable.

Il retourne à sa cigarette, comme si elle allait l’aider à reprendre le contrôle de ses cordes vocales. Il frotte de nouveau son crâne. Mauvais réflexe duquel il ne se rend compte. Et tu es toujours là, toujours présent. Il se demande une nouvelle fois pourquoi tu n’es pas au Nesto, mais tu lui as déjà répondu - tu as le droit de te balader.

Mais en tant que tel, il se demande ce que tu fais là ?
Là, ici ? Sur le haut de barrage ? A ses côtés.

“Dis, tu m’en donnes une ? Je te la rendrais, avec intérêts.”

Quelques instants passent devant ta paume tendue.
Tu parles de la cigarette. Il la fume une nouvelle fois.

“Non.”

Daniel a gardé tout de même un semblant de responsabilités. Surtout lorsque ça ne le concerne pas. Tu es un enfant - plus tellement mais il ne parvient pas à en prendre conscience.

“Tu es trop jeune pour fumer. Il ne faut pas, ce n’est pas…”

Il tire de nouveau sur sa cigarette.
Ne fais pas comme lui.

C’est hypocrite. Daniel est sans cesse dans l’excès et sans cesse dans l’oubli. Daniel ne sait se gérer, il ne sait s’occuper de lui-même. Il ne s’en rend pas compte. Il ne se rend compte de rien.

“... Qu’est-ce que tu fais ici ? Au barrage ?”
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# Ven 2 Déc - 19:12
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Entre métaphore et délire, Neniu hésite sur l'interprétation de la situation. Peut-être bien qu’il s’agit là de la muse qui semble tellement obséder les artistes. Lui n’en saurait rien: il n’y pas l’ombre d’une fibre artistique dans son petit corps. Lui veut comprendre, lui veut que tout fasse sens, alors l’art, qui laisse baigner les questions dans la subjectivité et l'interprétation, ne fait que le frustrer.

Et pourtant, l’écriture est probablement la forme qui lui est la plus accessible, ancrée dans le concret par les limites de l’alphabet. Alors pourquoi est-ce que l’esprit de La Verkisto lui semble si inaccessible ?

Quand il lui refuse sa demande, un claquement de langue lui échappe, fait revenir ce dédain qui fait défaut à son visage angélique; le même qui l’empêche d’obtenir ce qu’il veut. L’hypocrite s’emmêle dans ses justifications alors que le regard sur lui se durcit. “Plus tant que ça.” Lui-même a tendance à l’oublier; il a mieux à faire que de compter sur ses doigts le nombre d’anniversaire solitaire passé dans cet endroit étrange, préfère se laisser flotter en faisant fi du jour et de la nuit. Mais si son corps n’a pas changé, son esprit, lui, malgré l’immaturité qui porte ses actions, n’est plus celui du petit enfant farouche retrouvé dans les champs. Il s’est embué de cette rébellion toute particulière à la puberté alors même qu’elle n’a pas même frôlé ses traits. “Je serai bientôt adulte, tu sais.” Quand exactement, personne ne peut le dire -mais que change une ou deux années quand on essaie de le garder d’une mauvaise habitude qu’il ne faudrait jamais prendre ?

Sauf qu’il devrait avoir le droit de faire ces mauvais choix.
(mais pas de forcer les autres à se rendre complice)

En un soupir, il tourne les talons pour laisser son regard se balader sur le paysage, sans grande conviction bien que la vue soit imprenable. De là-haut, leur monde semble encore plus petit et ses limites plus grandes encore.
L’insistance de La Verkisto ne reçoit d’abord qu’un haussement d’épaule. “Une envie, comme ça.” Les mots cachent l'exaltation au moment de reconnaître la silhouette sur le barrage; que de simple possibilité d’aller embêter quelqu’un, cette promenade était devenue l’occasion de revoir un fantôme si rarement aperçu.

Qu’il avait pressé le pas, quoi que ça signifie.

Mais ça. Ça il ne peut pas lui dire, surtout pas après qu’il lui ait fait la morale. “Pourquoi ça t’emmerde tellement que je sois ici ?” C’est pour ça qu’il insiste, non ? Pour lui faire admettre qu’il n’a rien à faire là et le faire décamper, histoire de pouvoir retourner à ses délires stupides.
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# Lun 5 Déc - 16:17
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
"Plus tant que ça. Je serai bientôt adulte, tu sais."
"Ah ? On dirait pas."


C'est compliqué, difficile pour lui. Que de se dire qu'il n'est pas le seul à ne pas vieillir. Pourtant parfois, lorsqu'il se regarde dans le miroir, il croit voir dans son reflet un regard tellement plus vieux que ce qu'il a l'habitude de contempler.

Puis il oublie.
Daniel n'est pas vraiment ici.

Le regard se perd de nouveau sur le paysage. L'endroit est étrange, en tant que tel. Un peu trop utopique. Il se dit que c'est ainsi, une partie de sa vie qui jamais ne se finira ici. Il inspire la fumée de sa cigarette, qui doucement se termine. Il s'en bouffe les lèvres, et frotte ses tempes. Et toi, toi tu es toujours là.

"... Qu’est-ce que tu fais ici ? Au barrage ?"
"Une envie, comme ça."


Une envie simple.
Il pourrait presque oublier.

La dernière fois que Daniel a comblé une de ses envies - envie profonde - tout s'est fini terriblement mal. Terriblement. Et ce livre est toujours flou.

"Pourquoi ça t’emmerde tellement que je sois ici ?"
"Simple curiosité."


C'est vrai. Daniel ne juge pas, il ne fait qu'observer. Les autres, les gens, ceux qui semblent tellement loin de lui. Il cherche à vous comprendre, il cherche à sauvegarder vos existences finies.

"Rappelle-moi ton âge ?"

Parce qu'il est simple d'oublier. Simple d'oublier qui on est, et où on va. Daniel ne se souvient pas de son âge. Pas exactement.

Et cet autre lui qu'il voit lui semble étranger.

"Est-ce que je t'ai déjà proposé de… de raconter ce dont tu te souviens ?"

Il ne sait plus.
Il demande à tant de personnes.
Neniu
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# Mar 6 Déc - 11:44
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Son exaspération coule sur La Verkisto comme l’eau sur les plumes d’un canard, s’évanouit dans le bruit blanc du barrage, énorme maelstrom qui semble tout engloutir et ne laisse qu’un calme plat qui reprend ses droits même sur l’enfant impétueux.

(un tour de force, vraiment)

Neniu finit par s’asseoir, quittant l’équilibre précaire de sa position pour laisser ses jambes ballotter au-dessus du vide. La vue a raison de lui, vient réveiller des réflexions sans réponses à milles questions sur cet endroit qu’il décide d’ignorer chaque jour, les limites de sa curiosité posées par la peur.
Il se doute, non, est certain qu’il pourrait les trouver s’il s’aventurait au fond de lui-même et par delà le mur. Mais le coût est trop grand. Alors il se contente de regarder le village et d’accepter ses mystères tels quels, ne pas chercher d’avantage. Il y avait plein d'autres choses dans lesquelles aller fouiner sans risquer de remuer le passé.

Mais c’est exactement ce que son aîné fait; gratter le sol aride pour cataloguer tout ce qui s’y trouvera, géologue des souvenirs dans un endroit hors du temps, un projet futil que seul un fou entreprendrait. Puisqu’il ne l’a pas chassé, il veut bien être indulgent, se met à compter, chaque de doigt de ses mains levés, une année passée ici. “Ça fera sept ans cette année donc… Dix-sept ? Dix-huit ?” Le temps lui importe si peu. Pourquoi s’en encombrer alors qu’il ne sait même pas quel âge il avait en arrivant ici ? Quelle différence est-ce que ça fait lorsqu’il semble incapable de le toucher ?

Ça lui va très bien comme ça, c’est tout ce qu’il a jamais connu. Il ne jalouse pas ceux qui le dépasse maintenant, content de ne jamais construire sa chrysalide et de rester petite chenille verte. Neniu a oublié ce que ça fait de grandir, ne se souvient pas d’un moment avant qu’il ne soit tel qu’il est et ne peut imaginer ce corps immuable changer.

S’il pouvait abandonner cette enveloppe pour un corps sain, par contre, peut-être ne rechignerait-il pas à l’idée de pouvoir atteindre les placards sans l’aide d’une chaise. Mais ça, même dans ce lieu insensé, ce n’est pas possible.

Sauf dans un rêve.

Son soupir se fait emporter par la brise. “Oui.” Quand, exactement, il ne sait plus, s’en fiche; assez longtemps pour que le sujet le rende songeur plutôt que de l’agacer immédiatement. Peut-être ces quelques années ont-elles réussi à insuffler un semblant de maturité en lui, cachée sous ses enfantillages incessants.
Il daigne de regarder l’homme de derrière son épaule, l’observe, une seconde, avant d’ajouter ce qu’il lui a déjà dit, à l’époque. “Mais je ne me souviens de rien.” Tout juste de quoi écrire une brève. Que ferait-il des notes de bas de page disséminées dans son esprit ? On ne construit pas une mosaïque avec une poignée de pierre. “Pas d’âge, pas de nom, pas de pays-” Enfin, si. Par déduction, après avoir découvert l’origine des quelques mots se cramponnant désespérément à son esprit. Rien qui le rattache plus à cette endroit qu’à un autre-

Pire, il avait ouï dire par de plus récents arrivants que ce pays n’existait même plus.

“Je peux te réciter des trucs que je ne comprend même pas, te parler de lysozom et d'organela, mais qu'est-ce que tu feras avec ça ? C’est une perte de temps, mon pote.” Pas de passé, pas de futur, il n’est réellement personne.
Neniu.
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# Mer 7 Déc - 17:01
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
Sept ans ou huit ans.
Daniel te regarde. Songeur. Comme si cette information simple pourtant, peinait à atteindre son esprit. Depuis combien de temps, vit-il ici ? Il ne sait plus. Les jours s’égrainent et les mois également, les années d’autant plus. Il a déjà vécu pareille situation - de l’autre côté du monde.

Dix ans ou presque, d'hyperactivité artistique.
Dix ans durant lesquels tous ses ouvrages ont vu le jour.
Les douze qu’il a pu écrire.

“Oui. Mais je ne me souviens de rien.”

Pas de nom.
Pas d’âge.
Pas de pays.

Parfois, Daniel se dit qu’il est ici comme un libérateur. Celui qui recueille à qui le veut, les souvenirs d’un passé fragmenté. Sans rien dire, et sans jugement. Pour simplement les mettre à l’écrit. Simplement comme un exutoire, pour celles et ceux qui craignent de se confier. Daniel est discret - si la personne refuse que soit contée sa vie, alors il met les ouvrages sous verrou. Daniel est un conservateur, en plus d’un auteur.

“Je peux te réciter des trucs que je ne comprends même pas, te parler de lysozom et d'organela, mais qu'est-ce que tu feras avec ça ? C’est une perte de temps, mon pote.”
“C’est déjà un début.”


Il ne comprend pas non plus, ces quelques mots.

Daniel n’a rien d’un scientifique - ni biologiste, ni généticien. Pourtant, il sait fouiller, chercher, se renseigner. Il est journaliste. Trouver l’information, le détail qui change le reste - c’est là son corps de métier. Pour certains, c’est une entreprise qui peut prendre quelques semaines, quelques mois. Pour d’autres, des années entières.

La Verkisto ne s’en formalise pas.
Il ne compte pas le temps qui passe.

“Que dirais-tu d’essayer ? Peut-être que quelque chose finira par se débloquer ?”

Et lui ?
Qu’est-ce qui finira par le débloquer ?
Neniu
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Neniu
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# Jeu 8 Déc - 17:16
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Un début. C’est bien optimiste, venant du noiraud, ou peut-être juste terriblement réaliste. Il est vrai qu’il avait beau simplifier la situation comme ça, c’était faux que de dire qu’il ne se souvenait d'absolument rien; une façon d’ignorer les quelques fragments flottant dans le néant de son passé, d’enterrer cet album photo dont il ne subsiste qu’une poignée d’images délavées.

Elles, contrairement aux ecchymoses, refusaient de tout à fait disparaître, laissant toujours une tâche qui n'attend que le bon stimulus pour être ravivée. Parfois innocente, parfois dévastatrice dans la mélancolie qu’elles amenaient avec elles.

Neniu n’est pas sûr de vouloir découvrir ce qui se cache derrière les clichés vierges de son esprit. Alors il déraille la conversation, loin de lui. “Et toi, alors ?” Tourner le projecteur sur le réalisateur, le mettre sous ses propres lumières: c’était facile, de fouiller dans le passé des autres, mais qu’en était-il de l’homme derrière le pseudonyme ? “Tu as écrit un livre sur ta vie d’avant ? Il est terminé ?” Ce n’est pas qu’une tentative de montrer du doigt l’hypocrisie, mais aussi une vraie curiosité. Il en avait déjà lu, de ses étranges bibliographies -même disséminées une ou deux dans le village à l’époque où on le laissait encore sortir des livres de la bibliothèque. Mais il était loin de tous les avoirs épluchés, encore moins en entier, ni d’avoir déjà posé la pulpe de ses doigts sur le nom de La Verkisto en parcourant les tranches.
Qui sait, s’il l’avait bêtement loupé, peut-être irait-il faire un tour à la bibliothèque pour le lire.

Son regard revient sur le village, au loin, tiraillé entre songe et l’envie irrésistible de fouiner. Il ne veut pas risquer de mettre un coup de pied dans la fourmilière de son passé et de libérer ce dont il ne veut pas se souvenir, mais il voit là l’opportunité d’en apprendre plus sur l’homme étrange. “Je te propose ça:” L’enfant rejette la tête en arrière pour accrocher le regard derrière lui, son visage parfaitement découvert par la position. “Je veux bien essayer, mais uniquement si tu me parles de ton Ravèl.” Le bras est levé pour tendre la main et sceller l’accord s’il décide de le prendre. “Et pas de mensonges.” Juré craché; heureusement pas dans la paume tendue, mais par-terre sur le côté.

Bien sûr, ça ne veut rien dire avec lui.
「R」
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# Ven 9 Déc - 13:56
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
“Et toi, alors ?”
“Et moi ?”


Et lui ?
Daniel refuse, tout bonnement. Il refuse d’accepter ce dont il se rappelle. Tout ça lui semble loin, tellement loin. Comme si ses souvenirs n’étaient pas les siens et pourtant - pourtant il se rappelle bien de ces mots, de ces visages, de ces noms. Mais quelque chose semble comme dissonant. Étrange. Inexpliqué. Irréaliste.

“Tu as écrit un livre sur ta vie d’avant ? Il est terminé ?”
“Non. Je n’ai jamais rien écrit sur moi.”


Il inspire.
Comme brusquement incertain.

“Je ne suis pas là pour ça. Pas pour cette raison… Moi. Non…”

Les mots se délogent de sa gorge, douloureux. Il racle sa gorge, enfonce dans ses paumes le bout de ses ongles. Sa voix s’éraille. Il vient frotter ses tempes.

“Je te propose ça : Je veux bien essayer, mais uniquement si tu me parles de ton Ravèl.”
“Comme tu veux.”
“Et pas de mensonge.”
“Pourquoi je mentirai ?”


Question légitime.
Daniel, dans tout ce qu’il te racontera, sera persuadé de décrire la vérité simple. Celle que les autres n’ont pas voulu accepter. Et si tu ne l’acceptes pas non plus, ce ne sera pas Daniel le problème. Ce sera toi.

Il serre ta main d'enfant.

“Qu’est-ce que tu veux savoir ?”
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# Ven 9 Déc - 17:57
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L’aveu et tout ce qu’il semble charrier au fond de l’homme fait grandir le sourire sur son visage. Là où ils pourraient enfin trouver un point commun dans leur expérience si dissimilaires, l’enfant ne voit qu’un bleu à venir taquiner, la corde sensible sur laquelle il voudra tirer pour voir jusqu’où il peut la tendre avant qu’elle ne cède et ne lui ouvre inévitablement les doigts.

Il a tout de suite envie de dire et pourquoi ? Pourquoi pourquoi pourquoi, comme le font sans cesse les enfants pour gratter doucement mais sûrement les nerfs de tous les adultes autour d’eux qui ont cessé de se poser la question en grandissant. Pourquoi tu cherches à autopsier les autres au grand jour alors que tu gardes tes organes bien au chaud dans ton abdomen ? Pourquoi pas toi ? Pourquoi tu penses que tu es si spécial ?

Mais Neniu se tait. Il a déjà choisi sur quel champ de bataille il allait se battre. L’hypocrisie, ce sera un autre jour; aujourd’hui, c’est le délire qui l’intéresse. “Parce que tu as le choix en tant qu’humain, c’est tout.” La tentation de tordre la vérité, c’est ça, qui les différencient des animaux; même si la frontière se brouille dès lors que se mêlent les tares de la psyché.

Sa petite main blanche est engloutie par celle de son aîné, scellant l’accord. Il réfléchit en prenant le temps de pivoter pour se mettre face-à-face, le dos tourné à l’étendue d’Espero. “T’as dit que c’était ton commanditaire. Ton projet, là, c’est pour lui ? Pourquoi ça l’intéresse, les souvenirs de parfaits inconnus ?” Il préfère se plonger directement dans le vif du sujet, avide de comprendre les raisons plus profondes qui muent le noiraud à entreprendre une tâche aussi futile. Ça ne peut pas être de l’ennui, ça non; il ne pense pas qu’il est possible de s’ennuyer au milieu des pensées de La Verkisto. Ça semble trop fourmiller, sous les mèches sombres; assez pour déborder à l’extérieur dans ses gestes erratiques.

Ses talons tapent dans le muret, effritant doucement mais sûrement le cuir de ses sandalettes. “Moi, je trouve ça louche, en tout cas.” Ce qui était vraiment bizarre, c’était parler à des gens qui n’existent pas. “T’as pas peur de passer des info sensibles à ce gars ? Et s’il les utilisait contre les gens ici ?” Après tout, il ne connaît pas une âme en ce lieu qui n’a pas un cadavre dans le placard -certain moins métaphoriquement que les autres. Romancé ou non, une partie de ces éléments doit bien transparaître dans le texte, sinon à quoi bon prétendre au titre de biographie ? Exposer son passé de but en blanc, c’est risquer d’exhiber l’emplacement des vieilles plaies suintantes, et les gens d’ici sont trop confiant pour ne pas regarder plus loin que la surface

Il ne le sait que trop bien.
「R」
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# Lun 12 Déc - 13:05
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
La vérité est que Daniel se pense au-dessus de tout.
De la vérité, tout particulièrement.

Parce que les histoires ne l’intéressent pas tant qu’il n’y a pas une part de réel en dedans. C’est le propre des contes - que de prendre pied dans la réalité. Toute histoire raconte quelque chose de fondamentalement vrai. La seule chose à savoir, c’est à quel point on l’entoure de romance.

“T’as dit que c’était ton commanditaire. Ton projet, là, c’est pour lui ?”
“Exact.”
“Pourquoi ça l’intéresse, les souvenirs de parfaits inconnus ?”
“Ce n’est pas tant les souvenirs des inconnus qui l’intéresse que le projet qui en découle : c’est un lieu rempli d’histoires, qui transpirent à travers vous-tous. Vous êtes tous les témoins d’une époque et d’une culture, révolues ou non. On ne peut pas laisser tout ça tomber dans l’oubli.”


C’est là son grand projet - celui de l’Humanité. En rassemblant les souvenirs d’une humanité décomposée et malade, afin d’en changer l’essence même. Que vous soyez victimes ou acteurs ou les deux.

Daniel, dans sa folie des grandeurs, se pense au-dessus de tout.

“Il est éditeur, je suis romancier. Mais nous sommes des conservateurs avant tout.”
“Moi, je trouve ça louche, en tout cas.”


Il te jette un coup d’œil.
Tes talons tapotent le muret, dans un rythme régulier. Il plisse les yeux et le nez, à ce son pourtant simple. Comme si les cliquetis lui revenaient dans l’esprit.

“T’as pas peur de passer des infos sensibles à ce gars ? Et s’il les utilisait contre les gens ici ?”
“J’ai une totale confiance en lui.”


Mais comment ne pas avoir confiance ?
Daniel est étrangement logique dans son délire, jusqu’à ce qu’on en titille les limites. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il raconte, semble pour lui couler de source.

“Les gens ne sont forcés à rien. S’ils ne veulent pas raconter, ils ne le font pas. S’ils veulent que leur biographie reste à l’écart de la vue de tous, elle y restera. Mais lorsqu’ils commencent, ils doivent bien savoir qu’ils ne doivent ni mentir, ni omettre.”

C’est dans les clauses. C’est dans les petites lignes en bas du contrat. Daniel expose ce qui doit être fait, les buts et les règles afin que tout le monde puisse les respecter. Daniel n’est pas là pour juger. Daniel est là pour retranscrire.

“C’est libérateur également - pour certains.”
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# Mar 13 Déc - 18:41
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La conversation est intéressante, ouvre sa réflexion alors qu’il écoute presque diligemment l’homme devant lui. Le pourquoi persiste, comme un grain de sable l’agaçant tout au fond de son esprit, mais il ne l'interrompt pas, pas tout de suite; peut-être que les réponses deviendront évidences à force, que son point de vue finira par traverser et se mêler au sien par osmose.

Malheureusement, même au terme de ses explications, Neniu ne voit qu’une chose: des ambitions grandiloquentes qui colorent l’importance même du projet. Et son opinion transpire sur son visage, sa moue dubitative rendue que plus évidente lorsqu’il appuie sa joue sur sa main. “Et pourquoi c’est si important, de conserver ça ?” Petit avocat du diable, il relève les yeux vers son aîné, sceptique. “C’est intéressant, d’accord. Mais qu’est-ce qui a de mal à ce que ces choses soient oubliées ?” Pour lui, ça lui semble être aussi stupide que de s’attacher à des objets obsolètes par pure nostalgie. “Quelles conséquences ça aura sur l’univers ?” Leurs existences individuelles est insignifiante: la preuve, elle peut être entièrement effacée de leurs anciennes vies, et la terre ne s’est pourtant pas arrêtée de tourner, en témoigne les faits rapportés par les tout nouveaux arrivants.

Rien ici n’a de sens. Pas même le temps.

“En plus, c’est bien beau tes principes là, mais rien ne te prouve que personne t’as jamais raconté des bobards.” Ils s’éloignent de Ravèl; la chimère ne lui importe plus, bête véhicule les ayant mené à cette conversation. Un doigt accusateur est pointé sur l'intéressé. “Si tu te bases sur l’honnêteté des autres, tes efforts de conservation vont servir à que dalle.” Lui-même n’avait aucune intention de lui dire la vérité, après tout; qu’est-ce qui empêcherait quelqu'un de se donner le beau rôle ou d’embellir certains évènements ? De raconter que de la merde pour palier à des souvenirs barbants ? De remplir les trous par du bourrage quelconque ?

Surtout qu’il peine à imaginer un junkie comme La Verkisto être une présence rassurante qui pousse à la confession… Lui, bien sûr, aime parler avec lui justement à cause de ces excentricités, mais de là à lui ouvrir son coeur… “Enfin, si ça en soulage certains, j’imagine que ce que tu fais n’est pas totalement inutile.” conclut-il en croisant les bras derrière la tête, soulevant le bord de son chapeau dans le mouvement. Même avec un éditeur qui n’existe pas, l’homme ne fait probablement pas vraiment de mal en écrivant ses bouquins; et même si c’était le cas, qui serait-il pour juger ?
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# Ven 16 Déc - 9:54
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“Et pourquoi c’est si important, de conserver ça ?”
“Pour ne pas qu’on oublie.”
“C’est intéressant, d’accord. Mais qu’est-ce qui a de mal à ce que ces choses soient oubliées ? Quelles conséquences ça aura sur l’univers ?”


Il regarde les arbres, un instant seulement.
Comme perdu, soudainement.

Il a l’esprit en feu, et la tête qui chauffe. Une douleur perce derrière ses yeux, migraine dont il ne parvient à réfréner la grimace qui le traverse. Par réflexe, il se frotte les tempes. Encore et toujours.

“Pour ne pas que ça recommence. Parce que… parce que c’est comme ça qu’on évolue - en n’oubliant pas les erreurs du passé. Parce que le monde est malade et que c’est mon devoir de le soigner.”

Son ton se fait plus rêche.
Ses propos plus acerbes.

Il plonge, entièrement et sans cordage, dans son délire mégalomaniaque. Car s’il s’agit de sa mission et de la raison même de son existence. Que fera-t-il, le jour où il aura fini ? C’est pour ça qu’il ne préfère pas y songer. C’est pour ça qu’il préfère se dire qu’il restera ici éternellement. Daniel est persuadé de vivre pour ce but final bien qu’il ne soit qu’un pion dans cette grande œuvre. Mais un pion essentiel, celui qui recueille, celui qui conserve.

“En plus, c’est bien beau tes principes là, mais rien ne te prouve que personne t’as jamais raconté des bobards. Si tu te bases sur l’honnêteté des autres, tes efforts de conservation vont servir à que dalle.”
“C’est un risque à prendre.”


Il semble résolu.
Indéboulonnable.

Dans ce monde où l’on ne peut jamais être sûr de rien. Pas même de son propre soi, de sa propre personne, de ses propres souvenirs. Daniel va souvent dans le Reflet. Et il n’y voit que des mémoires qui ne lui plaisent pas.

“Enfin, si ça en soulage certains, j’imagine que ce que tu fais n’est pas totalement inutile.”
"Libre à toi de songer que c’est inutile. Je préfère me dire que l’essentiel se verra plus tard.”


Il voudrait une nouvelle cigarette.
Il n’en a pas, il n’a réussi à en récupérer qu'une seule.

“Dis-moi… Qu'as-tu fait des livres… que tu n’as jamais rendu à la bibliothèque ?”

Oui, il avait été mis au courant. Mais il n’avait jamais cherché à les récupérer, ou à les rechercher - ou à venir te questionner à ce propos. Cette histoire revient seulement dans le fond de sa mémoire.

“Les bibliothécaires m’en ont parlé quand je suis allé déposer d’autres ouvrages. J’en dépose toujours deux, l’un est conservé et l'autre empruntable. Mais c’est peu. J’aimerais bien les récupérer.”
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# Mar 20 Déc - 18:25
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Évoluer.

En voilà un concept qui ne lui est familier qu’en théorie. Pourtant, le mot vient titiller sa mémoire, faire émerger quelques pages de livre aux coins cornés auxquelles il n’avait pas vraiment eu raison de songer auparavant; à moins que ce ne soit l’attitude erratique de l’homme qui soit responsable.

Le monde est malade.
Cette rengaine semble millénaire, remonter bien plus loin que les sept dernières années.
Qui donc essayait de le soigner, dans ses souvenirs ? Il n’arrive pas à mettre le doigt dessus -n’en a pas envie vraiment- mais la ferveur de l’écrivain soulève un frisson qui entraîne avec lui des songes qui ne semblent pas lui appartenir.

Quelque chose ne va pas dans leur société.
Elle est gangrenée de l’intérieur -figurativement et littéralement.
Quelque chose dans les idées et le sang.

Dans son propre sang, qu’il n’a vu que trop de fois hors de son corps, sombre et visqueux, aligné sur l’étagère.

Une goutte de sueur vient chatouiller son échine en retraçant la courbe de sa colonne vertébrale. Tout ce qui a été charrié par la mégalomanie de La Verkisto, il le garde derrière ses lèvres pincées, ignorant l’horrible sentiment de nausée qui le guette. Derrière les mots de son vis-à-vis, il semble sentir un malaise similaire au sien, une peur viscérale du passé qui ne le rend que plus confus face à son entêtement dans ce projet;

alors même que l’envie de lui demander ce qu’il cherche tellement à éviter brûle derrière son mutisme.

Un haussement d’épaule, c’est tout ce qu’il se contente de répondre. Soit, le futur leur dira si tout cela est en vain, quoi qu’il se doute que seule l’ignorance les attend, pas une réponse divine. Mais l'échange laisse un goût putride tout au fond de sa bouche sèche, un agacement sous la surface qui l'empêche d'accepter cela comme conclusion.

Malade.
(Dégénéré, souffle le vent du passé)
Et alors ?

Il ne réalise qu’au changement soudain de sujet à quel point la conversation l’avait crispé, force ses muscles à se détendre, reprendre une posture nonchalante. "Ha, ça ?” Ces jours, il ne venait que rarement à la bibliothèque; c’était devenu plus drôle d’essayer de chiper les livres empruntés par les autres que de tenter de les faire sortir en douce. “J’en sais rien.” Honnête pour une fois, ce n’est pourtant probablement pas la réponse que l’adulte voulait entendre, mais la morsure de l'irritation a sapé toute envie d'édulcorer. Pire, elle lui donne envie de planter ses propres crocs dans le responsable. "S'ils n’ont toujours pas été retrouvés, j’pense qu’on peut les considérer comme perdus.”

Pas une once de culpabilité ne traverse le visage de l’enfant; ce ne sont que des faits. Quand il abandonnait un livre derrière lui, il ne s’en souciait plus à la seconde où il avait quitté ses mains: si certain était revenu à la bibliothèque, c’était uniquement car une âme charitable avait dû les ramasser. Autant dire que depuis que le privilège d'emprunter lui avait été retiré, on avait cessé de retrouver des livres sur les murets, dans les commerces, derrière les maisons, sur les toits et dans les greniers. On lui avait quand même déjà poussé des sacrés engueulades quand la pluie était passée avant les bons samaritains qui prenaient le temps de les ramener, mais ça ne l’avait pas empêché de recommencer encore et encore.
Neniu avait bien mieux à faire que de garder la trace de tout ce qu’il laissait derrière lui.

“T’inquiète, j’ai jamais abandonné un livre ennuyeux.” Les talons se remettent à labourer le muret alors qu’il pose son petit menton dans ses mains, la malice le trahissant bien avant que les mots ne sortent de sa bouche. “Alors tes bouquins qui sont jamais revenus, ce sont que ceux qui ne valent pas la peine d’être retrouvés.”

Vraiment, c’était une faveur qu’il avait fait à Espero, de trier les ouvrages de la bibliothèque.
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# Lun 26 Déc - 12:22
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Neniu & La Verkisto
Le vent apporte l’odeur salée du lac et de l’eau stagnante.
Daniel plisse le nez, comme gêné.

Il se souvient de sa Galice natale, et de l’odeur des embruns venant de l’océan Atlantique. Il se souvient des pèlerins à destination de Compostelle, des visages en marche depuis sa prime enfance. Il se souvient de sa petite ville, écroulée sous les bombes de la Guerre Civile. Et tout ça pour quoi ? Il ne sait pas. Il a vécu la dictature franquiste comme on vit tout autre chose. Ce n’était qu’une toile de fond qui a régi sa vie sans qu’il n’en ait pleinement conscience.

“Han, ça ? J’en sais rien.”
“Hm.”
“S'ils n’ont toujours pas été retrouvés, j’pense qu’on peut les considérer comme perdus.”


Il pince les lèvres.
Ennuyé peut-être que son travail lui soit ainsi arraché. Pourtant, il se souvient de cette image qu’il a vu, dans le plus profond du Reflet. Lui, qui brûle ses propres ouvrages dont le titre reste flou et illisible. Le souvenir ensuite se fait flou, il ignore comment il est sorti de cet immeuble rongé par les flammes.

“T’inquiète, j’ai jamais abandonné un livre ennuyeux. Alors tes bouquins qui sont jamais revenus, ce sont que ceux qui ne valent pas la peine d’être retrouvés.”

Il souffle du nez.
Peu amusé.

Il les réécrira, tant pis alors. Il en a bien un autre exemplaire, dans les tréfonds de la bibliothèque, qui reste caché aux yeux des lecteurs. C’est celui qui restera pour la postérité.

“J’espère que j’ai répondu à tes questions.”

Il a un ton plus acerbe. Moins gentillet. Et avec un sourire plus carnassier.
Comme si l'obsession revenait frapper à sa porte.

“Et j’espère que tu me retourneras la pareille.”
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# Lun 16 Jan - 11:51
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L’adulte devient avare en mots, lui qui aime tant les épancher sur le papier. De toutes ses années de vie, celles dont sa mémoire a gardé une trace, il a constaté qu’il n’existe que deux réponses à l’agacement: ce mutisme progressif, vaine tentative de conserver sa salive ou d’empêcher la colère fulminante de déborder, et son contraire, l’avalanche qui déferle subitement; de mots, de coups, de vérités tordues par la rage et de mensonges tentant de protéger la fierté piquée à vif.

Neniu aimerait bien voir ce à quoi ressemblerait l’éruption volcanique de son vis-à-vis, mais semble devoir se satisfaire du premier cas de figure puisque le noiraud lui passe habilement le bâton. Soit, une promesse est une promesse, et l’enfant a très hâte de mettre à l’épreuve la confiance aveugle de l’écrivain. “Moui.” Ça avait eu le mérite d’être divertissant, si l’on met de côté ses propres remous: ne percevoir ne serait-ce qu’une étincelle de folie briller au fond des yeux de l’homme avait valu la peine de déranger ses propres morts. “Même si j’aimerais beaucoup parler de tout ça directement avec ce Monsieur Ravèl.”

Mais ça, ça ne pourrait qu’arriver que dans le reflet, n’est-ce pas ?
Si encore ce genre de chimère s’y manifestait.

La curiosité grandit, mais pas encore assez pour le persuader de réitérer cette effroyable expérience, pas sans garantie de le rencontrer -après tout, comment ferait-il pour lui parler, sans bouche ni souffle ? “Un jour, peut-être.” songe-t-il dans un haussement d’épaule avant de retourner son attention sur l’inquisiteur. “Alors, je dois commencer par le début ?”

Comme c’est drôle, il a l’impression de jouer au psychiatre et au patient, sans vraiment savoir qui tient quel rôle dans leur petit jeu. Il ne se souvient pas un jour s’être confié au corps médical, pas honnêtement, ni que l’on se soit souvent soucié de sa psyché. Mais ce qui intéresse la Verkisto, ce sont ses souvenirs, pas ses états d'âme. “Quoi que, c’est tellement flou, je saurais même pas te dire dans quel ordre ranger le peu de chose dont je me souviens. Je crois qu’il faudra que tu me guides si tu veux en tirer quoi que ce soit.” A l’entendre, l’on pourrait presque croire qu’il va faire un vrai effort; tenter d’examiner les sentiments qui lui ont retourné l’estomac l’instant d’avant, explorer ces mots ayant surgi au milieu de rien pour y tirer un fil les reliant.

Se pencher sur l’horrible reflet dans la chambre sans porte
et sur l’étrange familiarité dans l’attitude erratique de l’homme qui le pousse sans cesse à revenir vers lui.

Mais Neniu n’est pas coopératif.
(plus ?)
Tout ceci n’est qu’une autre mascarade, quand bien même il avertit une dernière fois son interlocuteur. “Ne viens pas dire que je ne t’ai pas prévenu si tu ne trouves rien d’exploitable.”
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# Mer 18 Jan - 12:47
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Neniu & La Verkisto
Moui.
Il n’aime pas cette réponse.
Pas assez précise, pas assez précieuse.

“Même si j’aimerais beaucoup parler de tout ça directement avec ce Monsieur Ravèl.”
“Un jour, peut-être.”
“Un jour, peut-être.”


Ravèl ne parle qu’à lui, qu’à Daniel. Il ne l’a jamais vu en compagnie d’autrui. Il ignore pourquoi, ou plutôt il refuse de voir l’évidence. Pourtant, c’est une réponse qui lui fut soufflée dans le Reflet, mais il a décidé de ne pas y croire.

“Alors, je dois commencer par le début ?”
“Par ce dont tu te rappelles.”
“Quoi que, c’est tellement flou, je saurais même pas te dire dans quel ordre ranger le peu de chose dont je me souviens.”


Daniel hausse les épaules.
Les questions, les précisions, ça le connaît. Les entretiens qu’il guide avec les autres sujets de ses livres ne sont pas de simples monologues. Daniel questionne, Daniel fouine dans le moindre petit détail de leur vie. Il cherche les causes, il cherche les conséquences - c’est ainsi qu’avancera l’œuvre de sa vie.

“Je crois qu’il faudra que tu me guides si tu veux en tirer quoi que ce soit.”
“C’est prévu.”
“Ne viens pas dire que je ne t’ai pas prévenu si tu ne trouves rien d’exploitable.”


Il te jette un regard. Un dernier.
Avant de fixer de nouveau l’horizon.

“Tu n’es pas le seul à m’avoir dit quelque chose de similaire. Les gens comme toi sont plus nombreux que tu ne sembles le croire.”

Il inspire.

“Et si ce n’est pas suffisant - ça ne le sera pas - on pourra continuer plus tard.”

Daniel est arrangeant.
Comme si son travail d’imprimeur et journaliste passait au second plan de sa vie ici. Car c’est ainsi, lorsque son obsession frappe à grand coup dans son esprit.
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# Mer 18 Jan - 23:59
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Tout est tellement bureaucratique; toutes ses tentatives de repousser l’échéance ont le droit à leurs réponses pré-enregistrées et factuelles qui le laissent au pied du mur, forcé de se mettre à cracher le peu dont il se souvient avec la quasi-promesse de réitérer l'expérience plus tard.

Car ce ne sera pas suffisant.

Les mots piquent quelque chose à vif au fond de lui, embrasent la dissonance cognitive qui d’un côté veut lui montrer qu’il pourrait le faire en une fois, qu’il n’est pas comme tous les autres amnésiques de ce bled, et de l’autre s’échine à lui rappeler qu’il ne va pas lui offrir une once de vérité et que réussir à lui présenter une histoire complète en un jour après avoir tant insisté qu'il ne lui restait que des bribes, ça ne tient pas debout.

Alors il expire bruyamment, râle avec le vent qui essaie de lui arracher une fois de plus son chapeau. Aller, un point de départ cohérent, un petit morceau factice pour mener la danse. Il fait mine de puiser dans ses souvenirs, ne cherchant qu’inspiration à son futur mensonge. “Je crois… Avoir eu un chat.” Oh oui, ça lui plairait bien. Avoir eu un petit compagnon plus loquace que le vieux doudou défraîchi sous son oreiller: dans cette vie fictive, il a le pouvoir de lui donner la vie. “Blanc, et pas plus grand que ça.” Un sourire presque sincère s’échappe en regardant l’hypothétique créature entre ses mains, pas plus grande qu’un chaton, vraiment. Il peut imaginer son pelage hirsute et ses petits miaulements aigus raisonnant dans l’étrange pièce aux rideaux jaunis; presque le voir marcher dangereusement près des tubes carmins alignés sur les étagères étroites.

Sauter dans le berceau avant que l’on ne puisse l’arrêter.

L’image fait courir un frisson le long de ses bras qu’il tente de chasser en les frottant sans jamais réussir à se débarrasser du chatouillement charriant son estomac. “Enfin… Il était peut-être pas à moi. J’en sais rien.” Pourquoi se sent-il obligé de se dédouaner du chat, soudainement ? Neniu préfère ne pas s’y pencher, plaque son dos contre le mur de sa mémoire et regarde un point dans le vide pour ignorer tout ce qui pourrait vouloir ressortir à cause de cet exercice stupide. “Je me souviens de… Beaucoup de gens. Mais plus comme un sentiment.” Une grande famille, une grande ville, un orphelinat, une école ou une communauté soudée, ça ne semble pas tellement tiré par les cheveux si terriblement vague, mais pas plus que les véritables bribes flottant dans son inconscient. “Oh et… Ce n’est pas vraiment un souvenir, mais j’ai cru comprendre que les frontières ont changé en Europe, depuis ?” Une part de vérité suffisamment inoffensive en guise de beau ruban, et voilà les miettes d’un passé sans intérêt. “Pour ce qui est de tous ces termes scientifiques que je connais, qui sait. J’ai dû les apprendre à l’école, j’imagine.”

Neniu ne sait pas grand-chose, mais il est presque certain de ne jamais être allé à l’école. Pas de déjà-vu lors des leçons prises à son arrivée ici, pas de connaissances éparses d’autres matières, aucun indice qui semble indiquer qu’il ait un jour posé ses fesses sur un banc de classe par le passé. A 10 ans, l’on devrait pourtant avoir déjà commencé, n’est-ce pas ?

Il ne saurait donner une réponse définitive, ce qui ne fait qu’appuyer cette théorique.

C’est probablement ce travail là qu’espère faire la Verkisto avec lui: recoller les morceaux les plus vagues pour essayer d’arriver à des conclusions en espérant tomber tôt ou tard sur une pièce du puzzle permettant de reconstituer un autre souvenir, puis un autre, jusqu’à ce que l’image soit compréhensible malgré les pièces perdues à jamais. Mais si l’exercice parvient malgré lui à faire remonter des certitudes, celles-ci resteront scellées derrière ses petites lèvres: à l'écrivain, il ne donne qu'un soupir défaitiste. “Dit, ça sert vraiment à quelque chose ?” Non, bien sûr que non. Il lui fait perdre son temps, et il le sait; et il continuera en empilant toujours plus de pseudo souvenir sans queue ni tête jusqu’à ce que s’inventer un passé ne l’amuse plus.
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# Ven 20 Jan - 12:59
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Neniu & La Verkisto
Daniel note.

Il note dans sa tête, les détails, ce qu’il capte, les expressions, les pauses et les soupirs. A ses yeux de journaliste et naturaliste, tout est intéressant, tout est important. Alors il avale le moindre détail.

Un chat. Quelques informations. Peut-être à toi, peut-être pas.
Des gens, plein. Les frontières qui changent. Il ne sait pas.
Les termes scientifiques. Lesquels ? Dans quelle langue ?

“Dit, ça sert vraiment à quelque chose ?”
“Oui.”


Car à ses yeux, c’est le cas.
C’est évident. C’est essentiel. Pour toi, pour le monde.

Pour lui.

“Les termes scientifiques… Tu peux me les redire ?”

Car s’il ne les comprend pas, d’autres sauront les décrypter. Sauront dire la langue, quand et où. Et de là, on pourra découvrir un contexte, un comment et un pourquoi. Toutes les histoires s’ancrent dans l’histoire. Il reste juste à découvrir laquelle.

Car c’est bien là les détails qui ont piqué sa curiosité. Depuis l’instant où tu les as évoqué. Alors c’est bien là-dessus qu’il va se pencher dans un premier lieu. Ton chat - ou peut-être pas - les gens, les sensations. Ce n’est pas quelque chose qu’il pourra aussi aisément vérifié que ce début bien chargé.

Il vérifiera également les frontières - une fois qu’il saura où chercher.
Mais le monde a changé, depuis son départ.
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# Dim 22 Jan - 19:05
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L’affirmation tombe et se faufile jusqu’au recoin de ses commissures, les soulevant malgré lui car il sait; il sait que c’est une perte de temps, qu’il est en train de noyer le poisson sous des informations factices si vagues qu’elles ne pourront jamais se contredire.

Et pourtant, l’écrivain se penche au bon endroit, réussit à essuyer ce petit air mesquin de son minois. Neniu tire les rebords de son chapeau, obscurcit un peu plus son expression sous son ombre protectrice.
D’accord, il veut bien lui lancer un os à ronger, histoire de l’occuper un moment, ces miettes énigmatiques dont il ne sait lui-même pas trop quoi faire. Lysozom. Organela. C’est étrange, la façon dont les mots roulent naturellement sur sa langue, comme si son corps n’avait jamais oublié la façon dont la placer dans sa bouche pour former les bons sons de cet accent pourtant oublié. Okulokutánní. Fenotyp. Alela. Melanocyty. Du moment qu’il se contente de citer ces termes sans queue ni tête et qu’il fixe ce point qu’il s’est donné au loin en tirant sur son chapeau, il ne risque rien. Ça ne veut rien dire. Du pur charabia flottant inutilement dans sa matière grise. “Mmmh… Čištění. B… Biologická budoucnost… ?” Sans en comprendre la signification, ça  devient difficile de savoir lesquels appartiennent encore au monde de la science. Pourtant, la ligne, elle, lui semble clairement floue, sans jamais savoir ce qu’elle est supposée délimiter. “Y’en a probablement d’autres, je sais pas. J’vois pas pourquoi je m’encombrerais avec ça ici.”

Et pourtant. Ça fait une bonne poignée de mots gravés assez profondément dans sa petite tête pour subsister même après sept longues années dans cet endroit étrange. Une poignée de sable qui reste au creux de sa main même après l’avoir ouverte; même en ne cherchant jamais à en connaître les équivalences en espéranto, à comprendre ce que ça veut dire au-delà de la certitude innée qu’il s’agit de jargon scientifique.

“Satisfait ?” Ses petits doigts blancs lâchent enfin les bords du chapeau, soulageant sa nuque de la pression exercée. Ce petit exercice lui a laissé un goût désagréable en bouche, similaire à celui de la viande rance; un souvenir gustatif jamais déterré jusque là qui refuse de quitter son palais maintenant qu’il a ressurgi, lui faisant inconsciemment retrousser les lèvres.

Il n’aime pas ce jeu, alors il n’attend pas la réponse de l’homme pour sauter en bas du muret, époussetant ses vêtements. “Amuses-toi bien avec ça.” Car il se fera bien plus avare la prochaine fois que le sujet reviendra sur la table, quelle que soit ses trouvailles. “Moi, j’ai d'autres chats à fouetter.”

Et surtout besoin d’une cigarette pour chasser cet horrible goût.
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# Mer 25 Jan - 15:51
Au-dessus du barrage
Neniu & La Verkisto
Lysozom. Organela.
Okulokutánní. Fenotyp.
Alela. Melanocyty.
Čištění.  Biologická budoucnost.


Daniel fait rouler ces mots sur le bout de sa langue, silencieusement. Comme s’il espérait en définir les contours flous. Comme s’il espérait les répéter assez parfaitement pour en trouver le sens, et la langue dans laquelle tu parles alors.

“Y’en a probablement d’autres, je sais pas. J’vois pas pourquoi je m’encombrerais avec ça ici.”
“Pourtant, tu t’es déjà encombré avec ceux-ci.”


C’est mesquin, en un sens.
Mais il sait qu’il a la vérité sur le bout de ses doigts. Car si tu ne souhaites pas t'encombrer avec tous ces termes, pourquoi restent-ils tout de même dans le fond de ta mémoire ? Il te sourit : car de ton histoire, c’est ce qu’il va essayer de déchiffrer. Tu es arrivé ici voilà sept ans, tu en avais alors dix.

Comment de tels termes sont apparus dans ton esprit ?

Les raisons peuvent être multiples, comme elles peuvent être idiotes - l’école peut-être ? qu’apprenait-on à l’école chez toi et à ton époque ?

“Satisfait ?”
“Très.”
“Amuse-toi bien avec ça. Moi j'ai d'autres chats à fouetter.”


Il tire une moue.
Il doit rentrer également, il a les doigts qui prennent le froid à être resté ici trop longtemps. Il veut rentrer pour écrire, taper ce qu’il a appris aujourd’hui. Retrouver des ouvrages, reboucler. Refaire. Ecrire. Toujours. Tout le temps.
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